Fil d'Ariane
Le 8 mai marque la commémoration de la victoire des Alliés sur les nazis. L’Algérie, de son côté, rend hommage aux milliers de victimes des massacres coloniaux de Sétif, Guelma et Kherrata, qui se sont également produits en 1945.
Des manifestants à Alger le vendredi 1er novembre 2019. Photo d’illustration. AP/ Toufik Doudou.
Le 8 mai 1945, les Alliés remportent la victoire sur l’Allemagne nazie. Le pays capitule ; c’est la fin de la Seconde guerre mondiale. Le même jour, sur un autre continent, un massacre débute : celui de l'armée française en Algérie.
L’Algérie célèbre aussi la victoire alliée, en ce 8 mai. Les manifestations de joie se mêlent à des velléités indépendantistes, dans un pays qui subit le joug colonial depuis un siècle. Messali El-Hadj, l’un des pionniers de la lutte qui mènera à l’indépendance algérienne, est à ce moment-là emprisonné. Ses partisans, le 1er et le 8 mai, réclament sa libération. C’est la première fois que les nationalistes algériens tentent de se révolter à cette échelle contre la colonisation française.
(Re)voir : Mémoires de l'autre 8 mai 1945 [LeMémo]
À Sétif, dans le Constantinois, une région du nord-est du pays, un drapeau algérien est brandi aux côtés du drapeau français. La manifestation réunit plusieurs milliers de personnes, qui portent aussi des banderoles en faveur de l’Algérie libre.
Les autorités coloniales françaises ordonnent de retirer les symboles indépendantistes, comme elles l’avaient exigé en amont des rassemblements. La police finit par tuer un jeune Algérien, qui a refusé de baisser le drapeau. Bouzid Saâl, un jeune scout, est la première victime des massacres dans la région.
La manifestation tourne alors à l’émeute. 102 Européens, principalement des civils, sont tués, selon le décompte des historiens. Plusieurs colons subissent des violences dans leurs habitations. La répression sanglante suivant ces tueries fera plusieurs milliers de morts. Les émeutes et leur répression ne se déroulent pas qu’à Sétif, mais aussi dans d’autres villes de la région, comme Guelma et Kherrata.
(Re)voir : Algérie-France : la mémoire du colonialisme peut-elle être dépassée ?
La France établit la loi martiale, accompagné d’un couvre-feu et d’arrestations massives et arbitraires. Des civils sont exécutés, des villages soupçonnés d’abriter des indépendantistes mitraillés. L’armée et des groupes armées d'Européen tuent ainsi plusieurs milliers d’Algériens, pendant plusieurs mois. L"aviation militaire française bombardent des villages de civils algériens.
Un bilan précis n’a toujours pas pu être établi. Après les faits, une commission française évoque quelques centaines "d’indigènes" tués. L’Algérie parle de 45 000 morts. Les évaluations des historiens vont de 5 000 à 30 000 morts environ.
"Le jour même où dans le monde triomphaient la liberté et la justice, la France manquait à ses valeurs universelles"
Ses évènements constituent un prélude à la guerre d’indépendance algérienne, qui éclatera en 1954, moins de dix ans plus tard.
(Re)voir : Algérie : première "Journée nationale de la mémoire" du 8 mai 1945
Pendant plusieurs décennies, la France n’a pas reconnu avoir commis ces massacres. En 2005, plus de soixante ans plus tard, l'ambassadeur de France à Alger reconnaît officiellement que ces massacres furent "une tragédie inexcusable".
En 2014, François Hollande a déclaré : "Le jour même où dans le monde triomphaient la liberté et la justice, la France manquait à ses valeurs universelles". L'ancien président reconnaît les "souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien". L’année suivante, un responsable gouvernemental s’est rendu pour la première à Sétif, pour rendre hommage aux victimes.
En 2021, l’Algérie a célébré pour la première fois une "journée de la Mémoire" le 8 mai, en hommage aux victimes de la répression française. Elle a alors de nouveau demandé la "repentance" de Paris pour ses crimes coloniaux, sans l’obtenir. Jusqu’à aujourd’hui, si Emmanuel Macron a reconnu la colonisation comme un "crime contre l’humanité", il a en 2022 récusé toute "repentance".