Madagascar : la tension monte d'un cran dans la rue avant la présidentielle

À moins de deux semaines de la présidentielle, la tension est remontée d'un cran samedi à Madagascar, où les forces de l'ordre ont empêché une manifestation de l'opposition à coups de gaz lacrymogènes dans la capitale Antananarivo.

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Image datant du 3 octobre 2023. À moins de deux semaines de la présidentielle, la tension est remontée d'un cran samedi à Madagascar, où les forces de l'ordre ont empêché une manifestation de l'opposition à coups de gaz lacrymogènes dans la capitale Antananarivo. 

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Le premier tour du scrutin est prévu le 16 novembre. Mais la grande île de l'océan Indien est secouée depuis des semaines par une bataille féroce entre le pouvoir et une dizaine de candidats qui s'opposeront dans les urnes au président sortant Andry Rajoelina.

Rassemblés dans un collectif au sein duquel chaque membre se présente toutefois individuellement à la fonction suprême, les opposants, qui appellent régulièrement depuis plus d'un mois à descendre dans la rue, dénoncent "un coup d'Etat institutionnel" orchestré selon eux par Rajoelina en vue du scrutin et réclament une élection "libre et équitable". 

Samedi en fin de matinée, des cortèges de quelques centaines de manifestants se sont regroupés dans plusieurs quartiers de la capitale pour rejoindre l'emblématique place du 13-Mai malgré une interdiction préfectorale.

Les manifestations de l'opposition ont un temps été systématiquement dispersées avant qu'une "tolérance" des autorités ne soit dernièrement appliquée. Mais la place du 13-Mai à Antananarivo, lieu symbolique et théâtre des contestations politiques sur l'île, est restée terrain défendu pendant la campagne.

Les forces de l'ordre ont rapidement tiré des gaz lacrymogènes samedi en plusieurs endroits simultanément, ont constaté des journalistes de l'AFP. Des riverains venus faire leur marché ont fui en courant, pris de panique. 

"Les gendarmes ont tiré directement dans la foule. Pas en l'air. Ils veulent le chaos", a dénoncé le député de l'opposition, Fetra Ralambozafimbololona. 

Les cortèges ont été dispersés bien avant d'atteindre la place gardée comme une forteresse par des forces de l'ordre déployées en nombre.

"Vous nous faites mal, vous nous faites pleurer! On ne fait que revendiquer nos droits", a hurlé une manifestante en direction des gendarmes. 

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"Deux poids, deux mesures" 

 

Des grenades lacrymogènes ont été tirées durant plusieurs heures pendant que dans d'autres quartiers, des soutiens de Rajoelina ont défilé vêtus de orange, couleur de son parti, a constaté une journaliste de l'AFP. 

"Les Oranges ont pu se promener sans être empêchés, mais nous, dès que nous nous sommes rassemblés, nous avons reçu des grenades assourdissantes et lacrymogènes", a enragé le candidat de l'opposition, Hajo Andrianainarivelo, dénonçant "deux poids, deux mesures". 

Un calme relatif est retombé sur Antananarivo aux alentours de 13H00 GMT. Onze personnes ont été arrêtées, selon la police. 

Le gouvernement a regretté cette semaine "un acte de provocation inadmissible" avec le nouvel appel de l'opposition à manifester sur la place emblématique, fustigeant des candidats qui "ont manifesté publiquement une +volonté de renverser le pouvoir+ en place et entraver la tenue des élections". 

Début octobre, les forces de l'ordre avaient déjà tué dans l'œuf à coups de gaz lacrymogènes une tentative de rassemblement sur la place. La blessure d'un candidat de l'opposition par un éclat de grenade lacrymogène avait conduit au report d'une semaine du scrutin, initialement prévu le 9 novembre. 

Les États-Unis et l'Union européenne, qui suivent avec "la plus grande vigilance" la campagne, ont récemment dénoncé un usage disproportionné de la force.

Treize candidats sont en lice pour la présidentielle. Andry Rajoelina, 49 ans, avait accédé au pouvoir en 2009 à la faveur d'une mutinerie chassant Marc Ravalomanana. Les deux hommes avaient été interdits de se présenter en 2013, dans le cadre d'un accord de sortie de crise validé par la communauté internationale. M. Rajoelina avait ensuite été élu en 2018.

L'opposition dénonce une série de mesures récentes favorisant, selon elle, le président sortant et notamment le rejet en septembre de recours réclamant l'invalidation de sa candidature "pour défaut de nationalité malgache". 

Fin juin, des informations divulguées dans la presse ont révélé que M. Rajoelina avait été naturalisé français en catimini en 2014. Selon ses détracteurs, il a perdu sa nationalité malgache en devenant français et ne peut ni se présenter à une élection, ni diriger le pays.