L'Égypte est-elle à vendre ?

La station balnéaire de Ras Ghamila, à proximité de Charm El-Cheikh en Égypte, va être vendue à l’Arabie Saoudite. Le Caire réalise-t-il cet accord financier pour alléger sa dette? 

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Tourisme egypte

Des touristes profitent de la mer Rouge dans la baie de Naama, à Charm el-Cheikh, dans le sud du Sinaï, en Égypte, en novembre 2015.

AP Photo/Ahmed Abd El-Latif
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C'est un petit coin de paradis à 12 km seulement de l’aéroport de Charm El-Cheikh. La station balnéaire de Ras Ghamila, à la pointe sud du Sinaï, va-t-elle être rachetée par l’Arabie Saoudite ? Selon le média anglophone Middle East Eye, le pays du Golfe a présenté une offre d’achat au gouvernement égyptien. 

Carte egypte arabie saoudite
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Le montant de la transaction, financée en partie par des fonds saoudiens déjà déposés dans des banques égyptiennes, s'élèverait à plus 10 milliards de dollars. 

Mais pourquoi l'Arabie Saoudite souhaite acheter Ras Ghamila ? La station balnéaire se situe à l’embouchure du golfe d’Aqaba au fond duquel se situe Israël et son port Eilat. Il s'agit du seul point d’accès maritime de l’État hébreu en dehors de la Méditerranée. 

En face de Ras Ghamila, sur la rive saoudienne du Golfe d’Aqaba, se trouve Neom, le mégaprojet du prince héritier d’Arabie Mohamed ben Salman. L'achat de cette station balnéaire est donc stratégique pour asseoir la position du royaume dans la région.

Pourquoi l’Égypte vend ses terres ?

Le gouvernement égyptien est lourdement endetté. Ces investissements dans des mégaprojets et les contrats d'armement pèsent sur les dépenses de l'état égyptien. En 2021, le Caire a acheté 30 rafales à la France pour un montant de 3,95 milliards d'euros.

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Le président Abdel Fattah el-Sisi, arrivé au pouvoir en 2014, a lancé la construction d'une nouvelle capitale, Al-Masa. Le montant de ce projet pharaonique dépasse les 45 milliards de dollars. D’après les données de la Banque centrale, la dette extérieure a plus que quadruplé au cours de la dernière décennie. Fin 2023, elle atteignait 168 milliards de dollars. 

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L’Égypte peine à faire rentrer de l’argent. Le tourisme est en berne depuis les révolutions arabes et le Covid. L’autre manne financière égyptienne, le canal de Suez, subit une baisse de fréquentation. La multiplication des attaques des rebelles houtis en mer Rouge,  en représailles à la guerre menée par Israël contre le Hamas, a impact direct sur l'économie égyptienne. Selon le quotidien Le Monde, treize des plus grands armateurs mondiaux, représentant près de 40 % du marché, ont dérouté leurs navires vers le cap de Bonne-Espérance. Sur l'année fiscale 2022-2023, le canal de Suez a rapporté environ 8,6 milliards d'euros à l'État.

Une pratique qui se multiplie 

Ras Ghamila n’est pas la première parcelle que l’Égypte vend à un pays du Golfe. Au mois de février, Ras El-Hekma a été achetée pour 32,5 milliards d’euros par les Émirats arabes unis. Il s’agit d’une péninsule de 170 millions de mètres carrés sur la mer Méditerranée. 

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Il ne faut pas sous-estimer la capacité du gouvernement à dilapider ces fonds sans les investir dans des projets durables.

Timothy E. Kaldas, codirecteur de l'Institut Tahrir

À court terme, ces capitaux vont permettre d’endiguer la dégradation vertigineuse de l’économie. L’inflation va se réduire. Mais pour combien de temps ?, demande Timothy E. Kaldas, codirecteur de l'Institut Tahrir pour la politique du Moyen-Orient, une ONG qui se consacre à la transition démocratique au Moyen-Orient, interrogé par le journal Le Monde. “Il ne faut pas sous-estimer la capacité du gouvernement à dilapider ces fonds sans les investir dans des projets durables", analyse-t-il.

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Les Émirats arabes unis ont également acheté six grands hôtels égyptiens, dont le Mena House, au pied des pyramides, le Winter palace à Louxor ou le Old Cataract à Assouan. Au total, cette transaction s’est faite pour 800 millions de dollars. Dans le langage des affaires, ces ventes par petites grappes sont appelées "vente à la découpe".