La Namibie se captive pour les débats sur l'avortement avant un examen au Parlement

Depuis deux ans, le gouvernement namibien a initié des débats avec la société civile sur l'opportunité de se défaire d'une loi héritée de l'époque de l'apartheid. Un rapport doit désormais être soumis au Parlement pour discussion, selon la ministre déléguée à la Santé, sans calendrier précis. 

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Namibie illustration

Illustration. La Namibie n'autorise l'avortement que dans des cas précis, notamment à l'issue d'un viol, d'un inceste ou pour sauver la vie de la mère.

@AP Photo/Jérôme Delay
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Quand Alejandra Angula (un pseudonyme) a appris sa grossesse, elle avait 25 ans. Pas de chance, elle prenait la pilule, une méthode contraceptive efficace mais pas infaillible. Elle se souvient de son "abattement". Très vite, elle prend rendez-vous dans une clinique du Cap et saute dans un avion.

J'avais plus peur d'avoir un bébé et d'être forcée à devenir parent que de la procédure. J'étais si désespérée, j'aurais essayé n'importe quel autre moyen.

Alejandra Angula (pseudonyme), informaticienne

Une compatriote de 36 ans, qui ne veut pas être identifiée, a aussi avorté en Afrique du Sud où travaillait son compagnon. "Je suis reconnaissante d'avoir été en position de bénéficier de la procédure, mais aussi d'avoir pu le faire de façon légale et en toute sécurité", confie-t-elle à l'AFP.

Beaucoup d'autres femmes optent pour des avortements illégaux, dans des conditions sanitaires douteuses, ou portent l'enfant avant de l'abandonner. Dans cette société conservatrice, marquée par la religion chrétienne, la contraception est mal vue, l'avortement pire encore.

"Nous accueillons beaucoup de femmes de Namibie", note Blum Khan, directeur en Afrique du Sud de l'ONG Marie Stopes International, qui gère des cliniques fournissant contraception et avortements.

Certaines arrivent souffrant "d'hémorragies ou d'autres maux" après des avortements illégaux bâclés. "Les femmes risquent leur vie", insiste-t-il.

Avortement autorisé que dans des cas précis

La Namibie n'autorise l'avortement que dans des cas précis, notamment à l'issue d'un viol, d'un inceste ou pour sauver la vie de la mère. En Afrique du Sud, il a été légalisé en 1996, peu après l'élection de Nelson Mandela.

Maria Kamati, infirmière au centre "The Voices for Choices and Rights" de la capitale Windhoek, avance que l'absence d'information destinée aux Namibiennes sur la contraception induit leur faible utilisation, entraînant de nombreuses grossesses non désirées.

"Certaines tentent des avortements clandestins, générant des problèmes de santé, parfois la mort", souligne-t-elle.

Rencontres citoyennes

Cette situation pourrait bientôt changer : le débat a captivé l'immense pays de seulement 2,6 millions d'habitants, par le biais de rencontres citoyennes dans les villes.

"Nous voulons une justice reproductive. Je dois pouvoir prendre moi-même des décisions qui concernent mon corps", déclare à l'AFP Yvonne Lipenda en marge d'un débat organisé à Katutura ("L'endroit où personne ne veut vivre" en langue herero), un township créé sous l'apartheid par l'administration coloniale sud-africaine.

Une pétition pour libéraliser l'IVG a recueilli plus de 63.000 signatures, incitant la ministre Esther Muinjangue, 60 ans, à lancer ces consultations publiques.

"Légal ou non, l'avortement est une réalité (...) Il est temps d'en examiner le pour et le contre afin que le pays puisse prendre une décision informée.

Esther Muijangue, ministre déléguée à la Santé 

"J'espère que les élus prendront en compte les avis médicaux et le fait que des avortements clandestins dangereux ont lieu et qu'ils rendront l'avortement accessible à toutes"

Cette discussion dans le pays s'inscrit dans un contexte de vifs débats sociétaux ces derniers mois, alimenté par des procédures judiciaires, pour la reconnaissance du mariage homosexuel notamment ou l'identité d'enfants nés grâce à une mère porteuse.