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"Les Bienheureux" : la cinéaste Sofia Djama raconte l'Algérie de l'après-guerre civile

Premier long-métrage de la cinéaste algérienne Sofia Djama, sélectionné à l'édition 2017 de la Mostra de Venise, "Les Bienheureux" raconte l’Algérie de l’après-guerre civile, traumatisée par la décennie noire, celle qui a vu s’affronter l’armée nationale et divers groupes islamistes.
Alger, quelques années après la guerre civile. Amal et Samir ont décidé de fêter leur vingtième anniversaire de mariage au restaurant. Pendant leur trajet, tous deux évoquent leur Algérie : Amal, à travers la perte des illusions, Samir par la nécessité de s'en accommoder. Au même moment, Fahim, leur fils, et ses amis, Feriel et Reda, errent dans une Alger qui se referme peu à peu sur elle-même...
 

Une production franco-belge "à l' ADN algérien" avec Nadia Kaci et Sami Bouajila, et réalisée par la cinéaste algérienne Sofia Djama, "Les Bienheureux" a été sélectionné à la Mostra de Venise 2017, en compétition officielle dans la catégorie Orrizonti.

Récompensé à la Mostra de Venise

Premier film de la cinéaste, le long-métrage s'y est distingué en remportant le Prix de la Meilleure Actrice (Section Orizzonti) décerné à sa jeune actrice Lyna Khoudri.

Mais avant même le palmarès officiel, la cinéaste avait remporté deux récompenses dans le cadre de ce festival international :
- le Brian Award qui récompense un film qui défend les valeurs de respect des droits humains, de la démocratie, du pluralisme, de la liberté de penser, sans les distinctions habituelles fondées sur le genre ou l'orientation sexuelle
- le prix Lina Mangiacapre, du nom de la figure radicale du féminisme napolitain et italien, destiné à une oeuvre qui change les représentations, et les images des femmes au cinéma.

Alger, après la guerre civile

Dans "Les Bienheureux", Sofia Djama plante sa caméra à Alger, quelques années après la guerre civile. Or comment vivre dans une Algérie qui n’a pas fait le deuil de la décennie noire ?, interroge en toile de fond, la réalisatrice, elle-même enfant de la guerre civile, née en 1979, et qui a passé son enfance à Bejaïa (Kabylie).

Il y a d’un côté ce couple, héritier de l’histoire de la guerre d’indépendance, qui mène une vie d’intérieur. En autarcie, dans un milieu bourgeois où l'on boit de l’alcool, où l'on danse encore, dans des appartements cossus plombés par "les vieux de meubles des parents". A côté, une autre génération cohabite, sans jamais se rencontrer, celle incarnée par leur fils et ses amis, Feriel et Reda, une jeunesse algérienne en perte de repères, à la recherche d'une identité, y compris dans la trangression...

Le poids de la religion

Portrait en filigrane de l’Algérie post-coloniale et de l’après guerre-civile, "Les Bienheureux" donne à voir un pays qui peine à faire son deuil, à exorciser les années de plomb et à "se projeter".

Pour Sofia Djama, "vivre aujourd’hui en Algérie signifie vivre constamment dans la contradiction, le conservatisme religieux, l’ignorance sacralisée, et maintenant institutionnalisée, et simultanément un fort désir de liberté".

Avec cette présence pregnante de la religion, rejetée ou adoptée, haïe ou embrassée... "Il s’agissait d’une guerre contre l’islamisme", analyse Sofia Djama, "mais pas contre la bigoterie et l’archaïsme religieux que l’Etat continue de distiller pour mieux instrumentaliser la religion." 
 
Les islamistes ont certes perdu la guerre militairement mais ils l’ont gagnée dans les esprits. Sofia Djama, réalisatrice
>"Les Bienheureux" sortira en salles en France le 13 décembre 2017.