Les îles Canaries : une route vers l'Europe privilégiée par les migrants africains

L’archipel espagnol situé au large des côtes nord-ouest de l’Afrique fait actuellement face à un nombre record d’arrivées de migrants. Le durcissement des contrôles en Méditerranée depuis quelques années a augmenté la fréquentation de cette route de l'exil vers l'Europe malgré sa dangerosité souvent meurtrière. 

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Bateau en bois

Sur cette photo d'archive du 16 octobre 2020, un bateau en bois utilisé par des migrants du Maroc est posé sur le rivage de l'île de Grande Canarie, en Espagne.

AP Photo/Javier Bauluz, File
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Près de 1 500 migrants africains sont arrivés le week-end des 21 et 22 octobre 2023 aux îles Canaries, archipel espagnol situé sur l'Atlantique, au nord ouest de l'Afrique. L’une des embarcations, le plus souvent sur des pirogues à moteur, transportait même le nombre record de 321 personnes. Ce record avait déjà été battu 3 semaines plus tôt avec 280 émigrants sur un seul bateau.

Selon les derniers chiffres du ministère de l'Intérieur espagnol, l'archipel a reçu 23 537 migrants entre le 1er janvier et le 15 octobre, soit près de 80 % de plus que sur la même période l'année dernière. Les médias locaux parlent même d’une vague migratoire plus importante que celle historique de 2006. 

Mais les naufrages sont fréquents. Les traversées sont longues et dangereuses. Elles sont en plus souvent réalisées à bord de modestes bateaux à moteur fournis par des passeurs qui font payer au prix fort le voyage. De fait, la route atlantique des Canaries est considérée comme la plus difficile des routes migratoires vers l'Europe.  

Pour rejoindre l’archipel espagnol, il faut parfois plus d’une semaine de navigation au péril de nombreux dangers. Une partie des migrants arrivent depuis le Maroc ou le Sahara occidental. Le voyage y atteint la centaine de kilomètres, mais d’autres groupes viennent tout droit de la Mauritanie, du Sénégal et de la Gambie, soit à plus d’un millier de kilomètres. 

Dans un rapport rendu public fin 2022, l’organisation espagnole défendant le droit des migrants Caminando Fronteras avait affirmé que plus de 11 200 personnes étaient mortes ou avaient disparu depuis 2018 en tentant de rejoindre l'Espagne, l’une des principales portes d'entrée de l'immigration clandestine en Europe. La moyenne est de six morts par jour. 

Une porte d’entrée vers l’Europe 

"Il y a un rebond" des arrivées de migrants, qui est la "conséquence d'une situation de déstabilisation dans le Sahel", a souligné le ministre de l’Intérieur espagnol, Fernando Grande-Marlaska, en visite aux îles Canaries lundi 16 octobre. "La pression migratoire est quelque chose de très complexe. Nous devons y faire face avec des moyens clairs, et de façon plus importante dans les pays d'origine" des migrants, a-t-il encore dit. 

Le ministre espagnol, qui s'est rendu en Mauritanie ainsi qu'au Sénégal au début du mois, a affirmé que "plus de 12 000" arrivées de migrants aux Canaries avaient été évitées depuis le début de l'année

Fernando Grande-Marlaska a aussi annoncé lors de sa visite l’envoi au Sénégal, pour une durée d’un mois et demi, d’un avion qui coopérera "avec les autorités du Sénégal et de Mauritanie" pour empêcher les départs de migrants clandestins de leurs côtes. Il a aussi ajouté qu’un autre avion sera déployé dans l'archipel des Canaries pour renforcer les moyens de surveillance déjà en place. 

Durcissement des contrôles en Méditerranée 

Le durcissement des contrôles en mer méditerranéenne depuis plusieurs années est aussi en cause. La politique de l'Union européenne consiste principalement à endiguer les arrivées en bouleversant régulièrement les routes migratoires autour du bassin méditerranéen. La dernière politique en date est l’annonce en septembre par l’Union européenne d'aider l’Italie face à l’afflux actuel sur ses côtes.  Plus de 130 000 migrants se sont déplacés vers le pays depuis le début de l'année.

(Re)voir La solidarité européenne minée par la question migratoire ?
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Le projet de réforme européenne prévoit aussi un renforcement des frontières extérieures ou encore un mécanisme de solidarité entre les Vingt-Sept dans la prise en charge des demandeurs d'asile. 

Après les risques "d'exploitation et d'abus à chaque étape" de l'exil, de naufrage en mer, ceux qui atteignent les rives européennes sont d'abord "détenus" dans des centres, avant d'être transférés vers des structures d'accueil "généralement closes", déplore l'Unicef. L'agence dénombre 21 700 enfants non accompagnés dans ces centres en Italie, contre 17 700 il y a un an. Toujours selon l'Unicef, au moins 990 personnes ont fait naufrage en Méditerranée entre juin et août 2023.