Gilles Bouleau, Anne-Claire Coudray, Laurent Delahousse... Une dizaine de journalistes phares de la télévision française se sont rassemblés ce lundi 7 septembre devant l'ambassade d'Algérie à Paris pour réclamer la libération de leur confrère algérien et correspondant de TV5MONDE, Khaled Drareni. D'autres rassemblements ont également eu lieu à Alger et Tunis alors que doit se tenir mardi 8 septembre son procès en appel.
Qu'ils officient sur TF1, comme Harry Roselmack, M6, comme Bernard de la Villardière, ou France Télévisions comme Daphné Bürki, tous répondaient à l'appel de Reporters sans frontières (RSF), dont des militants ont brandi portraits et pancartes clamant
"#Free Khaled" et
"#We are Khaled", à la veille du procès en appel de notre correspondant, également celui de RSF.
"Le pouvoir algérien a voulu faire un exemple pour intimider tous les journalistes en Algérie", a déclaré le secrétaire général de l'ONG, Christophe Deloire.
"Khaled a été condamné a trois ans de prison (...) pour avoir travaillé pour un média international, TV5MONDE, pour avoir défendu la liberté de la presse et pour avoir rapporté des informations et des communiqués de presse. C’est une absurdité qui démontre l’absence d’indépendance de la justice algérienne", a-t-il ajouté.
Également directeur du site d'information Casbah Tribune, Khaled Drareni, 40 ans, a été condamné le 10 août à trois ans de prison ferme et une amende de 50.000 dinars (330 euros) pour
"incitation à attroupement non armé" et
"atteinte à l'unité nationale".
"L’oppression des journalistes est une réalité récurrente en Algérie, l’histoire ne doit pas se répéter", alerte quant à lui Laurent Delahousse, journaliste à France 2.
Khaled Drareni a été incarcéré fin mars après avoir couvert à Alger une manifestation du
"Hirak", le soulèvement populaire qui a secoué l'Algérie pendant plus d'un an jusqu'à sa suspension en raison de la pandémie de nouveau coronavirus.
"Ce qu'on lui reproche c’est de remettre en cause l’unité nationale alors qu’il en est le vecteur", confie Laurent Delahousse, journaliste à France 2.
La solidarité : le meilleur moyen de garantir la liberté de la presse
"Je salue le courage de ces journalistes algériens qui ont face à eux un régime qui n’a pas bougé depuis plus de 50 ans. C’est comme à Cuba, on vous met face à un mur et vous ne savez pas à quel rayon de soleil viendra vous libérer", souligne Bernard de la Villardière.
"Il a perdu 15 kilos, il est méconnaissable" s'est inquiété son confrère de TV5MONDE, Mohamed Kaci, défendant un collègue
"très patriote" et
"très professionnel". Il était aux côtés de Françoise Joly, la directrice de l'information de la chaîne qui a adressé un message à Khaled Drareni, réaffirmant le soutien de TV5MONDE.
"Tu es muselé mais nous savons que tu es volontaire. Cette présence aujourd’hui c’etait pour te dire : "Nous ne t’oublions pas et nous espérons le meilleur pour demain, ta libération".
Une campagne internationale de soutien et des manifestations en faveur de sa libération ont été organisées récemment à Alger, New York ou encore Genève.
Ces derniers mois, des journalistes ont été accusés par le régime algérien de semer la discorde, menacer l'intérêt national et surtout d'être à la solde de
"parties étrangères".
Plusieurs sont en prison, dont le journaliste Abdelkrim Zeghileche, directeur de Radio-Sarbacane. Il a été condamné à deux ans de prison ferme pour
"atteinte à l'unité nationale" et
"outrage au chef de l'Etat". La justice lui reproche des publications appelant à la création d'un parti politique.
Comme le rappelle Anne-Claire Coudray, également présente, le pouvoir a
"besoin d’une reprise en main de ce qui est le plus dangereux pour eux : la presse (...) Cela prouve que la presse est essentielle à une démocratie et combien elle fait peur aux dictatures". La journaliste insiste
"Personne ne mérite de perdre trois ans de sa vie".
Pour Christophe Deloire de RSF,
"la situation s'est très clairement dégradée" depuis l'arrivée au pouvoir du président Abdelmadjid Tebboune en décembre, et à la faveur du contexte sanitaire.
"Depuis l’arrivée du nouveau président, qui avait vendu, annoncé une Algérie nouvelle, plus démocratique, plus ouverte, la situation s’est dégradée (...) La situation se dégrade parce que le pouvoir veut se saisir de l’épidémie de Covid-19 pour réprimer encore plus, empêcher les journalistes de travailler et indirectement d’empêcher les manifestants d’exercer leur droit de manifestation", affirme-t-il.
L'Algérie figure à la 146e place (sur 180) du classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF, dégringolant de 27 places par rapport à 2015.