Récit

Le Combat du siècle Ali-Foreman et son impact sur les jeunesses africaines de l’époque

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Ali et la jeunesse

Sur cette photo d'archive datée du 14 octobre 1974, la légende de la boxe Mohammed Ali, poursuit Dick Sadler, l'entraîneur de son compatriote, le champion du monde des poids lourds américain George Foreman, autour du stade du 20 mai, à Kinshasa, dans  l'ex-Zaïre, où le combat Ali-Foreman devait avoir lieu le 30 octobre. Sadler et Ali étaient là pour une émission télévisée. (Photo AP/Horst Faas)

© Photo AP/Horst Faas
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Il y a cinquante ans, sur fond de guerre froide et de régimes autoritaires, la légende de la boxe et icône des peuples noirs, Mohamed Ali, reprenait son titre de champion du monde poids lourds à George Foreman, lors d’un combat historique, à Kinshasa, dans l’ex-Zaïre, le 30 octobre 1974. Un événement dont l’impact sur les jeunesses africaines d’alors avait été considérable. Le journaliste d'origine camerounaise Christian Eboulé revient sur ce chapitre de son enfance.

La Voix du Zaïre ! C’est par cette station de radio que nous avions appris l’annonce de ce super choc : le championnat du monde de boxe poids lourds opposant Mohamed Ali à George Foreman, le tenant du titre, aurait lieu le 25 septembre 1974, à Kinshasa, en République démocratique du Congo (RDC), devenue République du Zaïre trois ans plus tôt [depuis la chute du régime de Mobutu, en 1997, le pays s’appelle à nouveau RDC, NDLR]. 

Une première historique, source d’une immense fierté

La nouvelle s’était répandue aussi vite que la poussière des rues en travaux à ce moment-là dans notre quartier, l’une des nombreuses localités nouvellement urbanisées de la périphérie est de Yaoundé, la capitale camerounaise. Pour notre génération, celle née après la vague d’indépendance des années 1960, mais pas seulement, l’époque était à la fascination et à l’identification avec les Afro-Américains. 

Martin Luther King et Malcom X

Le révérend Martin Luther King Jr., à gauche, et Malcolm X, sourient aux photographes le 26 mars 1964, au Capitole, à Washington, siège du Congrès américain. 

© Photo AP/Henry Griffin

Les assassinats successifs de Malcom X (1965) et Martin Luther King (1968) avaient eu un retentissement considérable sur le continent. Entre ces deux drames, la mort tragique d’Otis Redding dans un accident d’avion, en décembre 1967, nous avait même fait penser à une sinistre machination. Ou à une malédiction, tant la question noire aux États-Unis semblait toujours dans l’impasse.   

Les unes après les autres, nos icônes disparaissaient, nous laissant orphelins et sans voix face à des luttes inachevées et pourtant d’une importance vitale. Dans ce contexte, « Say It Loud – I'm Black and I'm Proud », titre culte de James Brown, allait rapidement devenir pour nous un hymne anti-raciste. A l’instar d’une partie de nos cours d’Histoire, cette chanson était une ode à la culture noire, un cri d’émancipation. 

Areta et James Brown

Sur cette photo d'archive du 11 janvier 1987, James Brown et Aretha Franklin chantent lors d'un enregistrement au Home Box Office, à la discothèque Taboo, à Detroit. 

© Photo AP/Rob Kozloff

Toute cette culture, nous la devions en particulier à notre mère. Institutrice attachée à la pédagogie traditionnelle celle basée sur l’idée que les enseignants devaient être les principales sources d’informations et de savoirs pour leurs élèves , elle mettait un point d’honneur à nous fournir les clés d’une bonne compréhension du monde dans lequel nous vivions. 

Ali et Foreman font confiance à Mobutu, vous aussi faites comme eux, ayez confiance en Mobutu.

Campagne de publicité officielle

Ses relais radiophoniques étaient le Franco-camerounais Georges Collinet, alias Maxi Voom Voom, pour La Voix de l’Amérique (VOA), et Lucien Tshimpumpu wa Tshimpumpu, grand spécialiste de sport à La Voix du Zaïre. Cette dernière est d’ailleurs la station de radio qui nous avait permis d’apprendre que des panneaux publicitaires « Zaïre 74 » bordaient l’autoroute reliant Nselé, lieu de résidence officielle du président Mobutu, à la capitale Kinshasa. 

De couleur jaune et vert, certains de ces panneaux annonçaient le prochain combat en précisant : « Ali et Foreman font confiance à Mobutu, vous aussi faites comme eux, ayez confiance en Mobutu. » Celle qui avait cependant notre préférence indiquait : « Une rencontre entre deux Noirs, dans un pays noir, organisée par des Noirs et attendue par le monde entier : voilà une victoire du mobutisme ! »

Affiche

La fierté noire, c’est le message de cette campagne qui nous importait le plus. Et Mohamed Ali en était l’une des incarnations les plus éclatantes. La boxe étant devenue un spectacle mondial, dominé depuis les années 1950 par des champions afro-américains, il nous paraissait normal qu’Ali reprenne sa couronne, qui plus est en Afrique. Tout un symbole. Du reste, il n’en avait été privé qu’à la suite d’une suspension liée à ses engagements politiques ! 

Nationalistes dans l’âme, nos parents nous avaient permis d’avoir conscience de la chape de plomb qui écrasait le pays de son poids morbide. Après l’indépendance, en janvier 1960, et la réunification, l’année suivante, des deux Cameroun, respectivement sous mandat britannique et français, Ahmadou Ahidjo, le premier président camerounais, allait poursuivre la guerre contre les indépendantistes de l’Union des populations du Cameroun (UPC).

(Re)voir France-Cameroun : quels sont les liens entre les deux pays depuis l’indépendance ?

 

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Initiée par les autorités coloniales françaises dès 1954, cette guerre d’indépendance et la répression qui l’avait suivie avaient culminé en 1971 avec l’exécution d’Ernest Ouandié, dernier successeur du leader historique de l’UPC, Ruben Um Nyobe, lui-même assassiné treize ans plus tôt par les troupes françaises et leurs alliés locaux. 

Avant même d’apprendre à lire et à écrire, beaucoup d’entre nous savaient qu’il valait mieux, même en chuchotant dans un lieu clos et à l’abri d’oreilles indiscrètes, ne jamais prononcer les noms de nos grandes figures indépendantistes. Parmi elles figurait Patrice Lumumba, icône de la lutte anticoloniale et père de l’indépendance congolaise, enfin… zaïroise.

Guerre froide, néocolonialisme et régimes autoritaires

Patrice Lumumba ! Un véritable mythe, dont nous avions entendu parler par certains de nos oncles revenus de Mbeng – la France, comme nous disions en camfranglais, notre argot local – et qui étaient parmi les hommes les plus « chauds », c’est-à-dire élégants, de la ville. Tous étaient d’anciens militants de l’Union nationale des étudiants du Kamerun (UNEK), un syndicat estudiantin qui avait organisé des manifestations sur les Champs-Élysées, à Paris, après l’assassinat de Lumumba, en janvier 1961.

Arrestation Lumumba

Le Premier ministre congolais déchu, Patrice Lumumba, menotté et assis dans un camion militaire, sous la garde de soldats congolais, après son arrivée à l'aéroport de Léopoldville (aujourd'hui Kinshasa), le 2 décembre 1960. C'était au lendemain de son arrestation par les troupes fidèles au colonel Joseph Mobutu. Lumumba a été exécuté le mois suivant, et il semble que cette photo soit l'une des dernières de Lumumba vivant.

© Photo AP/Horst Faas

En pleine guerre froide, cette affaire avait été au cœur d’un bras de fer entre les Etats-Unis et l’URSS. Une partie de l’opinion internationale avait alors pointé la responsabilité de Joseph-Désiré Mobutu dans cet acte d’ignominie. Ce dernier avait pourtant, un an auparavant, été nommé secrétaire d’Etat au sein du premier gouvernement congolais formé par Lumumba. 

Mais à la suite d’un putsch soutenu implicitement par les États-Unis et la Belgique, l’ancienne puissance coloniale, Mobutu faisait arrêter son Premier ministre, qui, quelques mois plus tard, serait fusillé par des irrédentistes katangais dans des circonstances encore troubles à ce jour. Toujours aidé par ses « parrains » américains et belges, Mobutu allait s’installer définitivement au pouvoir cinq ans plus tard, grâce à un second coup d’État.

(Re)voir Patrice Lumumba, retour sur la construction d'une icône

 

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Comme son homologue camerounais, le président du Zaïre avait rapidement instauré un régime autoritaire à parti unique dans son vaste pays. Mais très vite aussi, la rumeur avait couru les villes et les campagnes : il était la septième fortune personnelle au monde ! En outre, Mobutu avait décrété que les Zaïrois devaient se donner réciproquement du « citoyen », quel que soit leur niveau social. Pour les adolescents ambitieux et utopistes que nous étions, c’était un motif de fierté et d’admiration. 

Mobutu et la citoyenneté

Le président Mobutu Sese Seko de l'ancienne République du Zaïre (actuelle RDC), lors d'un défilé militaire, à Kinshasa, en juin 1976.

© AP Photo

Ancien sous-officier des troupes coloniales belges devenu journaliste, Mobutu avait compris très tôt l’importance de l’information et de la communication, et donc la place essentielle des médias dans un État digne de ce nom. Peu après son accession au pouvoir, le pays se dotait de deux centres de télédiffusion et d’une station de radio nationale émettant 24 heures sur 24 et arrosant plusieurs territoires voisins, dont le nôtre.

Chez nous au Cameroun, justement, le président Ahidjo concevait la radio comme le socle sur lequel devait se bâtir l’unité nationale. Plus qu’un organe d’information, elle était un moyen de consolidation des fondements de notre jeune nation, en particulier pour les populations éloignées des centres urbains et souvent majoritairement analphabètes.

Au Zaïre, au Cameroun et dans de nombreux autres pays francophones d’Afrique subsaharienne, le choix d’un régime autoritaire s’accompagnait d’une surveillance tatillonne des médias. Aussi les stations de radio privilégiaient-elles le sport et les divertissements au détriment de l’information en direct ou des programmes satiriques, qui étaient étroitement contrôlés. 

Premier numéro de Cameroon Tribune

La Une du premier numéro du quotidien gouvernemental Cameroon Tribune, paru le 1er juillet 1974

Afin de toucher le plus grand nombre, les langues parlées à l’antenne étaient le français et l’anglais, bien évidemment, mais aussi quelques-uns de nos dialectes. Grâce à Radio Cameroun, et bien sûr La Voix du Zaïre et La Voix de l’Amérique (VOA), les médias les plus accessibles et donc, les plus populaires à l’époque, nous pouvions écouter de nombreux artistes camerounais, zaïrois, afro-américains, français… 

Les journaux coûtaient cher et peinaient encore à franchir les barrières de l’analphabétisme. Ce n’est d’ailleurs qu’en juillet 1974 que parut le premier numéro de Cameroon Tribune, le quotidien gouvernemental publié en français et en anglais. Le lendemain de sa parution, l’un de nos oncles mbenguistes avait apporté à la maison un exemplaire « exclusivement destiné » à sa sœur. Notre mère s’étant absentée pour aller, à l’autre bout de la ville, rendre visite à une parente alitée, à peine avait-elle tourné les talons que nous nous étions jetés sur le journal. 

En page 9 était annoncé le match entre le champion national, Joseph Bessala, et le Zaïrois Clément Tshinza. Quatre jours plus tard, notre « Jimsey Joe » avait gagné aux points. Depuis sa médaille d’argent aux JO de Mexico, en 1968, dans la catégorie des welters (moins de 67 kg), Bessala était devenu l’idole des jeunes. Quand nous l’apercevions, par chance, marcher dans notre quartier, nous l’applaudissions et scandions son nom. 

(Re)voir Histoires africaines des Jeux : Joseph Bessala, le pionnier de la boxe au Cameroun

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A Yaoundé, « Big Joe » Bessala avait surtout très fortement popularisé la boxe, dont le Camp de l’unité, célèbre gymnase local, allait devenir le temple. Chaque fois que nos parents partaient pour quelques jours, nous y faisions halte après les cours, pour voir s’entraîner les boxeurs amateurs.

Les combats officiels ayant lieu tard dans la nuit, seuls les adultes pouvaient aller y assister ou écouter les retransmissions à la radio. Cameroon Tribune, avec ses comptes-rendus sportifs illustrés de photos en noir et blanc, nous permettait enfin, à nous, d’accéder au spectacle.

La victoire d’Ali ou la « prophétie » de la jeunesse africaine

Nous rêvions d’ores et déjà de ce qu’allait publier le quotidien national à l’occasion du choc des titans qu’allait être le match Mohamed Ali-George Foreman. L’événement était commenté partout, y compris dans les cours de récréation. Dans de nombreux établissements primaires et secondaires, il avait d’ailleurs été demandé aux élèves de dessiner des boxeurs en action. Beaucoup parmi nous avaient tenté de représenter Joseph Bessala, sa silhouette nous étant plus familière que celles des deux poids lourds américains.

Mobutu Ali et Foreman

Sur cette photo d'archive datée du 22 septembre 1974, le président zaïrois Mobutu Sese Seko, au centre, lève les bras du champion en titre des poids lourds George Foreman, à gauche, et de Mohamed Ali, à droite, à Kinshasa, au Zaïre. 

© Photo AP/Horst Faas

Cependant, il fallait encore patienter car selon La Voix du Zaïre, le match initialement prévu le 25 septembre allait être reporté au 30 octobre. La raison ? Foreman devait soigner une coupure au-dessus de l’œil. Encore un mois, et ça allait être la baston ! Le combat du siècle, The rumble in the jungle, insistaient nos voisins anglophones, toujours prompts à rappeler aux francophones, et à juste titre, que le Cameroun était un pays bilingue. 

Nous revenions néanmoins très vite à des considérations plus prosaïques : pour ce match historique au cœur de l’Afrique, la terre de leurs ancêtres communs, Ali allait battre Foreman, oui, salement le nack, le blow, comme nous disions en camfranglais. Le célèbre cri « Ali booma yé ! » – « Ali, tue-le ! », en lingala –, repris en chœur bien avant le combat par une majorité des populations zaïroises, en était la preuve.

Ali et le Vietnam

Sur cette photo d'archive datée du 11 mai 1967, Mohamed Ali (Cassius Clay), ancien champion du monde de boxe poids lourd, déclarait lors d'un rassemblement anti-guerre à l'Université de Chicago, aux États-Unis, qu'il y avait une différence entre se battre sur le ring et se battre au Vietnam.

© Photo AP/Charles Harrity

Il faut dire que pour nos générations nées juste après les indépendances, Cassius Marcellus Clay, devenu Mohamed Ali après sa conversion à l’islam et son adhésion à l’organisation nationaliste noire Nation of Islam en 1964, était une étoile dans le ciel gris du néocolonialisme et des régimes autocratiques africains. Son opposition à la guerre du Vietnam et son engagement pour les droits civiques nous faisaient espérer en l’avenir.

Envisagé comme un événement planétaire, ce match de boxe entre Ali et Foreman venait clôturer une séquence commencée en septembre par le festival de musique Zaïre’74, qui s’inscrivait dans la politique de zaïrianisation initiée par Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Za Banga – soit le guerrier tout-puissant qui par son endurance et sa volonté inflexible ira de conquête en conquête en semant le feu sur son passage.

Le mobutisme que promouvait alors l’homme fort de Kinshasa n’était autre que le respect absolu de la souveraineté nationale et de l’authenticité de chacun. Pour le président zaïrois, « l’authenticité était non seulement une connaissance approfondie de sa propre culture, mais aussi un respect du patrimoine culturel d’autrui. » A cet égard, la bande-son de la rencontre Ali-Foreman, celle du festival Zaïre’74, que nous avions en partie suivi en écoutant La Voix du Zaïre, disait évidemment la fierté noire. 

Foreman à la pesee à Kinshasa

Le champion poids lourd George Foreman répond aux acclamations de la foule dans le stade de Kinshasa, dans l'ex-Zaïre, samedi 26 octobre 1974, lors de la pesée pour sa défense du titre contre Mohamed Ali. 

© Photo AP

Elle traduisait également la fraternité universelle incarnée par les concerts organisés par le producteur américain Stewart Levine et l’artiste de génie sud-africain Hugh Masekela : se succédaient sur scène une trentaine d’artistes locaux et internationaux tels les Zaïrois Franco, Tabu Ley Rochereau, la Sud-Africaine Miriam Makeba ou encore les Américains BB King, James Brown et Bill Withers.  

Enfin était arrivé le jour J ! Ce diable de Foreman allait recevoir la raclée de sa vie, même si personne parmi nous ne le prenait pour un perdreau de l’année. Contrairement au sculptural Mohammed Ali, Foreman dégageait une puissance de taureau fou. Mais son adversaire était plus mobile et stratège. L’entraîneur d’Ali, l’Américain Drew Bundini Brown, n’avait-il pas forgé pour lui cette formule devenue culte : « Flotte comme un papillon, attaque comme une guêpe » ?

Le soir venu, nous avions hélas été invités à aller nous coucher, car le combat se déroulait tard dans la nuit, vers 4 heures du matin. L’horaire avait été choisi pour permettre la retransmission du match aux Etats-Unis en soirée et à une heure de grande écoute. Le célèbre promoteur de boxe américain Don King et ses associés concevaient ce type d’événement comme des shows uniques, accompagnés d’un storytelling précis et d’une esthétique propre, le but ultime étant de gagner beaucoup d’argent.

La chute de Foreman

Mohamed Ali regarde tomber son adversaire, George Foreman, à la huitième reprise du combat historique qui les a opposé le  30 octobre 1974. 

© Photo AP

Le lendemain, au petit matin, c’est avec beaucoup de fébrilité que nous étions allés demander le résultat à nos parents. Ils nous annoncèrent la bonne nouvelle : Ali avait gagné par K.O. à la huitième reprise. Une confirmation de notre « prophétie » et un soulagement ! 

En fin d’après-midi, après les cours, nous nous étions rués sur Cameroon Tribune. Comme nous l’avait promis notre fameux oncle mbenguiste, le journal était déjà à la maison, gardé précieusement par notre mère. Ce numéro 104 du quotidien national, daté du jeudi 31 octobre, titrait en Une : « Ali l’avait prédit ! » Nous aussi, pardi, nous étions-nous exclamés en chœur !

Après cette joie préalable, notre déception fut à la hauteur de l’attente : aucune photo du combat ne figurait en page 8 du quotidien, la seule qui évoquait ce match de boxe historique. Et le dessin humoristique représentant le K.O. d’Ali ne faisait vraiment rire personne, bien au contraire. En revanche, l’article consacré aux huit rounds de ce combat, signé du journaliste Atangana Anselme, était un délice. 

Foreman KO

Mohamed Ali regarde George Foreman tomber au sol, à Kinshasa, dans l'ex-Zaïre, le 30 octobre 1974. 

© Photo AP

Ligne après ligne, nous revoyions le combat, comme si nous étions parmi les plus de 100 000 spectateurs du Stade du 20 mai, majoritairement acquis à la cause de Mohamed Ali. « C’est à ce 8ème round que Mohammed Ali s’est préparé à obtenir la décision », avait écrit le journaliste de Cameroon Tribune vers la fin de son papier. 

Puis, il avait ajouté un peu plus loin : « Foreman tente de reprendre l’offensive, mais, après la rafale de coups qu’il venait d’encaisser, le champion du monde ne tenait plus sur ses jambes. De son côté, Ali semblait faire ce qu’il voulait, déployant toutes les gammes de son beau style et touchant maintes fois Foreman à la tête. Soudain, celui-ci n’en pouvant plus, s’écroule sur le tapis ; il était compté « OUT » et Ali était déclaré vainqueur. »  

La Une de CT

La Une du quotidien gouvernemental Cameroon Tribune daté des 2 et 3 novembre 1974

Quelques jours plus tard, la surprise allait venir du numéro de Cameroon Tribune daté des 2 et 3 novembre 1974. Sur cinq pages, le quotidien national nous proposait le reportage photographique de Jean-Gaston Andang, et le film du combat vu par son envoyé spécial, le journaliste Etoundi Bibegele. Nous étions réellement fascinés par ces images en noir et blanc qui nous plongeaient au cœur d’une page inédite de l’histoire du continent. 

Après avoir passé des heures à regarder ces photos, fascinés, nous avions évidemment mis un soin particulier à archiver ce numéro de Cameroon Tribune telle une relique. Dans un encadré intitulé « Les Kinois ont célébré la victoire de Mohamed Ali » et qui concluait les cinq pages de dossier consacré à cet événement, Etoundi Bibegele traduisait ainsi le final auquel nous avions rêvé : « Tout le monde se lève d’un coup pour mieux voir Foreman étendu sur le tapis bleu du ring, Ali devant lui prêt à l’assommer si jamais il reprend le combat. La foule scande en chœur « Ali abomi ye », « Ali l’a tué ».