La crise du covid-19 a accentué les phénomènes de corruption en Afrique selon Transparency International

Ce 9 décembre est la Journée internationale de lutte contre la corruption. De nombreux experts et ONG constatent que la pandémie de Covid-19 a aggravé ce problème. Transparency International publie chaque année ses indices de la perception de la corruption. Et l’Afrique est la région du monde la moins bien classée. 

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Indice de la corruption en Afrique - carte Transparency International
©TV5MONDE
Carte de l'indice de la perception de la corruption en Afrique selon les données de Transparency International. www.transparency-france.org
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Zweli Mkhize, l'ex-ministre de la santé sud-africain
© AP Photo/Themba Hadebe
Zweli Mkhize, ministre de la Santé sud-africaine en avril 2020 alors qu'il réceptionne de l'aide médicale d'urgence pour le Covid-19 en provenance de Chine, à l'aéroport de Johannesbourg. Le ministre a été contraint à démissionner après la publication d'un rapport, le 29 septembre 2021, révélant qu'il était l'auteur de détournements de plusieurs millions de dollars destinés à la lutte contre le Covid-19.
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Nous somme en août 2021. Le Dr Zweli Mkhize, salué pour sa réactivité face à la pandémie est obligé de quitter son poste de ministre de la Santé d'Afrique du Sud. Un rapport fait sensation. Le ministre aurait détrourné au moins neuf millions d'euros de fonds destinés à financer des campagnes de sensibilisation pour lutter contre la pandémie de Covid-19. L’argent aurait, selon ce rapport, bénéficié à deux proches de Zweli Mkhize au ministère. 

Des affaires comme celle-la, l'ONG Transparency International en a répertorié des milliers. Mais la pandémie de Covid-19 n'a fait qu'amplifier un phénomène connu et analysé depuis des années dans toute la région subsaharienne.

L'ONG publie régulièrement un rapport établissant un classement des pays selon l'indice de perception de la corruption (IPC). Cet indice classe 180 pays dans le monde, de 0 à 100. Avec un indice de 32, l'Afrique se situe dans le bas du tableau.

Le choc économique de la pandémie a suscité des protestations et des dissensions dans de nombreux pays, dont l’Afrique du Sud (situé à 44 sur l’indice de perception de la corruption), l’Angola (27) et le Zimbabwe (24). La population manifeste contre la hausse du coût de la vie, la corruption et l’utilisation abusive généralisée des fonds d’urgence.

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Une corruption structurelle en période de crise

L'enquête de Transparency International montre que les fonds d’urgence en période de crise, et même quand ils sont gérés par une organisation internationale, ont tendance "à s’évaporer". C'est ce que constate Benjamin Guy, chargé de la communication de l'ONG.
 
Nous sommes dans une situation de concurrence qui est complètement dérégulée.
Benjamin Guy, responsable de la communication Transparency International
Cette corruption peut prendre différentes formes. "Cela va de la grande corruption avec la disparition d’argent public ou privé qui part dans des chemins de corruption, jusqu’à la petite corruption du quotidien. Comme payer un bakchich pour obtenir un document administratif ou avoir accès aux soins", décrit Benjamin Guy.

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Ces différentes formes de corruption s’appliquent quel que soit le domaine. Elles viennent se greffer sur la crise du Covid. La gestion de la crise sanitaire met en circulation d’importantes sommes d’argent, mais également du matériel de santé, des vêtements de protection, des vaccins. Le phénomène est amplifié car "nous sommes dans une situation de concurrence qui est complètement dérégulée", souligne Benjamin Guy.
 
Chaque situation de crise qui implique la circulation d’argent, et dans une situation d’urgence, pousse tous les différents acteurs qui émettent des commandes à être moins regardants.
Benjamin Guy, responsable de la communication Transparency International
Dans des pays africains, où la corruption est beaucoup plus endémique, ce phénomène est particulièrement visible quand il s'agit de matériel de santé et de subventions.

C’était notamment le cas au Kenya où dès le mois de mai 2020, un mot dièse sur le détournement de fonds destinés à combattre le Covid est apparu sur les réseaux sociaux #MoneyHeist (en référence à la célèbre série télévisée La Casa de Papel).

Il a été déclenché par la publication d’un rapport du ministère de la santé kenyan sur l’utilisation des fonds alloués par la Bande mondiale.  C'est ce qu'a révélé la télévision publique britannique BBC. Sur 1,3 milliards de shillings kenyans (soit 12,2 millions de $) 70 millions ont été utilisés pour de la communication, 4 millions pour du thé et des petits gâteaux et seulement 42 millions pour l’achat d’ambulances….

En Afrique du Sud, un audit des dépenses liées à la Covid-19 a révélé des surfacturations, des fraudes et de la corruption. En août 2021, le ministre de la Santé a été contraint à démissionner.

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Au Nigeria, les organisations de la société civile ont dénoncé les rapports faisant état d’une mainmise des États sur les traitements pour le Covid et ont demandé aux institutions de lutte contre la corruption d’enquêter sur ces allégations.

La pandémie de Covid-19 met en évidence les lacunes structurelles des systèmes nationaux de soins de santé, les risques de corruption liés aux marchés publics et également le détournement de fonds d’urgence selon Transparency International.

En état d’urgence, le niveau de vigilance baisse

La crise sanitaire amplifie le phénomène. Face à l'urgence, les mécanismes habituels de contrôle, le niveau de vigilance, baissent. "Chaque situation de crise qui implique la circulation d’argent, et dans une situation d’urgence, pousse tous les différents acteurs qui émettent des commandes, qui les financent et qui surveillent, à être moins regardant" déclare Benjamin Guy.

"À chaque fois qu’on est dans une situation d’urgence ou de crise, où il y a de l’argent public ou privé qui est injecté de manière massive, mécaniquement, ça créé l’apparition d’intermédiaires et d’acteurs qui ponctionnent", rajoute-t-il. 

La transparence budgétaire peut-être difficile à appliquer en cas de crise "mais elle est essentielle pour garantir la bonne gestion des dépenses publiques et le bon acheminement des ressources vers leurs destinataires" souligne l’ONG.

Et cette action est urgente car la corruption représente des sommes colossales. Comme le rapporte la Banque africaine du développement (BAD), elle représente une perte annuelle correspondant à 25% du PIB du continent africain.