Suite de l'entretien avec Marie Roger Biloa, directrice d'Africa International
Peut-on douter de la crédibilité de cette élection ? Les élections reflètent la classe politique dans laquelle elles se déroulent. Elles reflètent un rapport de force qui ici est clairement en faveur du président sortant. Après 25 ans à la tête de son pays, quel bilan établir du Congo de Sassou Nguesso ? Il y a plusieurs pages, ce qu’on appelé Sassou 1 et Sassou 2 (premier mandat du 5 février 1979 au 3 août 1992, revenu au pouvoir depuis le 15 octobre 1997). C’est un bilan qui se résume en d’énormes difficultés économiques malgré le pétrole. Le pétrole est un handicap au lieu d’être un atout. Le Congo comme d’autres est un exemple vivant de cela. C’est un pays où le pétrole a tendance à couper les dirigeants de leur peuple. Ils traitent directement avec les compagnies pétrolières. Le bilan de Sassou est marqué par la malédiction du pétrole. Cet autre probable futur mandat sonne –t-il une nouvelle ère ? Une nouvelle ère, je ne crois pas ! Ce sera une continuité, le tout est d’améliorer la redistribution des ressources au Congo, et c’est quelque chose qu’on peut faire facilement. Ce n’est pas parce que quelqu’un est resté longtemps au pouvoir qu’il faut souhaiter son départ, il faut aussi avoir une stratégie dans le combat politique. L’opposition doit rentrer dans la bataille politique. Le pouvoir ne se décrète pas, il se conquiert. La carrière politique de Sassou Nguesso est entachée ces temps-ci par le scandale des biens mal acquis. Cela aurait-il eu un impact quelconque sur sa personne et sur l’élection ? J’ai une attitude mitigée vis à vis de ces ONG qui pensent qu’elles ont le droit de porter plainte contre les chefs d’États africains. Je crois qu’il y en a d’autres ailleurs qui ont commis des actes sujets à caution. Ces mêmes organisations, on ne les entend pas du tout se bagarrer pour que les pays africains aient les meilleurs parts sur leurs ressources à eux. Total a eu des milliards de bénéfice, personne ne s’est posé la question de savoir comment cela est possible, la France n’est pas un pays pétrolier. Qu’est-ce qui reste dans les pays où est exploité ce pétrole ? Le Congo, le Gabon et d’autres ? Or nous savons bien que c’est une économie de prédation où les populations ne sont pas propriétaires de leurs ressources. Cela fonctionne avec des accords et des conventions d’établissement, chose absolument impossible ailleurs. Propos recueillis par Christelle Magnout