Fil d'Ariane
Les dirigeants ouest-africains se réunissent aujourd'hui au Ghana pour étudier collégialement une réponse au double putsch des militaires maliens menés par le colonel Assimi Goïta. Après l’arrestation du président Bah Ndaw et du Premier ministre Moctar Ouane décidée par l'homme fort du pays le 24 mai, Paris comme l’Union Européenne avaient dénoncé un « coup d’Etat inacceptable ».
Le colonel Assimi Goita arrive à une rencontre avec une délégation régionale au ministère de la Défense à Bamako le 24 août 2020.
Le message est clair. Emmanuel Macron a affirmé qu'il « ne resterait pas aux côtés d’un pays où il n’y a plus de légitimité démocratique ni de transition ». Vendredi 28 mai, la Cour constitutionnelle malienne a déclaré le colonel Goïta président de transition du pays. Une décision qui parachève le coup de force déclenché 4 jours plus tôt contre ceux qui se trouvaient entre lui et la direction de ce pays crucial pour la stabilité du Sahel face à la propagation jihadiste.
"Au président malien Bah N’Daw, qui était très rigoureux sur l’étanchéité entre le pouvoir et les djihadistes, j’avais dit: « L’islamisme radical au Mali avec nos soldats sur place ? Jamais de la vie! » Il y a aujourd’hui cette tentation au Mali. Mais si cela va dans ce sens, je me retirerais", a mis en garde Emmanuel Macron dans un entretien au Journal du Dimanche du 30 mai 2020. La France, avec environ 5.100 hommes au sein de Barkhane, soutient le Mali qui fait face depuis 2012 à une poussée jihadiste partie du Nord avant de s'étendre au centre, qui a plongé le pays dans une crise sécuritaire.
Voir aussi : Mali : le colonel Goïta devient président de transition
Alors que certains critiquent le contraste des réactions occidentales entre la situation malienne et celle du Tchad, où un Conseil militaire de transition (CMT) présidé par l'un des fils d'Idriss Déby, Mahamat, a pris les rênes du pays après sa mort brutale en avril, Emmanuel Macron se défend qu’avec ce dernier « les choses sont claires ». Son soutien s'inscrivait dans une volonté que le pays « ne soit pas déstabilisé ou envahi par des groupements rebelles et armés. Mais nous demandons la transition et l’inclusivité politique ».
Aujourd’hui, c’est la Communauté des États de l'Afrique de l’Ouest qui doit se rassembler et s’exprimer face à la situation politique inédite au Mali. À partir de 14H00 (locales et GMT) dans la capitale ghanéenne, se déroulera un sommet extraordinaire exclusivement consacré au Mali. Assimi Goïta est aussi invité pour des "consultations".
Lire aussi : Mali : la délicate position de la Cédéao et des partenaires du pays après le second putsch
Les discussions s’avèrent toutefois houleuses. La Cour constitutionnelle a officialisé il y a deux jours un fait accompli auquel les partenaires du Mali avaient essayé de s'opposer après le coup d'Etat d'août 2020 : Assimi Goïta et un groupe de colonels avaient alors renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta après des mois de contestation populaire.
La junte avait dû, sous la pression internationale, accepter la nomination d'un président et d'un Premier ministre civils. Elle s'était alors engagée à organiser des élections et à rendre le pouvoir à des civils à l'issue d'une transition de 18 mois, mais elle avait par ailleurs taillé pour Assimi Goïta une vice-présidence sur mesure, investie des charges primordiales de la sécurité.
Même si le colonel Goïta a exprimé son intention de nommer "dans les jours à venir" un Premier ministre issu du collectif M5-RFP (NDLR : mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques), qui avait mené en 2020 des mois de contestation contre l'ancien président Keïta, sa désignation à la tête de l'État met les voisins et les partenaires du Mali au défi d'une réponse.
Au moment de l'arrestation de Bah Ndaw et Moctar Ouane, la Cédéao avait co-rédigé avec l'Union africaine, la mission de l'ONU au Mali (Minusma), la France, les États-Unis et d'autres un communiqué rejetant « par avance tout acte imposé par la contrainte, y compris des démissions forcées ». Une mission de la Cédéao dépêchée au cours de la semaine au Mali a aussi évoqué l'éventualité de sanctions. La France et les Etats-Unis, engagés militairement au Sahel, en ont brandi la menace.
Voir aussi : Le Mali risque-t-il des sanctions ?
"La transition politique sera dirigée par un civil" et "le vice-président de la transition (...) ne pourra en aucune manière remplacer le président de la transition", avaient déclaré les dirigeants ouest-africains lors d'une réunion avec la junte le 15 septembre 2020 après le premier coup de force.
La Cédéao avait alors suspendu le Mali de tous ses organes de décision, fermé les frontières de ses Etats membres et stoppé les échanges financiers et commerciaux avec le Mali, à l'exception des produits de première nécessité. Elle avait levé cependant les sanctions, mal ressenties par une population éprouvée dans un pays exsangue.