Malawi : après le passage du cyclone Freddy, le triste ramassage des corps

Au Malawi, ce pays pauvre d'Afrique australe, au moins 326 personnes ont été tuées par le cyclone, en passe d'être classé le plus long de l'histoire. L'état de catastrophe et deux semaines de deuil national ont été décrétés. La police et l'armée sont déployées.
 
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Funérailles des victimes du cyclone Freddy à Blantyre, dans le sud du Malawi, ce 15 mars 2023.
Funérailles des victimes du cyclone Freddy à Blantyre, dans le sud du Malawi, ce 15 mars 2023.
© AP Photo/Thoko Chikondi
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En déplacement sur l'épicentre des intempéries, à Blantyre, le président Lazarus Chakwera, a annoncé que les morts étaient désormais passés de 225 à 326 et les déplacés sont au nombre de 183 000.

À Blantyre, sur le chemin boueux jonché de pierres menant au pied d'une montagne, des hommes à la mine sombre murmurant des prières ouvrent le pas aux soldats. Devant une maison en piteux état et recouverte de terre, une dizaine d'entre eux et le groupe de cinq militaires se mettent à creuser avec des pelles.

Voir : En Afrique australe, le retour meurtrier du cyclone Freddy
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Ils tirent rapidement un premier corps, un homme. Son visage encore lisible semble avoir gardé une expression d'angoisse. Le corps est déposé sur un brancard de fortune fait de deux bâtons et d'un bout de sac, puis transporté jusqu'aux voitures laissées en contrebas.

Depuis la veille, les habitants du township de Manje près de Blantyre (sud), capitale économique du pays et épicentre de la catastrophe, ont déjà récupéré huit autres dépouilles, dit à l'AFP Alfred Mbule, du quartier. "Nous avons remarqué que des bulles se formaient dans la boue, on s'est dit qu'il y avait des cadavres en-dessous et nous avons alerté les secours", explique-t-il. Personne n'a reconnu les corps putréfiés.

Parfois, un miracle

Freddy a frappé le Malawi tôt le 13 mars. Les pluies diluviennes des derniers jours ont provoqué de violentes inondations et des glissements de terrain. Mais les précipitations, qui avaient jusqu'ici rendu les opérations de sauvetage difficiles, ont enfin cessé aujourd'hui, le 16.

Au pied de la montagne Soche, la trace laissée par la coulée de boue est encore visible. Les habitations vulnérables faites de briques et de terre n'ont pas résisté. Alfred Mbule en est convaincu : "Il y a encore des centaines d'autres corps dans la boue".
Une pelleteuse continue à creuser, sous l'oeil des gens du quartier. "J'espère qu'ils trouveront d'autres corps pour qu'ils puissent être enterrés et reposer en paix. L'odeur est nauséabonde, il y a manifestement des corps en train de pourrir", note Rose Phiri, une femme âgée originaire du coin.

Dans ce paysage de désolation, la chance laisse parfois naître un rapide sentiment d'espoir: la veille, les secours ont miraculeusement sauvé une enfant. Promise, 13 ans, était prisonnière de la boue dans sa maison depuis dimanche.
"Elle s'est retrouvée coincée sous un réfrigérateur après l'effondrement de la maison familiale", raconte Patrick Njolomole, un voisin tout en muscles et arborant une barbe fournie. Promise a eu juste assez d'air, sous les portes ouvertes du réfrigérateur, pour survivre. Les voisins l'ont entendue appeler à l'aide.

Un signe du réchauffement climatique

Freddy, qui a fait une traversée inédite de plus de 8.000 km d'est en ouest dans l'océan Indien, sévit depuis plus de 35 jours. Il avait frappé l'Afrique australe fin février, faisant 17 morts, avant de rebrousser chemin début mars et de revenir frapper Madagascar (10 morts la seconde fois) et le Mozambique (63 morts à ce stade), et dans la foulée atteindre pour la première fois le Malawi.

Des tempêtes tropicales et des cyclones apparaissent plusieurs fois par an dans le sud-ouest de l'océan Indien pendant la saison cyclonique de novembre à avril.