Le colonel Ely Ould Mohamed Vall, ancien chef d'une junte (2005-2007) en Mauritanie et opposant à l'actuel pouvoir mauritanien, est décédé vendredi d'un "arrêt cardiaque", a t-on appris auprès de sa famille et de source officielle.
Trois question à Lémine OULD M. SALEM, journaliste et auteur de Le Ben Laden du Sahara: sur les traces du jihadiste Mokhtar Belmokhtar, Ed. de La Martinière.
1/ Que représentait le colonel Ely Ould Mohamed Vall dans l'histoire récente de la Mauritanie?
Les Mauritaniens gardent en mémoire le fait que la présidence d'Ely Ould Mohamed Vall a coïncidé avec une période de transition démocratique saluée par les principaux partenaires de la Mauritanie. Personne ne s'attendait à ce qu'il dépose, en août 2005, le président Maaouiya Ould Taya, son ancien patron. Avant de mener ce putsch, il a dirigé les services de sécurité du pays, durant plus de 20 ans. Il est exceptionnel pour un haut fonctionnaire mauritanien de rester aussi longtemps au même poste. C'était certainement en raison de ses qualités personnelles. Il a dû sans doute faire preuve d'une très grande discrétion et d'une très grande efficacité envers ses supérieurs de l'époque.
2/ La transition démocratique amorcée par le colonel Ely Ould Mohamed Vall a duré 19 mois, puis a conduit à l'élection, en avril 2007, du premier président élu démocratiquement en Mauritanie, Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Ce dernier sera renversé, un an plus tard, par l'actuel président Mohamed Ould Abdel Aziz. Le colonel Vall a-t-il vécu ce retour en arrière comme un échec personnel?
Très certainement. D'autant que les rivalités entre le colonel Vall et l'actuel président Aziz, qui est par ailleurs son cousin, datent de l'époque de la transition. Ely Ould Mohamed Vall a été propulsé à la tête de cette transition mais le réel artisan du putsch de 2005, était le général Mohamed Ould Abdel Aziz. Lui dirigeait, à l'époque, la sécurité présidentielle. Les divergences entre les deux hommes sont nées quelques mois après l'installation de la junte, ils n'étaient pas d'accord sur la manière de gérer la transition. Le clan Aziz est sorti vainqueur de cette épreuve de force, il a forcé le colonnel Vall à écourter cette période de 18 à 24 mois. Et un an plus tard, le général Aziz renversait à son tour Sidi Ould Cheikh Abdallahi. Depuis ce jour, Ely Ould Mohamed Vall se trouvait en opposition frontale contre ses anciens compagnons, il parlait de "rébellion personnelle". Il n'a jamais admis la légitimité de l'actuel président Mohamed Ould Abdel Aziz d'autant qu'ils étaient à l'origine très proches, cousins germains, l'un jouant le rôle d'aîné pour l'autre...
3/ Depuis 2007, le colonel Ely Ould Mohamed Vall était donc devenu un opposant déterminé au pouvoir mauritanien et en particulier au président Mohamed Ould Abdel Aziz. L'opposition mauritanienne a-t-elle perdu l'une de ses figures-clés, vendredi?
Il est vrai qu'à partir de 2007, le colonel Vall s'est impliqué personnellement sur la scène politique jusqu'à d'ailleurs se porter candidat, à la présidentielle de 2009, face à son cousin Mohamed Ould Abdel Aziz, et ce malgré les réticences de son entourage. Depuis lors, il était présent dans les manifestations, dans les meetings de l'opposition. Il ne ratait jamais une occasion de dire tout le mal qu'il pensait de ses anciens compagnons. Mais si le colonel Vall jouissait d'une très considération, il n'avait pas d'assise populaire très forte car il lui manquait un parti politique. Il militait comme personnalité indépendante au sein de l'opposition. Ce qu'il apportait certainement aux partis d'opposition mauritaniens, ce sont ses relations, son carnet d'adresses à l'étranger. Le colonel Vall avait une très bonne réputation en France - il siégait par exemple au conseil d'administration de la fondation Chirac - mais aussi aux Etats-Unis, au Qatar, dans la sous-région.