L'art comme enquête: retour sur la mission Dakar-Djibouti

Historienne-chercheuse au Musée des Civilisations noires de Dakar, Mame Maguette Sène Thiaw a participé a la mise en place de l'exposition « Mission Dakar-Djibouti [1931-1933] : contre-enquêtes ». Elle a cherché a poser un regard africain sur cette mission ethnographique controversée. Entretien.

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Affiche de l'exposition Mission Dakar-Djibouti
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Une nouvelle exposition s'ouvre au musée du Quai Branly- Jacques Chirac à Paris. Intitulée "Mission Dakar-Djibouti [1931-1933]: Contre- enquêtes", elle revisite l'une des plus célèbres missions ethnographiques française à travers un regard critique et pluriel.

Présentée jusqu'au 14 Septembre 2024, cette exposition marque une étape importante dans la relecture critique de l'histoire coloniale française. Elle interroge la mission ethnographique menée par Marcel Griaule entre 1931 et 1933 à travers 14 pays africains. À l'epoque, l'objectif étif de collecter des objets, images, sons, manuscrits et récits considérés comme menacés de disparition. 

Radiographie d'une mission controversée :

  • Environ 3,600 objets, 6,600 spécimens naturalistes, 370 manuscrits, 70 ossements humains, près de 6,000 photographies, 20 enregistrements sonores et plus de 15,000 fiches de terrain.
  • La majorité des collections provient d’anciens territoires de l’Empire colonial français.
  • Pour une grande partie des objets, les conditions d’acquisition restent floues ou controversées : vols, saisies militaires, ou encore « dons » contraints.

Pour la première fois, cette exposition s'attache  à recontextualiser cette collection en donnant la parole à des chercheurs africains.

TV5Monde : Comment est née de l’idée de cette exposition « Contre-enquêtes » ?

Mame Maguette Sène Thiaw : L’idée vient du musée du Quai Branly, qui l’a partagée avec les pays que la mission Dakar-Djibouti a traversé. La première rencontre a eu lieu à Dakar en septembre 2021.

TV5Monde : Pourquoi est-il important de revisiter le passage de cette mission en Afrique ?

Mame Maguette Sène Thiaw : Il est essentiel de revisiter de la mission en Afrique pour plusieurs raisons, parmi lesquelles proposer un point de vue africain par rapport à la démarche de la mission, mais aussi par rapport aux objets aussi, et faire la relation entre le passé et le présent.

TV5Monde : Comment l’exposition a-t-elle été conçue ?

Mame Maguette Sène Thiaw : Le commissariat est composé de chercheurs et d’intellectuels français et africains. Nous avons échangé sur les concepts, les angles à adopter, et même sur les termes à utiliser pour aborder ces sujets sensibles.

Elle permet de montrer la mission est passée en Afrique entre 1931-1933, mais maintenant, ce sont les Africains eux-mêmes qui reprennent le fil de cette histoire.

TV5Monde : Quelle est la place de la « Contre-enquête » dans ce projet ?

Mame Maguette Sène Thiaw : À mon avis, la contre-enquête signifie la diversité, la pluralité des avis, mais aussi des points de vue. L’angle de contre-enquête a été vraiment très importante dans ce projet-là. Elle permet de montrer la mission est passée en Afrique entre 1931-1933, mais maintenant, ce sont les Africains eux-mêmes qui reprennent le fil de cette histoire. Ils sont partis sur le terrain, sur les traces de la mission et ont essayé de se faire leur propre point de vue.

TV5Monde : Quels sont les objectifs à long terme ?

Mame Maguette Sène Thiaw : Assumer le passé colonial est un processus long. Donc, nous sommes en train de mettre en place des collaborations et aussi des partenariats. Donc, cette exposition a été un test. Donc, on attend de voir ce que l’avenir nous réserve entre les institutions culturelles françaises et africaines.

TV5Monde : Quelle est votre partie préférée de l’exposition ? 

Mame Maguette Sène Thiaw : Dans l’exposition, toutes les parties se valent, en fait. Toutes les parties sont importantes et toutes les parties racontent une histoire. Donc, à mon avis elles se valent toutes en fait.