Le Mali ferme son espace aérien à l'Algérie "en guise de réciprocité"

Le Mali a annoncé la fermeture, à compter de lundi 7 avril, de son espace aérien à "tous les aéronefs civils et militaires" en partance ou à destination de l'Algérie "jusqu'à nouvel ordre", après une mesure similaire prise par Alger contre Bamako dans la journée, selon un communiqué du ministère malien chargé des Transports.

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De gauche à droite : Le ministre des Affaires étrangères du Mali, Abdoulaye Diop, le ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso, Karamoko Jean Marie Traore, et le ministre des Affaires étrangères du Niger, Bakary Yaou Sangare, le 3 avril. AP/ Pavel Bednyakov.

De gauche à droite : Le ministre des Affaires étrangères du Mali, Abdoulaye Diop, le ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso, Karamoko Jean Marie Traore, et le ministre des Affaires étrangères du Niger, Bakary Yaou Sangare, le 3 avril. AP/ Pavel Bednyakov.

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L'Algérie a annoncé lundi 7 avril la fermeture immédiate de son espace aérien à tout appareil ou aéronef en provenance ou à destination du Mali, selon un communiqué du ministère de la Défense lu à la télévision nationale. Cela inclut donc les vols commerciaux Alger-Bamako.

"En raison des violations répétées par l'État malien de notre espace aérien, le gouvernement algérien a décidé de fermer ce dernier à la navigation aérienne en provenance ou à destination de l'État malien, et ce à partir d'aujourd'hui, le 7 avril 2025", a indiqué le ministère, sans donner d'autres précisions.

Rappel des ambassadeurs

La veille, le dimanche 6 avril, le Mali et ses alliés du Niger et du Burkina Faso avaient annoncé le rappel de leurs ambassadeurs respectifs en Algérie. Ils l'ont accusée d'avoir abattu fin mars un drone de l'armée de Bamako en territoire malien.

L'Algérie a dit devoir se résoudre à "appliquer la réciprocité et procéder au rappel, pour consultation, de ses ambassadeurs au Mali et au Niger et à différer la prise de fonction de son nouvel ambassadeur au Burkina Faso". Alger a "regretté l'alignement inconsidéré du Niger et du Burkina sur les thèses fallacieuses du Mali" et rejeté les "graves accusations" portées par le Mali .

Le 1er avril, Alger avait dit avoir abattu un drone de reconnaissance armé qui avait pénétré son espace aérien. À la suite d'une enquête, le Mali a "conclu avec une certitude absolue que le drone a été détruit suite à une action hostile préméditée du régime algérien", a affirmé dans un communiqué le ministère malien des Affaires étrangères.

"Le collège des chefs d'Etats de l'AES (Alliance des Etats du Sahel) décident de rappeler pour consultations les ambassadeurs des Etats membres accrédités à Alger", ont annoncé les trois pays dans un communiqué commun. Les autorités algériennes n'ont pas réagi dans l'immédiat.

Selon le gouvernement malien, dirigé par des militaires, l'épave du drone a été localisée à 9,5 kilomètres au sud de la frontière avec l'Algérie.

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"Une action hostile"

"La distance entre le point de rupture de liaison avec l'appareil et le lieu de localisation de l'épave est de 441 mètres. Ces deux points sont tous situés sur le territoire national", dit le communiqué. Il ajoute que l'aéronef "est tombé à la verticale, ce qui, probablement, ne peut s'expliquer que par une action hostile causée par des tirs de missiles sol-air ou air-air".

"Face à la gravité de cet acte d'agression inédit", le Mali "condamne avec la dernière rigueur cette action hostile, inamicale et condescendante des autorités algériennes", poursuit le document.

Selon Alger, les données radars de son ministère de la Défense "établissent clairement la violation de l'espace aérien de l'Algérie" par le drone de reconnaissance venu du Mali. "Il ne s'agit pas de la première violation par un drone malien de l'espace aérien de l'Algérie mais bien de la troisième en quelques mois", ajoute le pays. "Toutes les données du ministère de la Défense algérien établissent une violation de l'espace aérien de l'Algérie sur une distance de 1,6 km" dans la nuit du 31 mars au 1er avril, a précisé le ministère des Affaires étrangères.

La junte malienne a aussi annoncé plusieurs mesures de protestation contre Alger, dont le retrait avec effet immédiat du Comité d'état-major conjoint (CEMOC) - une alliance de plusieurs forces armées du Sahel pour lutter contre le terrorisme -, et une plainte devant des instances internationales "pour actes d'agression".

Les "allégations mensongères" venant de Bamako "ne dissimulent que très imparfaitement la recherche d'exutoires et dérivatifs à l'échec manifeste (d')un projet putschiste qui a enfermé le Mali dans une spirale d'insécurité, instabilité, désolation et dénuement", a fustigé Alger dans son communiqué.

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Fin de l'accord d'Alger

Ce contentieux est le dernier en date entre le Mali et son grand voisin algérien, dont les relations n'ont cessé de se dégrader ces dernières années. Les deux pays avaient déjà rappelé leurs ambassadeurs respectifs à la suite d'une brouille en décembre 2023.

Le Mali reproche à l'Algérie d'entretenir une "proximité avec les groupes terroristes", notamment dans la région frontalière, où l'armée malienne et ses alliés russes ont subi fin juillet de lourdes pertes.  

Fin janvier 2024, la junte malienne avait annoncé la "fin, avec effet immédiat", de l'accord de paix d'Alger, signé en 2015. Cet accord a longtemps été considéré comme essentiel pour stabiliser le pays, confronté depuis 2012 à une crise sécuritaire. Elle est nourrie par les violences de groupes affiliés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique, et de bandes criminelles communautaires. 

Depuis leur prise du pouvoir par la force en 2020, les militaires maliens ont, outre l'accord de paix d'Alger, rompu l'alliance ancienne avec la France et ses partenaires européens pour se tourner vers la Russie et ont fait partir la Minusma, la mission de stabilisation des Nations Unies au Mali.

La junte a ensuite formé en 2023 l'Alliance des Etats du Sahel (AES) avec le Niger et le Burkina Faso, également dirigés par des régimes militaires issus de coups d'Etat.

En janvier, les trois pays sahéliens ont quitté la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) qu'ils estiment inféodée à la France.