Les BRICS à un tournant de leur existence ?

Pendant deux jours, (du 3 au 5 septembre 2017), les cinq pays des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) se sont réunis à Xiamen en Chine pour le 9ème sommet de l'organisation. Francis Laloupo, journaliste et enseignant en géopolitique à l'IPJ Paris Dauphine, revient sur les perspectives d'un organe en quête de toujours plus d'influence internationale.
Image
BRICS main
Francis Laloupo, Journaliste et enseignant en géopolitique
 
Partager4 minutes de lecture

TV5MONDE : Que reste-il de l'esprit des BRICS du début, quand il s'agissait de redéfinir les règles du commerce mondial?

Francis Laloupo : Quand on pose la question aux pays des BRICS, ils disent que cet esprit est resté intact mais force est de constater que l'idée de départ qui était de créer un cadre alternatif aux économies des pays occidentaux s'est heurtée à une forme de réalisme économique. Au final, le défi lancé aux BRICS, c'est de gérer une contradiction.

À savoir, une forme de solidarité entre pays et leur rivalité sur cette scène économique internationale. Autrement dit, d'un côté, ces pays avancent en rangs dispersés sur des marchés convoités, (comme le continent africain) et de l'autre il y a une volonté de se réunir de temps en temps en sommet pour définir cette solidarité, sorte d'étendard aux yeux du monde, d'une offre économique alternative.
Le problème, c'est que ces pays n'ont pas vraiment créé ce nouveau paradigme économique, et que ces économies s'inscrivent toutes dans le traditionel cathéchisme mondial, à savoir, le concept libéral.

TV5MONDE : Peut-on affirmer que la dynamique des BRICS s'est cassée avec le fort ralentissement économique de ces dernières années au Brésil ?

F-L : C'est un tournant important car quand on vantait les vertus de ces pays émergents, on pensait qu'ils allaient voguer sur les flots de la prospérité pour atteindre des sommets insoupçonnés. On voit bien avec la crise économique que le Brésil, a déchanté sur ce point. Mais il ne faut pas, non plus, perdre de vue une autre réalité. Quoique l'on dise, ces pays ont quand même mis en place un système de coopération alternatif et novateur notamment avec les pays africains.
Les BRICS ne sont pas un concept de "non-alignés". Les "non-alignés" avaient un objectif politique. Les BRICS ont un objectif économique.
Francis Laloupo, journaliste


La question sous-jacente était de savoir si les BRICS pouvaient partir de leur position initiale d'organisation économique pour devenir une organisation à vocation politique. Ce basculement a été raté car les exigences du commerce, et précisément de la concurrence internationale ont pris le dessus sur tout.

TV5MONDE : Mais est-ce la priorité? Est-ce que les BRICS... ont réellement cette vocation à devenir un instrument politique influent ?

F-L : En fait, la création des BRICS a quasiment coïncidé avec l'époque où les pays africains commençaient à diversifier leur partenariat économique. C'était l'époque où ils sortaient du traditionnel tête-à-tête avec les anciennes puissances coloniales.
 

BRICS Table ronde
Sommet des BRICS, Xiamen, Chine
Crédit photo | Mark Schiefelbein, AP Photo


De ce point de vue, les BRICS ont accéléré cette émancipation des pays africains. C'était une bouchée d'air pour ces économies, qui a permi d'accroître leurs atouts en terme de négociations et en terme de résultats économiques.

Condé
Le président guinéen Alpha Condé, représentant de l'Union africaine au sommet des BRICS à Xiamen, Chine
Crédit photo | Wu Hong, AP Photo
Alors, la prochaine étape c'est surtout de savoir comment transformer cette ouverture en résultats. En cela, la présence à ce sommet de l'Égypte et de la Guinée est particulièrement intéressante. L'Égypte étant invitée en tant que puissance émergente du continent africain. Le président guinéen (cf: photo) est lui, invité en tant que représentant de l'Union africaine, et on voit d'ailleurs, le décalage qui est resté permanent entre les BRICS et les pays africains. D'un côté, les BRICS ont un appétit économique clairement affiché. On pense en Afrique à l'offensive chinoise, à l'offensive indienne, à l'offensive russe, voire à l'offensive brésilienne. Et en face, on a du mal à déterminer les contours des intérêts des pays africains dans cette relation. Voyez à ce propos, le discours d'Alpha Condé, le président guinéen. Il est assez révélateur. Il a déclamé une sorte de litanie désuète du panafricanisme ou de la lutte contre l'impérialisme alors que ce qui se joue aujourd'hui, c'est avant tout la question du résultat économique de la concurrence internationale. En fait, face aux BRICS, les pays africains devraient sortir du discours théorique et s'imposer une obligation de résultats. L'erreur, c'est de penser que le concept des BRICS correspond à la logique des "pays non-alignés". Ce n'est pas le cas. Les "non-alignés"avaient un objectif politique. Les BRICS ont un objectif économique.