On la croyait endiguée depuis près de deux ans, mais la fièvre Ebola ressurgit depuis deux mois en Guinée. Très contagieuse, et mortelle dans 90 % des cas, elle y a déjà fait une soixantaine de morts. Six cas suspects au Liberia, deux autres en Sierra Leone... Contre la fièvre Ebola n'existe aucun vaccin, aucun remède ni traitement... Alors doit-on craindre une pandémie ? Eléments de réponse avec Antoine Flahault, professeur de santé publique à l’Université Paris Descartes..
La fièvre Ebola, du nom de la localité où elle fut identifiée pour la première fois, est due à un virus qui se réplique chez l'animal, et chez lequel il provoque ou non la maladie. Les zones les plus touchées sont les forêts d'Afrique subsaharienne, du centre et de l'Ouest. Les grands arbres y offrent de l'ombre à la faune, comme les chauves-souris, qui est vecteur de contamination des animaux domestiques ou d'élevage. Au contact de l'homme, ces derniers peuvent générer des foyers sporadiques, dont certains ont été importants, comme au Soudan et au Zaïre dans les années 1970, où les victimes se comptaient par centaines. Il n'existe ni vaccin, ni traitement contre le virus Ebola. Le seul moyen de lutter contre la propagation de l'épidémie est la prévention : l'information des populations et le confinement des malades. L'éclairage d'Antoine Flahault, professeur de santé publique à l’Université Paris Descartes :
Le virus inquiétait en Ougada en 2012, il resurgit aujourd'hui en Guinée, que s'est-il passé ? Depuis l'apparition du virus Ebola, en 1976, il n'y a jamais eu d'endémie, autrement dit de zone où il y aurait en permanence des cas recensés, contrairement à un virus comme la grippe. Les foyers de fièvre Ebola sont particulièrement sévères et violents, puisque le virus est très contagieux et qu'il est associé à une mortalité de l'ordre de 90 %. C'est pourquoi ils sont identifiés assez tôt. La maladie est si "bruyante", au sens clinique du terme, qu'elle en devient assez simple à circonscrire. En d'autres termes, la situation est d'autant plus repérable qu'elle est dramatique : pratiquement toutes les personnes infectées sont malades et pratiquement toutes les personnes malades meurent.
Quelle menace le virus représente-t-il réellement, en Afrique et au-delà ? Une fièvre hémorragique, comme la fièvre Ebola, ne passera jamais inaperçue dans un aéroport, sauf, peut-être pendant les 2 à 15 jours d'incubation. Bien sûr une propagation au-delà de l'Afrique reste possible, mais la maladie est si facilement idendifiable qu'il est facile de s'en protéger : quarantaine, isolement, tenue de protection pour le personnel médical, strictes mesures d'hygiène - comme pour le SRAS. En Afrique ce n'est pas si évident, mais la technique reste la même, avec beaucoup de messages d'éducation et de promotion visant à éviter la contamination. Voyant leurs proches tomber, les gens ont peur. Même si les mesures sanitaires heurtent leurs habitudes culturelles, comme les rites funéraires où les vivants touchent les morts, ils prennent des précautions. Cependant, il semble que, cette fois-ci, le virus se soit propagé à Conakry et dans les pays voisins. Il se pourrait que le foyer n'ait pas été circonscrit dès le début et que la maladie ait commencé à essaimer au-delà des petits villages de Guinée. Les pays, parfois, n'ont pas envie d'être stigmatisés et traînent à déclarer les pathologies, comme l'avait fait la Chine pour le SRAS.
Doit-on redouter une pandémie mondiale, comme le cas suspect au Canada l'a fait craindre ? L'éventualité d'une contamination en dehors de l'Afrique pourrait sembler effrayante, mais n'a pas vraiment de raison de l'être. Les maladies les plus redoutables sont celles qui évoluent "à bas bruit", comme la grippe, où une grande partie des malades ne sont pas sévèrement touchés. Ces maladies-là peuvent se propager très rapidement auprès d'un très grand nombre. Certes, un individu exposé peut toujours ramener le virus Ebola en Europe ou en Amérique - même si le virus sévit dans des régions reculées, peu fréquentées par les touristes. Mais il sera immédiatement identifié et circonscrit. Le cas canadien n'est donc pas surréaliste. Ce n'est pas Ebola, mais ça aurait pu, si la personne avait été en contact très étroit avec un malade infecté ou la dépouille d'un mort de cette maladie. Cela s'est déjà vu pour une maladie similaire, la fièvre de Marburg qui, elle, avait été identifiée hors d'Afrique. A ma connaissance, il n'y a jamais eu de cas d'Ebola exporté hors du continent africain, mais peut-être est-ce le cas en ce moment-même avec une personne en incubation.
Où en est l'épidémie en Afrique ?
25.03.2014Tarik Jasarevic, porte-parole de l'OMS, au téléphone depuis Genève