Le gouvernement malien a décidé d'expulser l'ambassadeur de France, dans une nouvelle escalade des tensions entre Bamako et Paris. La télévision d'État a annoncé lundi 31 janvier que l'ambassadeur avait trois jours pour quitter le pays.
72h pour quitter le pays. C'est la limite qu'ont fixée les autorités maliennes dirigées par la junte au pouvoir depuis août 2020 à l'ambassadeur français pour sortir du territoire.
"Propos hostiles et outrageux"
"
Le gouvernement de la République du Mali informe l'opinion nationale et internationale que ce jour (...)
l'ambassadeur de France à Bamako, son excellence Joël Meyer, a été convoqué par le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale (et)
qu'il lui a été notifié la décision du gouvernement qui l'invite à quitter le territoire national dans un délai de 72 heures", a annoncé un communiqué lu par la télévision d'Etat. Joël Meyer est en poste à Bamako depuis octobre 2018.
Les autorités maliennes ont justifié cette décision par "
les propos hostiles et outrageux du ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères tenus récemment et à la récurrence de tels propos par les autorités françaises à l’égard des Autorités maliennes, en dépit des protestations maintes fois élevées".
"Le Gouvernement du Mali condamne vigoureusement et rejette ces propos qui sont contraires au développement de relations amicales entre nations", ajoute ce communiqué.
Tensions exacerbées entre Bamako et Paris
"La France prend note de la décision des autorités de transition de mettre fin à la mission de l'ambassadeur de France au Mali. En réaction, la France a décidé de rappeler son ambassadeur", a indiqué le Quai d'Orsay. Paris exprime aussi "sa solidarité vis-à-vis de ses partenaires européens, en particulier du Danemark", dont le contingent vient d'être expulsé par la junte "sur la base de motifs infondés".
Le communiqué rappelle aussi la "solidarité" de Paris à l’égard de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) dont le représentant au Mali a lui aussi été expulsé, ainsi que "son engagement en faveur de la stabilisation et du développement du Sahel, aux côtés de ses partenaires de la Coalition pour le Sahel".
Le ministre des Affaires étrangères danois, Jeppe Kofod, a jugé "inacceptable" l’expulsion de l’ambassadeur français. "Le Danemark est totalement solidaire de la France", a-t-il écrit sur Twitter. Il a qualifié d’"irresponsable" l’attitude de la junte et estimé que le Mali perdait sa "crédibilité internationale".
Cette décision marque un nouveau durcissemment des tensions entre le Mali et la France. Les relations n'ont cessé de se détériorer depuis que des colonels ont pris par la force en août 2020. La France y intervient à travers l'opération Barkhane depuis 2013, une intervention militaire de plus en plus controversée.
Chronologie des tensions entre la France et le Mali30 janvier : Le ministre des Affaires étrangères français a déclaré que le groupe paramilitaire russe Wagner
pillait déjà le Mali. "
Wagner utilise la faiblesse de certains Etats pour s'implanter", a-t-il poursuivi. Quelques centaines de ces mercenaires seraient présents dans le pays.
28 janvier : Dans une interview, le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop a considéré les déclarations de Paris "
inacceptables". Pour lui, ces propos sont "
empreints de mépris" et relèvent de l'insulte. Quelques jours plus tôt, le porte-parole du gouvernement de transition avait accusé la France "
d’instrumentaliser" les organisations sous-régionales et de conserver des "
réflexes coloniaux".
À propos de l'intervention militaire, le ministre des Affaires étrangères français a jugé
ne pas pouvoir "rester en l'état".
25-27 janvier : La ministre française des Armées Florence Parly a déclaré que la junte au pouvoir multipliait "
les provocations". Son collègue des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a, deux jours après,
qualifié la junte d'"illégitime" et ses décisions d'"
irresponsables".
9 janvier : La Cédéao a adopté une série de
fortes sanctions économiques et politiques contre le Mali, après sa décision de retarder son calendrier électoral. Ces sanctions sont notamment soutenues par l'Union africaine, l'Union européenne et la France.
1er janvier : La junte a annoncé vouloir
repousser de cinq ans les éléctions législatives et présidentielles, initialement prévues en février.
14 décembre 2021 : Les troupes françaises quittent Tombouctou. Paris prévoit de garder de 2 500 à 3 000 hommes sur place d'ici à l'année prochaine.
25 septembre 2021 : Le premier ministre malien, Choguel Kokalla Maïga, a accusé la France d'
"abandon en plein vol", avec le retrait de la force Barkhane. Une décision qui a mis son pays "
devant le fait accompli".
10 juin 2021 : Emmanuel Macron annonce
la fin prochaine de l'opération Barkhane, tout en poursuivant l'engagement français au Mali sous d'autres formes. Au bout de huit ans de présence et une lassitude croissante, la France n'a pas réussi à éliminer la menace djihadiste dans le pays.
24 mai 2021 : Nouveau coup d'État contre le président de transition Bah N'Daw et le Premier ministre Moctar Ouane. Le colonel Assimi Goïta, jusqu'alors vice-président de la Transition, prend les fonctions de président.
18 août 2020 : Coup d'État militaire par une junte dirigée par le colonel Assimi Goïta.
Le président Ibrahim Boubacar Keïta est contraint à la démission. Les nouvelles autorités dénoncent la corruption du régime, et son inefficacité face à la violence terroriste.
2013 : Début de l'intervention française au Mali, pour stopper la progression des djihadistes venu du nord du pays vers Bamako.