Fil d'Ariane
"Six des pays visés par le président Trump sont musulmans. Le fait que Trump ait ajouté la Corée du Nord, qui envoie très peu de visiteurs aux Etats-Unis, et quelques responsables gouvernementaux du Venezuela n'efface pas la réalité que ce décret de l'administration prolonge une interdiction des musulmans", a réagi Anthony Romero, le directeur de l'ACLU, la grande organisation américaine de protection des libertés.
Pour le National Immigration Law Center, une association défendant les immigrés, l'intention de porter tort aux musulmans reste évidente : "L'ajout du Venezuela à la liste des pays visés n'enlève pas le caractère odieux et xénophobe de la politique de Trump."
"Cela reste une exclusion des musulmans", a également assuré Becca Heller, responsable de l'International Refugee Assistance Project (IRAP), qui défend les réfugiés.
Les experts sont toutefois plus circonspects, car la Maison Blanche a pris soin cette fois d'expliquer abondamment ses décisions, adaptées sur mesure à chaque pays visé. "Le gouvernement pourrait faire valoir que la durée et l'attention qu'il porte à ses procédures de contrôle des pays à l'entrée aux frontières, ainsi que le fait que ses mesures sont soi-disant davantage ciblées, montre que les Etats-Unis n'imposent pas l'exclusion d'une religion", explique Carl Tobias, professeur de droit à l'université de Richmond.
Le président américain avait soutenu, début 2017, avoir besoin d'une période de 90 jours d'interdiction d'arrivée des ressortissants de six pays musulmans afin de mettre en place des nouveaux filtres d'admission. Or la durée d'application de ce décret s'est achevée ce 24 septembre. Nettement plus radical, le nouveau texte annoncé dimanche soir par la Maison Blanche interdit de façon permanente le franchissement des frontières américaines aux ressortissants de sept pays, en avançant des arguments de sécurité nationale. Sont concernés la Syrie, la Libye, l'Iran, la Somalie, le Yémen, plus la Corée du Nord et le Tchad, rajoutés à la liste précédente, de laquelle a en revanche été retiré le Soudan.
Le précédent décret migratoire avait déjà suscité un âpre combat devant les tribunaux, jalonné de revers pour Donald Trump jusqu'à une victoire incomplète sur la forme devant la Cour suprême à Washington. Dans ces conditions le nouveau décret a compliqué l'imbroglio judiciaire. De fait, la Cour suprême a annoncé lundi annuler l'audience prévue le 10 octobre prochain.
La Cour suprême a ordonné aux parties - le gouvernement américain d'un côté, des Etats démocrates et des associations dont l'ACLU de l'autre - de revoir leurs argumentaires en prenant en compte les changements introduits par le nouveau texte. Une nouvelle audience sera fixée par la suite, à moins que les enjeux de l'affaire ne soient considérés dépassé : "Il se peut que les juges refusent de mettre les pieds dans ce bourbier", estimait plus tôt le professeur Stephen Yale-Loehr, spécialiste des sujets d'immigration, en précisant que le nouveau décret "pourrait leur offrir une échappatoire facile". Quant aux juridictions inférieures, a-t-il ajouté, "il y a davantage de chances qu'elles valident cette (nouvelle) version du décret".