Ces combats sont d'une ampleur sans précédent depuis l'échec en juin 2020 de la tentative du maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l'Est, de conquérir militairement la capitale, au plus fort de la guerre civile ayant suivi la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011.
Six hôpitaux ont été touchés par les frappes tandis que les ambulances n'ont pas pu accéder aux zones de combats, annonce le ministre de la Santé. Il fait état de 12 morts et de 87 blessés. Le gouvernement basé à Tripoli impute la responsabilité des affrontements au camp du gouvernement rival, soutenu par le maréchal Haftar, alors même que "des négociations devaient avoir lieu pour éviter une effusion de sang dans la capitale".
Les affrontements ont causé d'importants dégâts, selon des images diffusées sur internet. Des voitures ont été calcinées et des bâtiments criblés de balles ou incendiés. Le gouvernement basé à Tripoli, dirigé par Abdelhamid Dbeibah, a accusé le Premier ministre rival Fathi Bachagha, basé provisoirement à Syrte (centre), de "mettre à exécution ses menaces" de s'emparer de la ville.
La guerre en milieu urbain a sa propre logique, elle est nuisible à la fois aux infrastructures civiles et aux personnes.Emadeddin Badi, chercheur au centre de réflexion Global Initiative
Le bureau des médias de Fathi Bachagha a, en retour, accusé le gouvernement de Tripoli de "s'accrocher au pouvoir", l'accusant d'être "illégitime". Il a aussi démenti toute négociation avec son rival en vue d'un accord. Des médias locaux ont affirmé qu'une alliance de milices pro-Bachagha était en route vers la capitale depuis Misrata, à 200 km plus à l'est, ville-bastion des deux rivaux.
"La guerre en milieu urbain a sa propre logique, elle est nuisible à la fois aux infrastructures civiles et aux personnes, donc même s'il n'est pas long, ce conflit sera très destructeur", analyse Emadeddin Badi, chercheur au centre de réflexion Global Initiative.
Depuis sa désignation en février par le Parlement siégeant dans l'Est, Fathi Bachagha tente, sans succès, d'entrer à Tripoli pour y asseoir son autorité, menaçant dernièrement de recourir à la force pour y parvenir. Abdelhamid Dbeibah, à la tête d'un gouvernement de transition, a assuré à maintes reprises qu'il ne céderait le pouvoir qu'à un gouvernement élu.
Les tensions entre groupes armés fidèles à l'un ou l'autre des deux dirigeants se sont exacerbées ces derniers mois à Tripoli. Le 22 juillet, des combats y avaient fait 16 morts, dont des civils, et une cinquantaine de blessés. L'ambassade américaine à Tripoli s'est dite "très préoccupée", tandis que la mission de l'ONU en Libye appelle à "un arrêt immédiat des hostilités" en dénonçant des "affrontements (...) dans des quartiers peuplés de civils".
De son côté, le Qatar appelle "toutes les parties à éviter l'escalade et l'effusion de sang et à régler les différends par le dialogue". Le gouvernement en place à Tripoli est né début 2020 d'un processus parrainé par l'ONU, avec comme mission principale l'organisation d'élections en décembre dernier mais reportées sine die en raison de fortes divergences sur la base juridique des scrutins.
La Libye a sombré dans le chaos après le soulèvement ayant entraîné la chute du régime de Kadhafi en 2011. En onze ans, le pays d'Afrique du Nord a vu passer une dizaine de gouvernements, deux guerres civiles et n'est jamais parvenu à organiser une élection présidentielle.