Madagascar : Andry Rajoelina peut-il tenir ses promesses ?

Image
Rajoelina
Partager4 minutes de lecture
Le nouveau président malgache élu a formé un premier gouvernement composé essentiellement de technocrates. Fidèle à sa réputation, Andry Rajoelina veut aller vite et attend des résultats dès cette année 2019.

Agir vite. C'est l'impression que veut donner le président Andry Rajoelina en ce début de mandat. Spécialiste en communication, celui que l'on surnomme "TGV" fait honneur à sa réputation de fonceur en nommant deux jours après son investiture son Premier ministre. Au nom de la continuité, mais peut-être aussi de la facilité, il reconduit Christian Ntsay à la Primature. Bien que nommé par son prédécesseur Hery Rajaonarimampianina, Christian Ntsay a toujours eu les faveurs d'Andry Rajoelina puisque c'est ce dernier qui l'avait imposé comme Premier ministre du gouvernement d'union nationale voulue par la Haute Cour constitutionnelle. Sa reconduction, c'est "un retour d'ascenseur, une sorte de récompense car il a réussi à organiser dans les délais l'élection présidentielle qui a vu la victoire d'Andry Rajoelina. Il a rempli sa mission, même si la présidence s'en défend", observe Ketakandriana Rafitoson, directrice de Transparency International à Madagascar.

Retour d'ascenseur

Cinq jours après son investiture, Andry Rajoelina accouche d'un nouveau gouvernement. 21 ministres et un secrétaire d'Etat en tout, cinq femmes seulement. La parité n'est pas à l'ordre du jour. En revanche, le nombre de portefeuilles est sensiblement réduit. Ce qui frappe de prime abord, c'est l'ouverture à de nouveaux profils, à des techniciens experts en leur domaine. Comme Roger Rafanomezantsoa, ex-Directeur Général de la police, nommé à la Sécurité publique, ou encore Vonjy Andriamanga, qui a fait carrière en France, nommé à l'Energie, l'Eau et les Hydrocarbures. Le ministère de la Justice échoit lui à Jacques Randrianasolo, ex-procureur général à la Cour d'appel. "C'est quelqu'un de juste, ce qui me rassure" confie Fanirisoa Ernaivo, soutien de Marc Ravalomanana le rival malheureux de Andry Rajoelina lors de la présidentielle et magistrate désormais suspendue "à cause d'un incident lors de la campagne".

Autre figure propulsée au premier plan, le ministre des Affaires étrangères Naina Andriantsitohaina vient du milieu des affaires. Héritier d'une grande famille malgache, ce patron de presse, capitaine d'industrie et président du Conseil d'administration d'une grande banque, la BMOI, a dirigé le patronat malgache. "C'est un des principaux sponsors d'Andry Rajoelina, sa nomination est une forme de rétribution selon moi", commente Mme Rafitoson. Il est catalogué comme un "expert de l'investissement" dans le fameux projet de campagne du nouveau président élu, intitulé Initiative pour l'Émergence de Madagascar. Conçu comme une plateforme réunissant "des experts nationaux et internationaux, des personalités engagées, des partenaires stratégiques et financiers, des fonds d'investissement", l'IEM constitue le projet de société du président  Rajoelina. Ce dernier a d'ailleurs choisi comme directrice de cabinet une autre "experte de l'investissement" de l'IEM, Stéphanie Delmotte. Faire appel aux investisseurs, tout un programme.

Des villes nouvelles ?

Le nouveau gouvernement offre peu d'ouverture à des figures politiques qui l'ont soutenues ou ralliées au sein de l'ARMADA ou Alliance Républicaine de Madagascar. Il n'y a que deux présidents de partis qui sortent du lot : Alexandre Georget, le président et fondateur du Parti Vert (avec Saraha Georget Rabeharisoa), devient ministre de l'Environnement et du Développement durable. Hajo Andrianainarivelo, véritable poids lourd de la politique, retrouve pour sa part le ministère de l'Aménagement du Territoire, une chasse gardée pour lui qui occupa ce poste sans interruption sous le régime de Transition de Rajoelina de 2009 à 2013. Un portefeuille stratégique attribué à un allié fidèle, au même titre que le poste de Directeur des Projets présidentiels, confié à l'ex-ministre de la Pêche Augustin Andriamananoro, bras droit d'Andry Rajoelina. C'est peut-être ces deux hommes politiques qui pourraient mettre en oeuvre la promesse de campagne présidentielle de création de villes nouvelles, notamment celle de Tanamasoandro, une cité de 1000 hectares censée désengorger la capitale Antananarivo.

Des investisseurs non traditionnels

"Comment concrétiser ces projets? Y aura-t-il des marchés de gré à gré ou bien des appels d'offres ?", s'interroge James Ramarosoana, ancien président de l'Ordre des Journalistes à Madagascar. "La grande question c'est comment va-t-il  les financer", renchérit Ketakandriana Rafitoson. "Andry Rajoelina dit vouloir prendre ses distances avec les bailleurs traditionnels, comme le FMI. Il est possible qu'il envisage des partenariats resserrés avec certains pays invités lors de son investiture come la Chine, le Ghana ou la Namibie".

Quoi qu'il en soit, lors de son allocution sur le nouveau gouvernement, Andry Rajoelina a donné un délai de 6 mois à un an pour évaluer l'action des ministres. Pas de temps à perdre donc, mais aussi pas question d'attendre les élections législatives prévues le 20 mars selon la CENI, mais qui visiblement se tiendront plus tard alors que le mandat des 151 députés expirera le 5 février. 

"La priorité du gouvernement consiste à convertir l'IEM en objectifs, en Plan Général de l'Etat à la base du prochain budget, souligne la directrice de Transparency International  Il y a une grosse attente au niveau de la population car Andry Rajoelina a fait beaucoup de promesses de campagne, il doit désormais les réaliser".