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Débat en présence de Mikhaïl Lebedev, professeur au Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques de Paris et Toussaint Alain, co-président de l'Alliance Afrique-Russie
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Le grand retour de la Russie en Afrique

Coopération militaire, investissements économiques, soutien à la lutte contre le terrorisme : après des années d'absence entre la chute de l'Union soviétique et la fin des années 2000, la Russie fait son grand retour sur le continent africain. Un passage obligé, pour étendre sa sphère d'influence?

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Place de l'Etoile Rouge à Cotonou, Université Lumumba à Moscou... Autant de lieux et de noms qui évoquent l'histoire qui lie l'URSS au continent africain. Mais si cette page de l'histoire russo-africaine résonne encore à travers ces quelques vestiges, les premiers liens se seraient tissés bien avant : dès le Moyen-Âge, sur les terres du Proche-Orient. 

A cette époque, comme l'indiquent les recherches de Alexandra Arkhangelskaya dans son article "Le retour de Moscou en Afrique subsaharienne", pélerins russes orthodoxes et chrétiens d'Afrique se rencontrent en Terre Sainte, pendant que musulmans russes et africains se croisent sur les sites sacrés de l'Islam. Des relations se créent, avant que les explorateurs russes parcourent le continent africain et que le sort d'un esclave africain, devenu aristocrate russe, marque à jamais l'histoire de la Russie : Abram Hanibal est l'aïeul du poète Pouchkine, figure nationale du pays. 

Dès la fin du XVIIIe siècle, la Russie des tsars développe des liens diplomatiques avec l'Afrique. Des consulats sont ouverts en Egypte, puis progressivement dans d'autres pays : Ethiopie, Transvaal (actuelle Afrique du Sud), Maroc... 

Les liens ne se tarissent pas à la chute de l'Empire russe, au contraire la Révolution d'octobre 1917 en crée de nouveaux : à travers l'Internationale communiste et via le parcours de plusieurs Africains, venus suivre à Moscou des formations politiques. Mais ces premières influences restent timides.

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Poster datant de 1932 provenant du Wayland Rudd Archive (detail) / © Yevgeniy Fiks et Calvert 22
 

L'influence soviétique en Afrique

C'est après la Seconde Guerre Mondiale, alors que le monde est divisé entre le bloc soviétique et le bloc occidental, que l'onde de choc de la Révolution d'Octobre arrive sur les côtes africaines. Dans les années 1950 et 1960, la plupart des États du continent obtiennent leur indépendance des puissances coloniales, l'URSS défend alors les mouvements de libération nationale sur le continent. A cette époque, le puissant pays communiste considère les nations du "tiers-monde" comme des alliés potentiels contre l'Occident et peu de pays africains restent hermétiques aux idées portées par l'Union Soviétique, qu'ils choisissent comme alliée et alternative politique. 

L'URSS déploie alors un contigent de conseillers dans plus de 40 pays : entre 1970 et 1975, ils seront plus de 40.000 en Afrique. L'Union soviétique signera également un accord pour la venue de nombreux étudiants africains sur son territoire. 

On a beaucoup de mal à le concevoir aujourd'hui, mais en ces années 1975-1980, beaucoup à Paris et même à Washington se demandent si les héritiers de la Révolution de 1917 ne sont pas en train de prendre le contrôle de ce qu'on appelait à l'époque le Tiers-Monde et de faire tomber l'Occident. Christophe Boisbouvier sur Jeune Afrique

Le bilan de l'ère soviétique en Afrique est toutefois considéré comme mitigé par de nombreux spécialistes. Des séries d'évènements ébranlent l'influence de l'URSS sur le continent :  assassinats d'hommes politiques qu'elle soutenait, comme Patrice Lumumba d'abord renversé par Mobutu Sese Sekjo, avant d'être tué, expulsions de conseillers soviétiques par l'Egyptien Anouar el-Sadate... 

Le retour 30 ans après : les contrats remplacent l'idéologie

L'effondrement de l'Union soviétique, les difficultés économiques et les problèmes internes d'une Russie en plein chaos auront raison de ces alliances et partenariats. Les années 1990 marquent un tournant et la fin précipitée de l'influence russe sur le continent africain : les fermetures d'ambassades et consulats se succèdent, les programmes d'aide et les centres culturels sont en déclin. L'Afrique n'est plus une priorité pour Moscou.

Il faudra près de 20 ans au Kremlin pour revenir progressivement sur le continent. Cette fois, non pas avec une idéologie, mais avec des contrats. Trois ans après un voyage de Vladimir Poutine au Maroc, le président Dimitri Medvedev se rend en Angola, en Namibie et au Nigeria, accompagné de 400 hommes d'affaires.  Un poste de conseiller pour l'Afrique est même créé au sein du Ministère des Affaires Étrangères russe. 
 
Vous savez, 25 ans après la chute du mur, la réalité africaine n'est plus la même, le renouvellement politique s'est opéré, et c'est une nouvelle génération d'hommes politiques qui gouverne le continent. Les chefs d'Etat ont oublié pour la plupart la parenthèse communiste. Il est clair que nous avons gardé des liens avec l'Angola, l'Afrique du Sud, la Guinée Conakry car plusieurs générations d'hommes et de femmes ont étudié à Moscou. Alexeï Vassiliev, ancien représentant spécial de la Russie pour les relations avec l'Afrique, interviewé par Jeune Afrique en 2015
Près de dix ans après la reprise de liens économiques avec le continent africain, le Kremlin semble vouloir sortir de ses zones d'influence traditionnelles sur le plan militaire. Cette fois, c'est avec armes et bagages que des instructeurs militaires russes viennent de s'installer en Centrafrique début 2018.