Fil d'Ariane
L'ancien président tchadien Hissène Habré est décédé à 79 ans au Sénégal où il avait été condamné à la prison à vie en 2016 pour crimes contre l'humanité à l'issue d'un procès sans précédent, a indiqué mardi le ministre sénégalais de la Justice Malick Sall. "Habré a été remis entre les mains de son Seigneur." C'est ce qu'a déclaré le ministre sur la chaîne TFM. Selon les médias sénégalais, l'homme est mort des suites du covid-19.
Le 4 avril 2020, l'ancien président avait été autorisé à sortir de prison pendant 60 jours dans le cadre de la lutte contre le coronavirus. Cette libération provisoire avait provoqué la colère des victimes.
Lire : Hissène Habré autorisé à quitter sa prison pendant deux mois, les victimes en colère
Devenu sous-préfet, il part étudier en France en 1963, à l'Institut des hautes études d'Outre-mer. Il étudie ensuite le droit à Paris, y fréquente l'Institut d'études politiques et fait son éducation politique en dévorant Frantz Fanon, Ernesto "Che" Guevara, Raymond Aron.
Voir : qui était Hissène Habré ?De retour au Tchad en 1971, il rejoint le Front de libération nationale du Tchad (Frolinat), dont il prend la tête, avant de fonder avec un autre nordiste, Goukouni Weddeye, le conseil des Forces armées du Nord (Fan).
A partir de 1974, il se fait connaître à l'étranger en retenant en otage - durant trois ans - l'ethnologue française Françoise Claustre, obligeant la France à négocier avec la rébellion.
Il sera ensuite Premier ministre du président Félix Malloum, avec qui il rompra, puis ministre de la Défense de Goukouni Weddeye, président du Gouvernement d'union nationale créé en 1979.
Il renverse le président le 7 juin 1982. Et il reste à la tête de la présidence pendant huit ans. Soutenu par la France contre la Libye, il repousse les forces de Mouammar Kadhafi.
Les années de pouvoir du président Habré sont marquées par de nombreux crimes. Une commission d'enquête après sa chute en 1990 parle de quelques 40 000 morts. Il est laché par Paris qui n'intervient pas lorsqu'un de ses anciens lieutenant Idriss Déby le renverse en 1990.
Hissène Habré avait trouvé refuge au Sénégal, où, sous la pression internationale, les conditions de son procès avaient été créées. Il avait été arrêté en 2013 et inculpé par un tribunal spécial instauré en coopération avec l'Union africaine. Les Chambres africaines extraordinaires.
Il y avait trois Habré. Le Habré étudiant révolutionnaire, [...] le guérillero intellectuel venu libérer son pays. Le deuxième Habré était un tortionnaire, ayant créé un des systèmes de répression les plus meurtriers. Et ensuite Habré le fugitif qui s'est enfui au Sénégal.
Ousmane Ndiaye, redacteur en chef Afrique à TV5MONDE
La création des Chambres africaines extraordinaires pour traduire devant la justice l'ancien président tchadien fut un combat de longue haleine. Il a duré plus de 17 ans. Jacqueline Moudeina était l'avocate des victimes d'Hissène Habré. Cette condamnation constitue selon l'avocate, invitée d'Internationales en 2019, un "tournant en Afrique". Cela a signifié "la fin de l'impunité zéro", soulignait ainsi Jacqueline Moudeina.
Il est poursuivi pour crime contre l'humanité. Il est reconnu coupable de crimes contre l'humanité viols exécutions esclavages et enlèvement. Sa peine est confirmée en 2017.
Le gouvernement tchadien, par la voix du ministre de la communication, Abderaman Koulamallah, a indiqué sur RFI que le pays ne rendra pas à hommage à Hissène Habré condamné pour crimes contre l'humanité. Il ne s'oppose pas au rapatriement du corps.
"Il y avait trois Habré. Le Habré étudiant révolutionnaire, [...] le guérillero intellectuel venu libéré son pays. Le deuxième Habré était un tortionnaire, ayant créé un des systèmes de répression les plus meurtriers. Et ensuite Habré le fugitif qui s'est enfui au Sénégal. L'homme est sorti de l'Histoire par la petite porte", résume pour sa part Ousmane Ndiaye, redacteur en chef Afrique à TV5MONDE.