Fil d'Ariane
Les États-Unis ont imposé jeudi des sanctions économiques et des restrictions de visas "contre les acteurs qui entretiennent la violence" au Soudan, visant en particulier à tarir les sources de financement de l'armée et des paramilitaires.
Des dizaines de milliers de Sud-soudanais tentent de rejoindre leur pays depuis le début du conflit qui oppose deux généraux rivaux se disputant le pouvoir à Khartoum. Nombreux sont ceux qui se retrouvent bloqués à la frontière comme ici à Renk, au Soudan du Sud, le 17 mai 2023.
Les violences dans le pays sont une "tragédie" qui "doit cesser", a estimé dans un communiqué Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale de Joe Biden. Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a parlé lui, de mesures prises "en réponse aux violations de l'armée soudanaise et des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) de leurs obligations".
Il a dénoncé des "pillages, des attaques d'habitations et d'infrastructures civiles, de bombardements aériens et de l'artillerie (...) et l'obstruction à l'acheminement de l'aide humanitaire".
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Les restrictions de visas visent des responsables des deux camps, dont l'identité n'a pas dévoilée, ainsi que d'anciens membres du régime d'Omar el-Béchir. Les sanctions économiques visent aussi plusieurs entreprises soudanaises de l'industrie de la défense et de l'armement, dont Sudan Master Technology, qui soutiennent l'armée.
Du côté des FSR, les États-Unis s'en prennent à la compagnie minière Al Junaid qui gère plusieurs mines d'or au Darfour, dans le nord-ouest du pays, et finance les paramilitaires. Ces sanctions ne visent toutefois pas directement les généraux en conflit.
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À Oslo, où il se trouve en déplacement, Antony Blinken avait auparavant fait savoir que Washington viserait les dirigeants qui ont mené le Soudan "dans la mauvaise direction", après l'échec d'une trêve négociée par les États-Unis. Il a bien précisé que les "deux parties" au conflit étaient responsables de cette situation.
Depuis le début des combats le 15 avril, l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane comme les FSR du général Mohamed Hamdane Daglo ont accepté une dizaine de trêves avant de les violer aussitôt. Jake Sullivan a estimé que le "bain de sang" à Khartoum et au Darfour était "effroyable".
Il a ajouté que la rupture de la dernière trêve "ne faisait que renforcer notre crainte d'un conflit prolongé et de grandes souffrances pour le peuple soudanais".
Selon l'Unicef, plus de 13,6 millions d'enfants ont besoin d'aide humanitaire au Soudan, dont "620 000 en état de malnutrition aiguë qui, pour moitié, pourraient mourir s'ils ne sont pas aidés à temps".
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En outre, 350 000 autres personnes ont fui dans les pays voisins: la moitié en Egypte, les autres au Tchad, au Soudan du Sud, en Centrafrique ou en Ethiopie, tous en proie à des violences et qui redoutent une contagion.
Car la situation devient chaque jour plus critique : le Soudan est au bord de la famine selon l'ONU. Le Tchad voisin, qui abritait déjà "588 770 réfugiés, dont 409 819 Soudanais", venus essentiellement du Darfour, avant l'éclatement de ce nouveau conflit selon le HCR est particulièrement touché par cette nouvelle crise migratoire.
« Le nombre de nouveaux réfugiés a dépassé la barre des 100 000" depuis le début, le 15 avril, du conflit au Soudan et "on estime que jusqu'à 200 000 personnes" de plus pourraient être forcées de "fuir vers le Tchad dans les trois mois à venir", a prévenu Laura Lo Castro, représentante du HCR au Tchad, jeudi 1er juin.
La majorité de ces réfugiés sont "originaire du Darfour", région de l'ouest soudanais frontalière avec le Tchad "profondément touchée par la violence et en proie à une instabilité croissante", selon la responsable onusienne, qui craint que la situation ne s'aggrave encore.
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"La saison des pluies arrivant dans les prochaines semaines, nous avons besoin d'une logistique massive pour déplacer les réfugiés des zones frontalières afin d'assurer leur sécurité et leur protection", explique le HCR qui invoque un "besoin urgent de financement" et invite "la communauté internationale" à lui fournir ces moyens pour "continuer à intensifier (ses) interventions et sauver des vies".
"Le HCR a besoin de 214,1 millions de dollars pour fournir une protection et une assistance vitale" à toutes les personnes réfugiées ou déplacées au Tchad, dont "72,4 millions pour la réponse d'urgence à la crise des réfugiés fuyant le conflit au Soudan", conclut le texte, ajoutant que ces besoins ne sont financés "actuellement qu'à hauteur de 16%".