Un énième trêve est entrée en vigueur lundi soir au Soudan pour laisser passer civils en fuite et aide humanitaire, mais comme les autres, elle n'a pas abouti à un apaisement significatif des combats.
Le 15 avril, le jour où le chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane et le patron des paramilitaires, le général Mohamed Hamdane Daglo, ont débuté les hostilités, ils étaient censés se retrouver pour des négociations.
Depuis des semaines, la communauté internationale, ONU en tête, réclamaient qu'ils se mettent d'accord sur l'intégration des Forces de soutien rapide (FSR) du général Daglo au sein de l'armée.
Alors que de nombreux observateurs prédisaient un échec des discussions, l'émissaire de l'ONU au Soudan, Volker Perthes, proclamait, lui, son "optimisme" quant à une sortie de crise rapide. Le jour où a éclaté la guerre il admis avoir été "pris par surprise".
Mensonges
Dans une lettre adressée à l'ONU dont l'AFP a consulté une copie, le général Burhane accuse M. Perthes d'avoir "dissimulé" dans ses rapports à l'ONU la situation explosive à Khartoum. Sans ces "mensonges", le général "Daglo n'aurait pas lancé ses opérations militaires", poursuit la lettre. Le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres s'est dit "choqué" par la lettre, témoignant de "son entière confiance" à son émissaire.
M. Perthes, récemment parti pour New York, "pourrait ne pas pouvoir revenir au Soudan et le savait sûrement en partant", assure la chercheuse Kholood Khair. Pour elle, le poids des islamistes dans le camp de Burhane ne cesse d'augmenter et l'octroi ou non du visa d'entrée à M. Perthes "sera un test décisif pour jauger" de leur résurgence.
De longue date, les pro-démocratie accusent le général Burhane d'être instrumentalisé par les islamistes du régime d'Omar el-Béchir (1989-2019). Ils en veulent pour preuve le retour aux affaires de plusieurs responsables de la dictature militaro-islamiste depuis le putsch de 2021 grâce auquel les deux généraux aujourd'hui rivaux ont définitivement écarté du pouvoir les civils.
Le chercheur Alex de Waal estime aussi que, depuis le début de la guerre, le poids des islamistes derrière Burhane est plus criant encore. Ses soutiens sont "un réseau (...) de sociétés, banques et compagnies de télécommunication tenues par des islamistes, des officiers du renseignement ou l'armée elle-même", assure-t-il.
Le général Daglo joue d'ailleurs de cette rhétorique : il répète à l'envi combattre "les islamistes" et les "vestiges de l'ancien régime". Et il se fait le chantre de "la démocratie" et des "droits humains", alors même que ses milliers d'hommes sont accusés d'avoir commis des atrocités pour le compte de Béchir dans la guerre du Darfour (ouest) dans les années 2000.
Malgré tout, le camp de l'armée semble divisé : au moment où le général Burhane réclamait le limogeage de M. Perthes, son nouveau numéro deux, l'ex-chef rebelle Malik Agar, discutait d'une sortie de crise avec l'émissaire onusien.
Islamistes contre l'ONU
En attendant, l'armée régulière a rappelé vendredi sous les drapeaux tous les retraités, auxquels elle a promis des armes et des munitions. Les FSR ont dénoncé "une décision dangereuse" et accusé l'armée d'avoir mené de nouveaux raids aériens en violation de la trêve.
Depuis le putsch, des milliers de personnes soutenant l'armée et les islamistes ont manifesté pour réclamer le départ de M. Perthes du Soudan. Lundi à New York, M. Perthes a rétorqué que les responsables des violences étaient "les deux généraux en guerre" et non l'ONU.
Depuis le 15 avril, la guerre a fait plus de 1 800 morts, selon l'ONG ACLED. Et, selon l'ONU, plus d'un million de déplacés et de 300 000 réfugiés.
"Nous ne pouvons pas détourner notre regard", a plaidé l'acteur américain George Clooney, alors que l'ONU rappelle qu'il lui manque 1,5 milliard de dollars pour assister les 25 millions de Soudanais qui ont besoin d'aide pour survivre.
Et la trêve d'une semaine n'a pas changé la donne : si les combats se sont calmés, aucun couloir n'a été dégagé pour l'aide humanitaire et les belligérants ne semblent pas prêts à négocier.