Comment décririez-vous la crise actuelle au Nigéria ? Il y a trois problèmes qui se télescopent et rendent la situation explosive. D'abord le problème du Delta du Niger, qui démarre dans les années 90 : les militants veulent une meilleure répartition des revenus du pétrole et un plus grand respect de l'environnement lors de l'exploitation. Après l'échec des mouvements rebelles non violents (
MOSOP), on passe dans les années 2000 à des mouvements violents (
MEND). En 2009 et 2010, 26000 militants acceptent
une amnistie du pouvoir, amnistie qui n'a rien réglé, au contraire. certes, les violences ont diminuées, faisant remonter la production pétrolière à son niveau normal, mais les motifs d'insatisfaction sont toujours présents et les militants menacent. Cette amnistie est aussi vue par les Nigérians du nord comme un scandale : pourquoi favoriser encore une fois les régions les plus riches du pays ? Second problème, le mouvement islamiste Boko Haram, créé en 2002, qui s'est radicalisé récemment sur le modèle des rebelles du Delta, qui ont obtenu ce qu'ils souhaitaient par la force. Alors, pourquoi pas eux ? La radicalisation est aussi une réaction face à la répression aveugle de l'armée, notamment via le corps d'élite "Joint Task Force". En face, les militants du sud mettent de l'huile sur le feu en multipliant les déclarations hostiles. Il faut aussi prendre en compte que le président Goodluck Jonathan (
président depuis mai 2010 après la mort du président Umaru Yar'Adua et élu en avril 2011, NDLR) est chrétien et vient de l'Etat de Bayelsa (Delta). Certains hommes politiques du nord auraient préféré qu'un des leurs porte les couleurs du Parti démocratique populaire (PDP) à la présidentielle de 2011. Plus largement, les gens du nord (principalment musulmans) ont peur qu'il continue à donner toujours plus au gens du sud (chrétiens).