Après quatre mois de recherches, une commission d'enquête des Nations unies dresse le bilan de la crise en cours au Burundi depuis que le président Pierre Nkurunziza a décidé de se faire réélire en violant la constitution.
C'est à Genève, devant le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies que Fatsah Ouguergouz est venu faire son rapport de mi-parcours ce jeudi 15 juin 2017. Le chef de la commission d'enquête indépendante sur les violences au Burundi va égréner, pendant de longues minutes, la liste des exactions qu'il a consignées en quatre mois d'investigation : « Nous avons en particulier recueilli un grand nombre de témoignages faisant état, lors de séances de torture, de l'usage de matraques, de crosses d'armes, de baïonnettes, de barres de fer, de chaînes métalliques ou de câbles électriques ayant eu pour effet, dans certains cas, de briser les os de la victime ou de lui faire perdre connaissance. De longues aiguilles qui ont été enfoncées, ou de produits non identifiés, injectés dans le corps des victimes. D'ongles arrachés par des pinces, de brûlures, ainsi que de nombreux sévices sur les parties génitales masculines. »
Les enquêteurs de Fatsah Ouguergouz n'ont pas pu se rendre au Burundi. L'entrée leur a été interdite par les autorités. Ils sont donc allés en Ouganda, en Tanzanie, au Rwanda ou en République démocratique du Congo où s'entassent près de 400 000 réfugiés burundais, forcés de fuir les violences. Des centaines de victimes et de témoins entendus, des dizaines de rapports épluchés. Le constat est sans appel : depuis que le président Pierre Nkurunziza a décidé de se faire réélire en 2015 en violant la constitution, les enlèvements, tortures, viols et exécutions sommaires n'ont pas cessé à l'encontre d'opposants réels ou supposés.
« Plusieurs victimes, généralement de jeunes membres de partis politiques que l'opposition, surtout du Mouvement pour la solidarité et la démocratie, ou des Forces nationales de libération, ou accusés de soutenir ou d'appartenir à des groupes armés, ou encore de détenir des armes à feu, nous ont fait part de tortures systématiques et de traitements particulièrement cruels et inhumains, par des agents du service national de renseignement et de la police », poursuit Fatsah Ouguergouz.
Dans la salle, Renovat Tabu écoute impassible les accusations prononcées à l'encontre du régime qu'il représente. L'ambassadeur burundais aux Nations unies les balaie d'un revers de la main : « C'est un pur copier/coller et un prolongement du rapport de l'ONU contesté par mon pays. Le caractère partial et tendencieux de ce rapport n'est pas à démontrer. »
Et en effet, une enquête de l'ONU était parvenue aux mêmes conclusions en septembre 2016. La commission d'enquête dirigée par Fatsah Ouguergouz devrait livrer son rapport final à la rentrée 2017. Il devrait établir si les crimes présumés du régime Nkurunziza sont passibles ou non d'être jugés par la justice internationale.