La visite éclair d'Emmanuel Macron en Algérie

Le président français Emmanuel Macron a effectué mercredi sa première visite en tant que président français en Algérie. Il s'y est rendu "en ami" refusant d'être "otage du passé" douloureux entre Paris et son ancienne colonie.
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Macron Algerie
Emmanuel Macron accueilli en Algérie par Abdelkader Bensalah, le président du Sénat algérien.
© AP Photo/Anis Belghoul
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C'est un geste très symbolique. Emmanuel Macron annonce qu'il est "prêt" à ce que la France restitue des crânes d'insurgés algériens tués au XIXe siècle par l'armée française. Jusqu'à présent, ils étaient conservés au Musée de l'Homme à Paris.

Le président français espère ainsi régler un des contentieux historiques entre les deux pays. "Je souhaite qu'on ravive la relation entre nos deux pays avec le travail mémoriel, que la restitution des crânes soit décidée", a-t-il déclaré dans un entretien accordé au site TSA (Tout sur l'Algérie).

Au cours de cette journée de visite, Emmanuel Macron est allé à la rencontre des Algérois. "On a une histoire particulière, il ne faut pas qu'il y ait de tabou", a-t-il expliqué à un jeune Algérien croisé dans la rue. "Je veux une France aux côtés de l'Algérie, une France qui aide à construire l'avenir de ce grand pays et qui aide la jeunesse à réussir. C'est une page d'avenir que je viens ouvrir avec cette nouvelle génération", a-t-il ajouté, sur fond de youyous descendant des balcons des vieux immeubles haussmanniens et dans une cohue bon enfant. 

"C'est bien qu'un président nous parle. On n'a jamais connu ça avec les nôtres", constatait Yassine, trentenaire, parmi les badauds agglutinés derrière des barrières.

"Un partenaire constructif"

Emmanuel Macron a ensuite rencontré durant une heure son homologue Abdelaziz Bouteflika, 80 ans. Affaibli par les séquelles d'un AVC survenu en 2013, qui a affecté sa mobilité et son élocution, ce dernier, au pouvoir depuis 1999, reçoit peu de dignitaires étrangers. La presse n'a pas eu accès à la rencontre. 

"Nous avons discuté de sujets internationaux de la décision que s'apprêtait à prendre le président américain Donald Trump (de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël), de trouver une solution à la crise en Libye, de la lutte contre le terrorisme dans la bande sahelo-saharienne", a ensuite précisé le chef de l'État français dans une brève déclaration. 

Dans une interview publiée mercredi par les quotidiens francophone El Watan et arabophone El Khabar, Emmanuel Macron avait indiqué se rendre à Alger "dans l'état d'esprit d'un ami de l'Algérie, d'un partenaire constructif".

Lors de son précédent séjour à Alger, alors qu'il n'était que candidat à l'élection présidentielle, il  avait qualifié la colonisation de "crime contre l'humanité", suscitant des espoirs de "repentance" à Alger. A un journaliste algérien qui lui demandait mercredi si la "position du président Macron" était la même que celle du "candidat Macron" sur "la question de la mémoire", il a répondu "je ne suis pas quelqu'un d'incohérent. C'est le même homme qui vous parle". Mais il n'a pas répété ses propos de candidat.

Longue attente, court séjour  

Le président français s'est également dit partisan d'un "axe fort" franco-algérien "autour de la Méditerranée qui se prolonge vers l'Afrique" et a relevé les nombreux "champs de coopération prometteurs" dans le domaine économique.

"L'Algérie doit s'ouvrir d'avantage. Il y a encore beaucoup de freins à l'investissement", a-t-il noté, alors que la France reste le premier employeur étranger en Algérie mais perd des parts de marchés face à la Chine et d'autres.
Alors qu'Alger avait mal pris qu'Emmanuel Macron choisisse, dès début juin, le Maroc -voisin et rival- pour son premier déplacement au Maghreb, cette visite "d'amitié et de travail" était très attendue.

La visite d'Emmanuel Macron n'aura duré que le temps d'une journée. "Longue attente, court séjour", résumait mercredi le quotidien francophone Liberté. Lors de ses entretiens avec les dirigeants algériens, dont le Premier ministre Ahmed Ouyahia, le président français devait notamment aborder les crises au Sahel et en Libye, qui préoccupent fortement Paris et Alger.

Emmanuel Macron veut accélérer le déploiement de la force multinationale G5-Sahel (Tchad, Niger, Mali, Burkina Faso et Mauritanie) lors d'une réunion le 13 décembre à Paris. Alger, qui dispose de nombreux relais d'influence dans la région, a parrainé les longues tractations ayant abouti en 2015 à un accord de paix au Mali, qui peine à être appliqué, suscitant l'impatience de Paris.

"J'attends une coopération totale de tous ceux qui partagent l'objectif d'une paix durable au Mali. Et en effet j'attends beaucoup de l'Algérie", a expliqué dans son interview matinale le président français. Il sera au Qatar pour une visite officille de quelques heures dès jeudi.