L'avenir de l'Église catholique se joue t-il en Afrique ?

Près de 20 % des catholiques dans le monde sont Africains. Le Vatican indique qu'au cours de l'année écoulée, sept millions d'Africains se sont convertis au catholicisme, ce qui fait du continent l'une des régions où la croissance de l'Église est la plus rapide.

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Photo du pape François et de Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa

Le pape François remet la barrette rouge au nouvellement promu cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa à la basilique Saint-Pierre, le 5 octobre 2019. 

AP Photo/Andrew Medichini
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L’Afrique compte aujourd’hui plus de 272 millions de catholiques. Dans des pays comme le Nigeria et le Kenya, les taux de fréquentation hebdomadaire des messes sont parmi les plus élevés au monde. La RDC, le Cameroun, l’Ouganda et l’Angola comptent aussi de puissantes communautés catholiques.

De la part du Vatican, les signes d'intérêt pour l’Afrique se sont multipliés. Durant son pontificat, le pape François a accordé une attention particulière au continent africain. Il s’y est rendu cinq fois, visitant notamment le Soudan du Sud en 2023, où il a plaidé pour la paix et la réconciliation.

Le pape François a nommé plus de cardinaux africains que ses prédécesseurs, avec 19 nouveaux cardinaux, notamment issus du Cap-Vert, de la République centrafricaine ou du Lesotho. Malgré cela, il n'y a actuellement aucun cardinal africain à la tête d'un dicastère, l'équivalent d'un ministère au Vatican. Même si le cardinal Ambongo, archevêque de Kinshasa, fait partie du collège des cardinaux, conseil qui dirige l'Eglise avec le pape. 

Influence éducative et sociale 

Mais l’influence de l’Église catholique en Afrique ne se limite pas au spirituel. Elle joue un rôle clé dans l’éducation, la santé et la politique. Caritas constitue l’un des réseaux les plus importants dans le monde des ONG. Elle contribue à la mise en place d'hôpitaux, de cliniques et de missions médicales dans les zones rurales, et a joué un rôle majeur lors de crises sanitaires comme les épidémies d’Ebola. En Ouganda, la mission catholique Caritas a été en première ligne pour mettre en œuvre des projets de santé, notamment en faveur des personnes atteintes du VIH.

Sur le plan éducatif, quelque 27,2 millions d’enfants sont inscrits dans les écoles catholiques africaines, dont 19,4 millions en primaire, ce qui représente 55 % des effectifs mondiaux des écoles catholiques primaires.

L’Église catholique exerce également une influence politique en Afrique, notamment en République démocratique du Congo, à travers la CENCO (Conférence Épiscopale Nationale du Congo). Cette structure incarne la voix collective des évêques, qui interviennent comme médiateurs dans les crises politiques et s’engagent activement pour défendre la justice, la paix et les valeurs démocratiques. Comme lors de l'élection présidentielle de 2018 dans le pays. 

Les Églises évangéliques : une concurrence spirituelle croissante

Dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, en particulier dans les régions anglophones comme le Nigeria, le Ghana ou encore l’Ouganda, les Églises évangéliques connaissent une croissance fulgurante. Les mégachurches, ces gigantesques églises,  rassemblent des milliers de fidèles chaque semaine. Leur message, centré sur le miracle, la prospérité et la délivrance, grâce à la présence d'un pasteur charismatique, concurrence directement l’Église catholique sur le terrain de la proximité.

Le phénomène touche aussi des pays francophones comme la République démocratique du Congo, où l'on assiste à une montée des Églises évangéliques, souvent influencées par des modèles américains ou nigérians.

Tensions avec le Vatican 

Les Églises africaines, majoritairement conservatrices, défendent des points de vue traditionnels sur la famille, le mariage, l'avortement et les droits LGBTQ+. Elles dénoncent souvent les valeurs libérales promues par l'Occident, perçues comme des menaces contre leurs valeurs religieuses.  

La prise de position du pape François, en décembre 2023, relative à la bénédiction des personnes homosexuelles, a été un point de friction entre Rome et les Églises catholiques locales en Afrique.

« Nous, évêques africains, ne considérons pas comme approprié pour l'Afrique de bénir les unions homosexuelles ou les couples de même sexe, car, dans notre contexte, cela causerait une confusion et serait en contradiction directe avec l'ethos culturel des communautés africaines », explique ainsi le cardinal Ambongo, archevêque de Kinshasa et président du Symposium des conférences épiscopales d'Afrique et de Madagascar (SCEAM).

Un pape africain bientôt ?

Le rôle de plus en plus influent de l’Afrique dans l’Église pourrait bientôt se traduire au sommet de sa hiérarchie. Comme le souligne l’anthropologue Jean-Paul Dozon, l’avenir de l’Église se joue aussi en Afrique : « La disparition du pape François poserait la question de l’autorité spirituelle, mais aussi symbolique, au sein d’un continent où l’Église est de plus en plus influente. »

Plusieurs noms circulent pour lui succéder : le Guinéen Robert Sarah, le Congolais Fridolin Ambongo Besungu ou encore le Ghanéen Peter Turkson. Si l’un d’eux était élu, ce serait une première historique pour l’Afrique subsaharienne. Un choix qui serait une reconnaissance forte du rôle croissant de l’Afrique au sein de l’Église.