Législatives en Centrafrique : vers un second tour sans surprise ?

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Centrafrique législatives second tour
Les forces de maintien de la paix rwandaises de la MINUSCA patrouillent à l'extérieur de Bangui, en République centrafricaine, le samedi 23 janvier 2021.
©AP Photo/ Adrienne Surprenant
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La Centrafrique se prépare au second tour de ses élections législatives qui devraient avoir lieu ce dimanche 14 mars. La victoire du président Touadéra est attendue sans grande surprise. Quels sont les enjeux de ces élections ? A quoi faut-il s’attendre ? Eléments de réponse avec Thierry Vircoulon, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI). 

Après, un premier tour et une présidentielle plus que mouvementés en décembre dernier - un électeur sur trois n’avait pas pu voter en raison de l’insécurité - la tenue de ce scrutin est fragile notamment dans certaines circonscriptions du Nord, où les rebelles pourraient tenter d'empêcher le scrutin. Fragile également car le pays, en guerre civile depuis huit ans, compte aujourd’hui deux millions de personnes en insécurité alimentaire et 1 million de déplacés.

  • Victoire assurée du président Touadéra en l'absence d'opposition

"Il n’y a aucun enjeu", affirme franchement Thierry Vircoulon, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI). "C’est le Parti du Mouvement des Cœurs unis (MCU) [Parti du président en place Faustin Archange Touadéra, ndlr] qui va remporter les élections tout le monde le sait", ajoute-il sans hésitation. 

Au total, 140 sièges de députés sont à pourvoir et si la victoire du camp Touadéra n’est pas vraiment une surprise, l’enjeu pour le président en place est de voir le sort de plusieurs de ces poids lourds qui n'ont pu être élus dans des circonscriptions où le scrutin a été empêché ou annulé. 
 
Mais, pour que la nouvelle Assemblée nationale soit légalement constituée, la Cour constitutionnelle a imposé qu'au moins 71 députés soient élus avant le 2 mai. Or, seuls 22 l'ont été au premier tour, 49 circonscriptions sont en ballottage pour le second.

A l’époque en effet, le vote avait été empêché ou annulé dans 69 circonscriptions. C’est donc leur premier tour qui sera organisé ce dimanche. Un second est attendu ultérieurement mais aucune date n’a encore été communiquée. 

"L’opposition n’a même pas pu faire campagne pour les législatives, ils sont à la fois empêchés de faire campagne et terrorisés, donc on sait très bien que le parti au pouvoir va gagner", rappelle Thierry Vircoulon.

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Lire aussi : Centrafrique : "Il faut arriver à un compromis avec l'opposition", selon Roland Marchal
  • Quels territoires sont sous contrôle ?

"Il y a une espèce d’ordre rétabli puisque la contre-offensive russo-rwandaise a porté ses fruits donc je pense que les gens vont pouvoir voter en ville", explique Thierry Vircoulon. 
 
En effet, après l'offensive de décembre dernier, les rebelles s'étaient emparés de la majorité des villes du nord-ouest et avait progressé jusqu’à une centaine de kilomètres de la capitale. Ils ont finalement été repoussés grâce à l'engagement dans les combats de centaines de paramilitaires russes et de soldats rwandais, envoyés par Moscou et Kigali à la rescousse d'une armée peu formée et mal équipée. Pour l’heure, personne ne peut dire combien de temps ils resteront dans le pays mais ils s’ajoutent aux 12 500 casques bleus de l’ONU. 

Depuis une attaque sur Bangui repoussée le 12 janvier, les rebelles sont en net repli. Une contre-offensive a en effet permis aux forces progouvernementales de reprendre la plupart des villes.

Mais les groupes armés, repliés dans les campagnes et le long des grands axes routiers, restent une menace sérieuse.

Or, "le véritable enjeu, c'est le contrôle des campagnes", estime pour sa part Roland Marchal, chercheur au Centre de Recherches internationales de Sciences Po à Paris.

"Et personne n'a les capacités ou la volonté de mener des opérations soutenues dans les zones rurales. Les Russes et les Rwandais ne sont pas assez nombreux, ils libèrent des centres-villes, la plupart du temps sans combat, mais cela n'affaiblit pas fondamentalement les groupes armés", estime l'expert.

"Nous travaillons à ce que la victoire soit pérenne", promet le porte-parole du gouvernement Ange-Maxime Kazagui qui annonce la création de deux bataillons supplémentaires au sein de l'armée pour sécuriser les localités reconquises.

  • Les groupes armés peuvent-ils perturber le scrutin?

Dimanche, "il n'y aura pas d'élection dans les zones sous contrôle de la CPC" - la Coalition des patriotes pour le changement (CPC), réunissant les plus puissants des groupes armés se disputant les ressources du pays-, affirme son porte-parole Serge Bozanga à l'AFP. Au premier tour et lors de la présidentielle, le 27 décembre, d'innombrables bureaux de vote étaient restés fermés en raison de l'insécurité.

"La situation reste très volatile", explique le lieutenant-colonel Abdoul-Aziz Fall, porte-parole des Casques bleus de la Mission de l'ONU en Centrafrique (Minusca). Peu importe le dispositif de sécurité, redoute-t-il, "il suffit de quelques coups de feu pour créer la panique". Mais "les groupes armés sont dans une dynamique de repli vers des zones reculées".

Et le gouvernement va "fortement renforcer" des lieux à "hauts risques" ou "difficile d'accès", promet M. Kazagui.


 Voir aussi : Centrafrique : Faustin Archange Touadéra, le président qui se veut "homme de paix"
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