Fil d'Ariane
Khadja Nin est une femme engagée. Au prochain festival de Cannes, elle va aussi tenter de promouvoir le cinéma africain, même s'il ne compte aucun film en sélection officielle - tous les sélectionnés le sont dans la catégorie "Un certain regard". Si elle a été choisie pour être jurée, pense-t-elle, c'est parce qu'elle-même incarne ce "regard différent", parce qu'elle est Africaine et qu'elle ne vient pas du cinéma. Et puis sans la musique, que serait le cinéma...
Khadja Nin vit la moitié de l'année dans un petit village du Burundi, une expérience extraordinaire qui lui permet de parler de ce qu'elle y voit : "Nous arrivons au bout des trois d'un Burundi détruit, socialement détruit, économiquement détruit, politiquement détruit. Le peuple burundais vit sous la terreur. Le président Nkurunziza a forcé le passage avec son troisième mandat ; il a piétiné les accords d'Arusha, qui était notre socle pour retrouver la paix. Il a essayé de déclencher un conflit ethnique, ce qui serait facile avec 500 000 réfugiés dans un pays qui compte une dizaine de millions d'habitants. Mais les Burundais n'en veulent plus. Malgré les rapports remis aux instances internationales, rien ne bouge..."
Lire aussi nos dossiers ► L'actualité au Burundi ► Burundi : le pays déstabilisé
Ce qu'elle craint le plus, c'est d'entendre à nouveau les mitraillettes crépiter : "Ce serait facile dans un pays livré à lui-même, où le peuple est abandonné à lui-même. A mesure que le référendum approche, sur le maintien de Nkurunziza au pouvoir, la tension monte. Les milices de Nkurunziza et de son parti sillonent les collines pour forcer les gens à voter et à dénoncer ceux qui voteront "non" ou incitent à voter "non". Les menaces sont explicites : on ne répond plus de la vie de ceux qui choisissent le "non". De toute façon, ce référendum ne vaut rien, puisque le résultat est connu d'avance. Je pense que le pouvoir vit dans la peur. Le président n'ose plus sortir de son pays. On entend plus le Burundi dans le concert des nations, même au plan régional. Le Burundi est aujourd'hui le pays le plus pauvre au monde."
Le viol, une arme de guerre redoutablement efficace.
Khadja Nin
Khadja Nin est engagée pour les femmes burundaises : "Pour les femmes, c'est toujours la double, la triple, la quadruple peine. Elles sont torturées, emprisonnées, mais surtout violées. Le viol est une arme redoutable et redoutablement efficace. Une arme qui détruit tout."