La Cour internationale de Justice rejette la plainte du Soudan contre les Émirats arabes unis

La Cour internationale de Justice (CIJ) s’est déclarée " manifestement incompétente " pour juger la plainte déposée par le Soudan contre les Émirats arabes unis, accusés de complicité de génocide, ce lundi 5 mai 2025. Dans une requête déposée en mars, Khartoum accusait Abou Dhabi de complicité de génocide à l’encontre de la communauté masalit, prise pour cible dans le conflit armé qui ravage le Soudan depuis avril 2023.

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Cour Internationale de la Justice, La Haye (Pays-Bas) le 24 mai 2024.

Cour Internationale de la Justice, La Haye (Pays-Bas) le 24 mai 2024. 

AP Photo/Peter Dejong
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La Cour internationale de justice (CIJ) a rejeté lundi la plainte du Soudan accusant les Emirats Arabes Unis de complicité de génocide, se déclarant "manifestement incompétente" pour statuer sur cette affaire.

Khartoum a attaqué en mars les Emirats devant la CIJ à La Haye, les accusant de complicité de génocide à l'encontre de la communauté masalit, en raison de leur soutien présumé aux Forces paramilitaires de soutien rapide (FSR) qui combattent l'armée soudanaise.

Lorsque les Emirats ont signé en 2005 la convention de 1948 sur le génocide, ils ont émis une "réserve" à l'égard d'une clause-clef permettant aux pays de s'attaquer mutuellement devant la CIJ en cas de litige. 

"A la lumière de la réserve émise par les Émirats arabes unis... la Cour est manifestement incompétente pour juger la demande du Soudan", a déclaré la Cour.

Une représentante des Émirats arabes unis a salué la décision des juges. 

"Cette décision est une affirmation claire et décisive du fait que cette affaire était totalement dénuée de fondement", a affirmé Reem Ketait, haute fonctionnaire au ministère des affaires étrangères des Émirats arabes unis, dans une déclaration transmise à l'AFP.

Devant le Palais de la Paix, siège de la CIJ, une poignée de manifestants pro-soudanais brandissaient des banderoles, dont une sur laquelle on pouvait lire "Les Émirats arabes unis tuent le Soudan".

"Nous sommes extrêmement déçus.... Nous ne demandons que la justice", a déclaré Hisham Fadl Akasha, ingénieur de 57 ans.

Le conflit violent a un effet dévastateur, entraînant des pertes en vies humaines et des souffrances indicibles, en particulier dans le Darfour occidental.Cour international de justice de La Haye

Les Masalit, une ethnie non-arabe présente au Soudan et au Tchad

Dans sa requête déposée à La Haye, le gouvernement soudanais accusait les Émirats d’avoir apporté un " soutien financier, politique et militaire considérable " aux Forces de soutien rapide (FSR), milice en guerre contre l’armée régulière, et les rendait ainsi complices du génocide des Masalit, une ethnie non-arabe présente au Soudan et au Tchad, victime de violences au Darfour.

Le Soudan demandait également à la Cour l’adoption de mesures provisoires : l’interdiction immédiate de toute aide émiratie aux FSR ainsi que l’obligation pour Abou Dhabi de verser des réparations intégrales aux victimes. " Les Émirats arabes unis doivent réparer intégralement le préjudice causé par leurs actes internationalement illicites, notamment en indemnisant les victimes de la guerre ", avait plaidé le ministre soudanais de la Justice par intérim, Muawia Osman, lors des audiences début mai.

La CIJ s'est déclarée "profondément préoccupée par la tragédie humaine qui se déroule au Soudan et qui constitue la toile de fond du présent différend". 

"Le conflit violent a un effet dévastateur, entraînant des pertes en vies humaines et des souffrances indicibles, en particulier dans le Darfour occidental", a ajouté la Cour.

(Re)voir: Soudan : 13 millions de déplacés et réfugiés en deux ans de guerre

Des accusations jugées "crédibles" par l’ONU

Plusieurs experts des Nations unies ont estimé " crédibles " les allégations de livraisons d’armes aux FSR via le Tchad, avec la participation présumée des Émirats. Selon Khartoum, ce soutien militaire, doublé d’un appui politique, alimente le conflit et les exactions visant les civils.

Cependant, la portée des décisions de la CIJ reste essentiellement politique et symbolique, en l’absence de mécanisme contraignant pour les faire appliquer.

Abou Dhabi réfute toute implication

De leur côté, les Émirats arabes unis ont catégoriquement nié les accusations, qualifiées de " fabriquées " lors des audiences d’avril. Leurs représentants ont accusé le Soudan d’instrumentaliser la justice internationale à des fins politiques.

Une condamnation aurait pu entraîner de sérieuses répercussions diplomatiques et économiques. D’après plusieurs sources, une part importante de l’or extrait du Darfour serait acheminée vers Abou Dhabi, ce qui illustre l’enjeu stratégique du contentieux.

Un conflit qui dure depuis 2023

" L’horreur de ce qui se passe au Soudan est sans limites ", déclarait récemment le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme, Volker Türk.

Le Soudan est en proie depuis avril 2023 à une guerre fratricide entre l’armée régulière du général Abdel Fattah al-Burhan et les Forces de soutien rapide dirigées par Mohamed Hamdan Daglo, dit " Hemedti ". Ce conflit a déjà causé des dizaines de milliers de morts, plus de 13 millions de déplacés et provoqué, selon l’ONU, l’une des pires crises humanitaires contemporaines.

Plus de 540 civils ont été tués dans le nord du Darfour au cours des trois dernières semaines, a indiqué l'ONU jeudi, en estimant que "le bilan réel est sans doute beaucoup plus élevé".

Dimanche, les paramilitaires soudanais ont frappé la ville de Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement dans l'est du pays, a annoncé l'armée, dans la première attaque de ce type en deux ans de guerre.