Fil d'Ariane
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, la présidente du conseil italien, Giorgia Meloni, ainsi que le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, se sont rendu à Tunis, en Tunisie, pour parler économie, énergie et migration. Ursula von der Leyen a annoncé l’intention de Bruxelles d’apporter une aide à long terme à la Tunisie, toujours en proie à une crise politique et économique. Mais au-delà de ces enjeux financiers, l’Union européenne veut s’assurer que les autorités tunisiennes poursuivront leur lutte contre l’immigration clandestine vers l’Europe.
De gauche à droite, le premier ministre néerlandais Mark Rutte, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, le président tunisien Kaïs Saïed et la présidente du conseil italien Giorgia meloni, lors de leur rencontre, à Tunis, en Tunisie, le dimanche 11 juin 2023.
« Avec la Tunisie, nous partageons bien plus qu'une proximité géographique, nous partageons une histoire. Depuis 2011, l'UE soutient la marche de la Tunisie vers la démocratie. C’est pourquoi nous avons convenu de travailler de concert sur un ensemble de partenariats destinés à investir dans la stabilité et la prospérité », peut-on lire dans un tweet de la Commission européenne daté du 11 juin 2023.
En visite ce dimanche à Tunis, en compagnie de la présidente du conseil italien Giorgia Meloni, et du premier ministre néerlandais Mark Rutte, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a proposé une aide à long terme à la Tunisie, toujours en proie à de multiples crises - politique, économique ou encore migratoire. « Il est de notre intérêt commun de renforcer notre relation et d’investir dans la stabilité et la prospérité », a déclaré Ursula von der Leyen, selon nos confrères de l’AFP. Dans le cadre d’un « partenariat renforcé » et sans conditions, l’Union européenne a en effet soumis au président tunisien Kaïs Saïed, un programme incluant une assistance financière pouvant atteindre 900 millions d’euros, ainsi qu’une aide supplémentaire de 150 millions d’euros. Cette dernière pourrait être immédiatement injectée dans le budget tunisien.
Ces aides constituent la base d’un plan en cinq points, dont Ursula von der Leyen espère qu’il fera l’objet d’un accord bilatéral d’ici le prochain Sommet européen, qui se tiendra les 29 et 30 juin prochains, à Bruxelles, en Belgique. Sur cette feuille de route figurent notamment le renforcement des investissements en Tunisie, en particulier dans le numérique et les énergies renouvelables, ainsi que l’extension à la jeunesse tunisienne du programme d’échanges d’étudiants Erasmus, doté d’une enveloppe de 10 millions d’euros. Mais le volet le plus important de ce programme concerne incontestablement la lutte contre l’immigration clandestine. La présidente de la Commission européenne propose que l’UE fournisse à la Tunisie, dès cette année, 100 millions d’euros pour le contrôle de ses frontières, la recherche et le sauvetage de migrants.
Des migrants, pour la plupart originaires de Tunisie, se reposent à bord d'un navire des garde-côtes italiens après avoir été secourus au sud-ouest de l'île italienne de Lampedusa dans la mer Méditerranée, le samedi 6 août 2022.
La présidente du conseil italien, Giorgia Meloni, dont c’était le deuxième voyage en Tunisie en l’espace de cinq jours seulement, s’est dite satisfaite de la démarche européenne qui propose « un vrai partenariat pour affronter la crise migratoire et la question du développement » en Tunisie.
Selon les derniers chiffres du HCR, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés, depuis le début de l’année, 51 215 migrants sont arrivés clandestinement en Italie par la mer, dont plus de 26 000 de Tunisie. Le reste vient essentiellement de Libye. Situées à moins de 150 kilomètres de la rive sud de la Méditerranée, les côtes italiennes voient arriver régulièrement un flot continu de migrants.
D’où les craintes des autorités italiennes d’une nouvelle accélération des arrivées en provenance de Tunisie. Dans un communiqué de presse publié ce dimanche 11 juin 2023, l’ONG FTDES, Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux, dénonce la visite européenne perçue comme « un marchandage » destiné à « donner de l’argent » à la Tunisie, en échange d’une surveillance renforcée de ses frontières.
Si la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a pris soin de rappeler que l’UE est le « premier partenaire commercial et premier investisseur » en Tunisie, et que l’Europe a « soutenu la marche de la Tunisie vers la démocratie depuis 2011 (et la révolution qui a renversé le dictateur Zine el-Abidine Ben Ali) », elle s’est bien gardée d’évoquer la crise politique qui secoue encore le pays à l’heure actuelle.
Depuis qu’il s’est octroyé tous les pouvoirs à l’été 2021, le président Kaïs Saïed est en effet accusé l’opposition tunisienne de « dérive autoritaire », et d’avoir fait régresser les droits et les libertés publiques. Dans le même temps, le pays reste confronté à une grave crise économique. Étranglée par une dette qui pèse environ 80% de son PIB, la Tunisie ne peut plus emprunter à l’étranger, ce qui provoque des pénuries récurrentes de denrées alimentaires telles que la farine, le sucre ou encore le riz.
Et pour ne rien arranger, l’agence de notation financière américaine Fitch a abaissé d’un cran, à CCC-, la note de la dette tunisienne.
Si l’agence Fitch précise que la Tunisie figurait déjà sur la liste des émetteurs présentant un risque réel de ne pas pouvoir rembourser leur dette, cette nouvelle dégradation apparaît comme le signe d’une méfiance accrue. En cause : le blocage des négociations avec le FMI, le Fonds monétaire international. A défaut d’accord avec le FMI, l'agence Fitch estime que seulement la moitié des 5 milliards de dollars de financement extérieur nécessaire à la Tunisie seraient débloqués cette année.
Les discussions achoppent sur le refus du président Kaïs Saïed de lever les subventions sur certains produits de base, et de restructurer une centaine d’entreprises publiques lourdement endettées.
Le 1er juin dernier, à l’issue d’une rencontre avec la cheffe du gouvernement tunisien Najla Bouden, le président Kaïs Saïed expliquait dans un communiqué de presse que le système des subventions aux produits de base bénéficie à tous les Tunisiens, y compris les plus aisés. « Au lieu de lever les subventions au nom de la rationalisation, il serait possible d'introduire des taxes supplémentaires à ceux qui en bénéficient sans qu'ils en aient besoin », a précisé le président tunisien, qui estime qu'un tel mécanisme permettrait à l'État de ne pas se soumettre aux « diktats étrangers ». En reprenant une citation attribuée à l’un des premiers califes de l’islam, Omar Ibn Al-Khattab, il s’agit de « prendre l’excédent des riches pour le donner aux pauvres ». Dans un pays où les impôts des salariés sont prélevés à la source, et où une partie des professions libérales dans le privé ne déclarent pas leurs revenus à l’administration fiscale, le chef de l’État tunisien n’a pas précisé comment d’éventuelles nouvelles taxes pourraient être mises en place.