Fil d'Ariane
Birame Souleye Diop, un opposant sénégalais, a été placé en garde à vue après avoir publiquement mis en doute le retrait de Macky Sall. De son côté, Ousmane Sonko, l'adversaire principal du président, actuellement inéligible, a promis "le chaos" si sa candidature était empêchée.
Le chef de l'opposition sénégalaise, Ousmane Sonko, après avoir été libéré de sa garde à vue à Dakar, le lundi 8 mars 2021. AP/ Sylvain Cherkaoui.
Au Sénégal, Birame Souleye Diop a été arrêté mercredi 5 juillet. Il s'agit du président du groupe parlementaire de la coalition de l'opposition Yewwi Askan Wi, et d'un cadre du Pastef, le parti d'Ousmane Sonko, le plus farouche adversaire du président.
Il avait déclaré mardi 4 juillet lors d'une conférence de presse, avant de présenter ses excuses : "J'avertis les prochains candidats de l’APR (le parti présidentiel): Évitez de manger chez lui, évitez de boire son eau, il est capable de vous empoisonner et de dire : comme nous n'avons plus de candidat, je reviens. Et de le faire à la Ouattara. Prenez garde".
Birame Souleye Diop est poursuivi pour "diffamation commise par un membre de l'Assemblée nationale contre un chef d’État étranger de nature à saper les relations diplomatiques de l'État" et "discrédit sur une institution de la République", selon son avocat, Me Moussa Sarr.
Pour le contexte, le président ivoirien Ouattara avait choisi Amadou Gon Coulibaly pour lui succéder. Mais la mort de ce dernier, des suites de problèmes cardiaques alors qu'il avait 61 ans, avait poussé Alassane Ouattara à se représenter à la présidentielle de 2020 alors qu'il avait annoncé ne pas vouloir briguer de troisième mandat.
"Il est toujours en garde à vue à la Sûreté Urbaine du commissariat central de Dakar", a précisé Me Moussa Sarr jeudi 6 juillet.
La principale coalition de l'opposition, dont fait partie Pastef, "déplore le traitement réservé à cette affaire", dans un communiqué publié jeudi 6 juillet au soir. Elle affirme qu'"en dépit (des) excuses publiques" du mis en cause au président Sall, "la machine politico-judiciaire a été actionnée", "au mépris de (la) qualité de député" de Birame Souleye Diop, couvert par l'immunité.
La coalition estime avoir "une haute conscience des relations fraternelles, amicales et historiques entre le Sénégal et la Côte d'Ivoire que ne sauraient compromettre des propos tenus dans un contexte de tension politique et social".
La décision du président Macky Sall de ne pas se représenter a décrispé un climat politique très lourd au Sénégal. La condamnation à deux ans de prison de l'opposant Sonko pour "corruption de la jeunesse" a provoqué les plus graves troubles dans le pays depuis des années, faisant 16 morts selon le gouvernement, une trentaine selon l'opposition. Cette condamnation le rend en l'état actuel inéligible.
Ousmane Sonko crie au complot du pouvoir pour l'écarter de l'élection présidentielle de février 2024. Son parti estime à plus de 300 le nombre de "détenus politiques". Le pouvoir réfute les deux accusations.
Ousmane Sonko s'est exprimé de son côté pour la première fois depuis l'annonce du président Macky Sall, dans un entretien sur la chaîne France 24.
Il a menacé : "il n'y aura pas d'élection dans ce pays, ou alors ce sera dans un chaos indescriptible si par des combines judiciaires le président Macky Sall voulait empêcher ma candidature".
Ousmane Sonko a estimé que Macky Sall avait renoncé à une troisième candidature, "non pas parce qu'il est un démocrate", mais à cause de la "pression populaire et internationale". Selon lui, il n'y a pas de raison de le "féliciter" pour cela.
Malgré "l'acharnement" du pouvoir pour l'éliminer de la course à la présidentielle selon lui, le leader du Pastef s'est dit "prêt à pardonner", et même à "oublier" s'il peut participer à l'élection.
"Nous lui (Macky Sall) souhaitons de terminer ce mandat en beauté et de pouvoir partir dans la sérénité, lui et sa famille", a-t-il ajouté, réclamant des élections "libres", "transparentes" et "inclusives".
Il a affirmé qu'il n'y a aucun contact "officiel" ou "officieux" entre lui et le président. Il s'est dit prêt "à faire des sacrifices" pour "apaiser" le pays, mais a rappelé qu'il ne discuterait pas "le couteau à la gorge".
Ousmane Sonko est bloqué par les forces de sécurité chez lui à Dakar, "séquestré" selon lui, depuis le 28 mai.