Fil d'Ariane
"Nous sommes là où règne l'anarchie", "Où nous sommes, il y a la paix", "La justice avant tout", "Nous sommes contre ceux qui tuent les enfants, les femmes et les personnes âgées". Sur son site internet, le groupe russe Wagner ne fait pas dans la nuance. Se présentant comme un regroupement de "personnes prêtes à donner leur vie dans la lutte pour la justice (...) et n'acceptant pas l'oppression des civils", Wagner offre un tableau très éloigné de celui brossé par de nombreuses organisations de défense des droits humains qui évoquent plutôt des mercenaires se rendant coupables de "tortures, exécutions ou viols, contre des civils, dans des zones de conflit".
Dans sa dernière livraison, La Chronique d'Amnesty International cite un journal russe basé à Londres, The Bell, selon lequel l'idée de créer Wagner aurait germé en 2012 dans l'esprit de hauts responsables de l'armée et du renseignement russes. Objectif, mettre sur pieds une armée privée "utilisable pour régler des problèmes pas la force".
Deux hommes vont se charger de concrétiser le projet. Dmitri Outkine, un ancien officier du renseignement militaire russe tout d'abord. L'homme né en 1970 est de tous les combats menés par Moscou dans les zones de crise. "Un sacré chien de guerre", affirme un mercenaire de Wagner interrogé par la Chronique d'Amnesty.
Outkine apparaît ainsi dans le premier convoi de mercenaires russes envoyés en Syrie à l'automne 2013. Quelques mois plus tard, il est aux côtés de séparatistes pro-russes dans l'est de l'Ukraine, un conflit considéré comme l'acte de naissance du "groupe Wagner" dont le nom aurait été trouvé par Outkine en hommage à Richard Wagner, compositeur talentueux, mais également artiste favori d'Adolf Hitler.
Nous sommes contre ceux qui tuent les enfants, les femmes et les personnes âgées.
Extrait du site internet de la firme Wagner.
Autre personnalité-clé de l'organisation, le milliardaire Evgueny Prigojine est, quant à lui, un proche notoire de la présidence russe. Il a fait fortune dans la restauration avant de conclure de nombreux contrats avec l'administration et l'armée russes. Prigojine est le financier de Wagner. Amnesty rapporte que, dans un premier temps, il aurait refusé de se lancer dans cette aventure avant, finalement, de "céder pour sauver son business lucratif".
Dès le milieu des années 2010 au Donbass en Ukraine ou en Syrie aux côtés de Bachar al-Assad, ils seraient ainsi entre 2500 et 5000 mercenaires sur les zones de conflit où la Russie a des intérêts stratégiques. Selon Pavel Baev, un chercheur associé à l'Institut français des relations internationales (Ifri), "cette armée russe de l'ombre (...) présente le double bénéfice de permettre de nier" l'ampleur de la présence russe en Syrie "et de minimiser" les pertes. Car, officiellement, Wagner n'existe pas. Prigojine et, a fortiori, le Kremlin vont jusqu'à en nier l'existence.
Cette armée russe de l'ombre présente le double bénéfice de permettre de nier l'ampleur de la présence russe en Syrie et de minimiser les pertes.
Pavel Baev, chercheur
D'ailleurs, sur le papier, Wagner est illégal en Russie : aux termes de l’article 348 du code criminel, le mercenariat est interdit.
Et ceux qui ont tenté de s'y intéresser d'un peu trop près l'ont, pour certains, payé de leur vie. C'est le cas de trois journalistes russes du site d'information Dossier Center -propriété de l'opposant russe Mikhaïl Khodorkovski - tués par balles en juillet 2018 à 200 kilomètres au nord de Bangui, la capitale.
D'autres journalistes présents en République centrafricaine comme l'ancien correspondant du Monde Afrique gardent un souvenir amer du jour où ils se sont intéressés à la question. Gaël Grilhot a fait ainsi, en août 2018, la une d'un journal centrafricain dans lequel il était qualifié de "mercenaire français déguisé en journaliste (...) aux trousses des pro-Russes".
Sur le continent africain, c'est en République centrafricaine que Wagner a fait le plus parler d'elle ces dernières années. Formation de l'armée mais aussi garde rapprochée du président Faustin-Archange Touadéra, les mercenaires russes sont omniprésents et sont devenus un acteur politique à part entière dans l'ancienne colonie française.
Selon Bloomberg, 450 mercenaires de Wagner seraient présents depuis 2018 sur le sol centrafricain. Mais en Afrique, c'est en Libye que ces "combattants-fantômes" sont les plus nombreux, plus de 1200 selon les Nations unies. Outre la livraison d'armes, ils participeraient activement aux combats aux côtés du maréchal Haftar.
Également présents au Mozambique depuis 2019 pour combattre l'insurrection islamiste, Wagner compterait aussi 300 mercenaires au Soudan. Il y a deux ans, ils auraient participé à la répression des manifestations contre Omar el-Béchir.
Plus "officieusement" -terme peu approprié tant sa présence ailleurs n'a rien d'officiel" -, Wagner serait également présent au Zimbabwe, en Angola, à Madagascar, en Guinée et en Guinée-Bissau.
L'agence américaine Reuters dans un premier temps, puis l'hebdomadaire Jeune Afrique ce mardi 14 septembre. Le "deal" entre le Mali et le groupe russe Wagner se précise.
Selon Jeune Afrique, le contrat serait prêt. Il prévoirait "le déploiement de mercenaires dans le pays, en liaison avec l'armée malienne, et la protection de hautes personnalités". Le journal revoit un peu à la baisse le nombre de mercenaires attendus dans le pays, un millier disait lundi l'agence Reuters, ce qui constituerait l'une des plus importantes présences de Wagner dans le monde.
La conclusion éventuelle d'un accord entre la junte au pouvoir à Bamako et la société russe privée Wagner "serait extrêmement préoccupant (e) et contradictoire" avec l'engagement militaire de la France au Sahel depuis huit ans, a déclaré ce mardi 14 septembre la ministre française des Armées Florence Parly.
Eventuel accord entre le #Mali et la société militaire privée russe Wagner : la ministre des Armées @florence_parly estime que ce serait "extrêmement préoccupant" et "contradictoire avec tout ce que nous avons entrepris depuis des années" au Sahel.#DirectAN pic.twitter.com/8rse2tAJVz
— LCP (@LCP) September 14, 2021
Interrogée en commission parlementaire, la ministre a estimé que "si les autorités maliennes devaient contractualiser avec la société Wagner, ce serait extrêmement préoccupant et contradictoire, incohérent avec tout ce que nous avons entrepris depuis des années et tout ce que nous comptons entreprendre en soutien des pays du Sahel". Selon l'agence de presse Reuters, Paris a envoyé à Bamako le Monsieur Afrique du ministère des Affaires étrangères, Christophe Bigot, pour tenter de faire capoter cet accord qui, selon toute vraisemblance, serait très proche de celui qui lie Wagner à la République centrafricaine depuis l'arrivée au pouvoir à Bangui de Faustin Archange Touadéra.