Le Parlement somalien approuve à l'unanimité l'instauration du suffrage universel direct et le passage à un régime présidentiel. Cela intervient malgré les critiques d'un ancien président qui dénonce "un processus illégal".
Le président somalien Hassan Cheikh Mohamud s'adresse aux membres du parlement à Mogadiscio, Somalie, le 21 février 2024.
En Somalie, la révision constitutionnelle concrétise la promesse - souvent répétée mais jamais appliquée jusqu'ici - d'un vote selon le principe "une personne, une voix" dès les élections locales prévues le 30 juin 2024. Le principe du suffrage universel direct avait disparu après la prise du pouvoir par le dictateur Siad Barré en 1969 dans ce pays de la Corne de l'Afrique.
Après le chaos qui a suivi la chute de Siad Barré en 1991, le système politique somalien s'est articulé autour de la myriade de clans et sous-clans qui composent la société. Les élections se déroulaient jusqu'à présent selon un complexe processus indirect, source de luttes de pouvoir et d'instabilité qui, selon de nombreux observateurs, profitent à l'insurrection des islamistes radicaux shebab qui ensanglante le pays depuis 2007.
"Les législateurs des deux chambres ont approuvé à l'unanimité les chapitres amendés de la Constitution", déclare le président de la chambre basse du Parlement, Cheik Adan Mohamed Nour.
L'actuelle Constitution est "provisoire depuis août 2012 et le processus de révision et d'amendement constitutionnel a commencé il y a une dizaine d'années", déclare Mahad Wasuge, directeur exécutif du Somali Public Agenda, un groupe de réflexion basé à Mogadiscio, la capitale somalienne. Quatre chapitres ont été amendés samedi et 11 autres doivent encore l'être, a poursuivi Mahad Wasuge, affirmant que ces réformes "doivent être validées par référendum".
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Mais cette réforme constitutionnelle est également critiquée. "Cette Constitution, qui doit être mise en œuvre selon un processus illégal et non accepté par la société, ne sera jamais reconnue comme une Constitution légale", déplore dans un communiqué l'ancien président Mohamed Abdullahi Farmaajo (2017-2022). Il ajoute que cela ne "représente pas la situation politique actuelle du pays et les piliers qui étaient au cœur de la réconciliation politique somalienne et du partage du pouvoir".
Cette réforme "risque d’accroître les tensions politiques, compte tenu de la forte opposition aux changements", craint de son côté Omar Mahmood, chercheur à l'International Crisis Group (ICG). "Certaines régions du pays, comme le Puntland, qui entretenaient déjà des relations difficiles avec Mogadiscio, ne feront que prendre davantage leurs distances".
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À la tête de cette région, Saïd Abdullahi Deni a régulièrement affiché ses différends avec le gouvernement fédéral, défendant farouchement l'autonomie politique et économique du Puntland, qui dispose d'importantes ressources grâce notamment au port de Bosaso. À la prochaine élection présidentielle, prévue en mai 2026, le poste de Premier ministre doit être remplacé par un vice-président, élu avec le chef de l'Etat sur un seul bulletin.
Les élections aux conseils locaux serviront de base pour les élections au niveau national, qui se tiendront à la "proportionnelle avec liste fermée" et seront disputées par deux partis uniquement. Depuis son élection, le président Hassan Cheikh Mohamoud multiplie les initiatives pour tenter de sortir la Somalie de l'instabilité chronique dans laquelle elle vit depuis des décennies.