La Tunisie s'interroge après le naufrage d'un bateau de migrants au large des îles Kerkennah alors qu'ils tentaient de rejoindre l'île italienne de Lampedusa. La controverse soulevée dans le pays par ce drame aurait exacerbé des différends entre le Premier ministre Youssef Chahed et le ministre de l'Intérieur, Lotfi Brahem, limogé ce mercredi 6 juin.
C'était en octobre dernier : un naufrage au large des îles tunisiennes de Kerkennah avait emporté 46 personnes qui tentaient de rejoindre l'Europe. Parmi elles, 11 jeunes de ce même village de Bir Lafaï au centre de la Tunisie. Ce mois-là, près de 2.800 Tunisiens étaient arrivés en Sicile clandestinement, un record absolu : auparavant ils étaient à peine quelques dizaines à tenter la traversée chaque mois.
Dans le drame de dimanche dernier, quatre nouveaux cadavres ont été repêchés par la marine tunisienne, faisant passer à 52 le nombre de migrants morts noyés dans le naufrage de leur embarcation au large de Sfax. "48 corps ont été identifiés: il s'agit de 36 Tunisiens et 12 étrangers", des migrants originaires d'Afrique subsaharienne, a indiqué à l'AFP le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Khlifa Chibani. Soixante-huit personnes au total ont été secourues -dont 60 Tunisiens-, mais le bilan des victimes est toujours provisoire, des survivants ayant évoqué la présence d'au moins 180 personnes à bord au moment du naufrage.
Des hommes jeunes et désabusés
Désormais, la Tunisie est en tête des pays d'origine des migrants arrivant en Italie, avec 1910 personnes depuis janvier 2018, juste devant l'Erythree. Des hommes jeunes surtout, désabusés, fatigués d'attendre les retombées économiques d'une révolution et ses promesses. C'est en tout cas ce qu'a montrée une étude récemment publié par un institut de recherches tunisien, en partenariat avec l'Organisation internationale pour les Migrations. Selon les enquêteurs, les candidats au départ sont en grande majorité des jeunes originaires de régions défavorisées et rurales, qui ont abandonné leur scolarité très tôt, au chômage et sans espoir d'ascenseur social , dit le rapport, et pour qui la seule perspective d'exister socialement est une fuite vers l'Europe.
Après le naufrage meurtrier d'octobre 2017, les autorités tunisiennes avaient renforcé les contrôles, notamment sur le ferry faisant la jonction entre Sfax et les îles Kerkennah, point de départ principal des migrants, mais le flux semble ne pas avoir diminué pour autant. Ce mardi, les recherches se poursuivaient dans la zone du naufrage de samedi pour repêcher d'autres corps, le haut commissariat aux réfugiés affirme que le bilan pourrait atteindre plus de 100 morts.