Comme tous les otages français après leur libération, le journaliste français Olivier Dubois, rentré ce mardi 21 mars en France après près de deux ans détention au Sahel, va être débriefé. Il a sans doute déjà été interrogé dans un lieu discret par la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) à son arrivée Niamey. Pourquoi ces débriefings (ou rapports de mission") sont si importants pour les services de renseignement dans leur connaissance de la galaxie djiahdiste au Sahel ?
Ces débriefings (rapports de mission) ou "retex" (retour d'expérience) sont essentiels car ils aident les analystes des services de renseignement français à recouper leurs informations sur les preneurs d'otages.
Des débriefings en deux étapes
Les débriefings se déroulent généralement en deux étapes, suivant des procédures bien rodées. La première a lieu dès le retour de l'otage à la liberté en s'appuyant sur sa mémoire et ses émotions immédiates avant que certains souvenirs ne s'estompent. Ce premier interrogatoire peut durer deux à trois heures.
Reconstituer une "carte" des ravisseurs et des lieux de détention
L'ex otage, note George Malbrunot journaliste français et ancien otage en Irak, est rapidement ausculté par un médecin, souvent un médecin militaire ou de la DGSE, le renseignement français. L'ex-otage est rapidement interrogé par un agent de la DGSE en tête à tête.
La seconde phase a lieu après le retour en France, dans un lieu calme et discret, après que l'otage a retrouvé ses proches.
Les membres des services de renseignement vont demander à Olivier Dubois un maximum de détails: conditions et lieux de détention, calendrier de la captivité, comportement des ravisseurs et éventuelles dissensions entre eux, armements et véhicules... L'ex-otage doit il reconstitue ce que les agents de la DGSE appelent une «carte» aussi précise que possible de sa détention et de ses ravisseurs.
Donner le moindre détail
Le moindre détail - a priori sans intérêt pour l'ex-otage - peut aider les agents à parfaire leur connaissance du terrain. Olivier Dubois était détenu en otage par des hommes du GSIM.
Lire : le journaliste français Olivier Dubois après près de deux ans de captivité est libreLe GSIM est aujourd'hui la nébuleuse djihadiste la plus puissante au Sahel (JNIM en arabe). Elle a prêté allégeance à
Al-Qaïda. En 2017, plusieurs groupes se sont en effet unis sous la même bannière. On y trouve
Ansar Dine, crée en 2012 par Iyad Ag Ghaly, la
katiba Macina, créée par Amadou Koufa en 2015 et
Aqmi, Al-Qaïda au Maghreb islamique, dirigé par l'Algérien Droukdal jusqu'à sa mort, en juin 2020 au Mali, sous le feu de l'armée française.
Ces informations seront ensuite comparées avec des éléments recueillis par d'autres sources ou lors d'échanges bilatéraux avec des services amis. Ces débriefings permettent aux services de renseignement de reconstituer les modes opératoires des ravisseurs et de faire également un "retex" sur les intermédiaires qui ont été contactés.
Lire : qui sont les groupes djihadistes affiliés à Al-Qaïda ?Ces débriefings de la DGSE ont "
un objectif opérationnel", confirmait ainsi Frédéric Gallois, ancien commandant du Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) qui a connu plusieurs dossiers d'otages lors de la libération de Serge Lazarevic en 2014 . Ils se déroulent assez rapidement
"pour ne pas raviver deux ou trois mois plus tard de très mauvais souvenirs".Au moins trois otages occidentaux sont encore détenus au Sahel: le chirurgien australien Arthur Kenneth Elliott, enlevé le 15 janvier 2016, et l'officier de sécurité roumain Iulian Ghergut, enlevé le 4 avril 2015, tous deux au Burkina Faso. Un religieux allemand, le père Hans-Joachim Lohre, dont on est sans nouvelles depuis novembre 2022, est considéré comme ayant été enlevé au Mali.