Dimanche 21 août marque le 500e jour passé en captivité du journaliste Olivier Dubois. Enlevé à Gao au Mali le 21 avril 2021, il est à ce jour le seul otage français recensé dans le monde. Mobilisée pour obtenir sa libération, sa sœur cadette Canèle Bernard témoigne.
Enlevé à Gao au Mali le 21 avril 2021 alors qu’il partait en reportage, le journaliste français Olivier Dubois est apparu dans une vidéo quelques semaines après. Dans cet enregistrement, il annonce avoir été enlevé par des membres du GSIM, le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, un groupe terroriste affilié à Al-Qaïda au Mali.
Après 500 jours passés en captivité aux mains des terroristes - soit l’équivalent de 16 mois - “
il est temps qu’Olivier rentre en France”. C’est en ces termes que Canèle Bernard résume son combat. Soeur cadette d’Olivier Dubois, elle œuvre, aux côtés de son conjoint et de la mère du journaliste français, pour sa libération. Dimanche 21 août, elle a accordé un entretien à TV5MONDE.
TV5MONDE : Quelle est l’ampleur de la mobilisation pour marquer les 500 jours passés en captivité de votre frère, le journaliste Olivier Dubois ?Canèle Bernard : Olivier est otage depuis 16 mois et exactement 500 jours. Aujourd’hui, la mère d’Olivier, mon conjoint et moi-même nous manifestons en ligne, sur les réseaux sociaux, avec beaucoup de citoyens. Nous utilisons les comptes officiels Facebook, Instagram tout au long de cette journée [NDLR, les comptes officiels de la famille d'Olivier Dubois sont accessibles sur
la pétition "500 jours! Manifestons pour Oliver Dubois" qu'elle a lancée le 19 août]. Toutes les deux heures nous nous adressons au président de la République pour lui faire passer des messages sur la situation d’Olivier Dubois. Il est important pour nous de manifester. Il est temps de faire quelque chose pour lui, il est temps qu’Olivier rentre à la maison.
TV5MONDE : Ce dimanche, des réponses ont-elles été apportées à tous les messages envoyés à l’Elysée ? Canèle Bernard : Nous lançons régulièrement des appels aux autorités françaises. Nous n’avons pas encore eu de réponse de la part de l’Elysée. Mais depuis la veille de l’anniversaire d’Olivier, le 5 août, nous avons lancé une opération “carte postale” au niveau national. Nous invitons tous les citoyens à poser la même question au président de la République : “
Bonjour Monsieur le président, quand Olivier Dubois, journaliste, rentrera-t-il en France ? Libérons Olivier Dubois parce que ça va faire 500 jours qu’il est otage”. Nous espérons qu’avec toutes ces cartes postales le président de la République nous donnera une réponse assez rapidement.
TV5MONDE : Avez-vous une idée du nombre de cartes postales envoyées ? Canèle Bernard : Cette opération de communication a été relayée partout. Elle permet à chaque citoyen de prendre part à la situation et de faire quelque chose de concret pour Olivier Dubois. Nous avons énormément de retours. En commentaire sous la vidéo tutoriel que nous avons réalisée pour expliquer comment envoyer ces cartes postales, par email… Je peux vous dire, aujourd’hui, que plusieurs centaines de cartes postales ont été envoyées à l’Elysée. Cette opération court toujours, jusqu’au 8 septembre prochain. Nous ferons le bilan à la fin de cette opération.
Nous sommes en pleine période de vacances. Une carte postale, c’est un objet que nous avons tous, que nous connaissons tous. L’idée c'était d'utiliser les cartes postales non pas pour donner des nouvelles à nos proches mais plutôt pour en demander. Pour savoir quand Olivier va rentrer en France. Et surtout pour interpeller le président de la République et Catherine Colonna, la ministre des Affaires étrangères.
TV5MONDE : En avril, vous avez indiqué que vous n’aviez reçu aucune information de la part du gouvernement français au sujet de la situation de votre frère. Y a-t-il eu une évolution ? C.B : Malheureusement, la mère d’Olivier, mon conjoint et moi-même ne sommes pas dans la “confidence” avec le gouvernement. Nous aimerions établir une communication plus pérenne, plus profonde avec eux, mais nous n’avons absolument aucune information. Donc nous ne savons pas si la situation a évolué pour Olivier depuis qu'il a été enlevé. Ce qui est sûr c’est que depuis 500 jours maintenant, il est et reste captif dans le désert. Il faut faire quelque chose pour lui, il y a urgence.
Il s’est installé au Mali parce que c’est un pays qui est en pleine évolution, sociale et politique. Olivier s’est attelé à détailler cette évolution. Il voulait relater tout ce qui se passe dans ce pays.Canèle Bernard, soeur d'Olivier Dubois
TV5MONDE : Votre frère s’est installé au Mali en 2015. Il a été enlevé à Gao en avril 2021. Que savez-vous de sa vie en Afrique avant son enlèvement ? Pourquoi avait-il choisi de s’y installer ?
C.B : Olivier est un reporter. Il fait partie des reporters qui vont enquêter sur tous types de terrains. Il s’est installé au Mali parce que c’est un pays qui est en pleine évolution, sociale et politique. Au début, il travaillait avec deux petites rédactions. Il y avait fort à faire pour nous informer. Olivier s’est attelé à détailler cette évolution. Il voulait relater tout ce qui se passe dans ce pays.
TV5MONDE : Connaissez-vous les raisons qui ont poussé Olivier Dubois à devenir journaliste ? C. B : Il a toujours été intéressé par l’audiovisuel. Il ne voulait pas être journaliste, mais plutôt travailler dans le cinéma. Mais il aime aller vers les gens, il aime l’image. Donc le journalisme était un secteur tout indiqué pour lui.
Pour nous, le djihadisme n’a pas de frontière. C'est aussi à ce sujet que nous voulons alerter les populations.Canèle Bernard, soeur d'Olivier Dubois
TV5MONDE : Avant son enlèvement, Olivier Dubois vous a-t-il parlé des risques qu'il pouvait rencontrer en tant que journaliste lors de reportages ? C.B : Nous parlions régulièrement des sujets sur lesquels il travaillait en tant que journaliste. Certains sujets peuvent comporter des risques. Mais c’est le cœur du métier de journaliste : il faut aller chercher l’information, se déplacer sur le terrain. Et chaque métier comporte des risques. Il aurait pu être humanitaire et ça aurait pu le conduire à ce type de situation. Il aurait pu être salarié d’une société et détaché dans un autre pays… Nous ne pensons pas que ce soit son métier qui l’ait conduit à ce sort. Pour nous, le djihadisme n’a pas de frontière. C'est aussi à ce sujet que nous voulons alerter les populations.
TV5MONDE : Après 500 jours passés en captivité, quel message voulez-vous adresser à votre frère ? On lui envoie des messages tous les mois sur RFI. Nous espérons que, où qu'il se trouve dans le désert, ces messages puissent lui arriver. On veut qu’il sache que sa famille se mobilise, qu’elle sera toujours là pour lui, qu’il sache aussi que nous lançons des opérations de communication non seulement pour essayer de l’insérer au coeur du débat public et pour dire au président de la République que ça fait 16 mois qu’il est captif, et qu’il faut que nous sachions quand il rentrera en France.
TV5MONDE : Vous espérez que votre frère soit libéré et qu’il puisse revenir en France auprès de sa famille. Vous avez prévu quoi quand il rentrera ? Nous espérons que sa libération sera prochaine et qu’on va commencer une nouvelle vie, tous ensemble. On n’effacera pas ce qui s’est passé, on apprendra à vivre avec. On va le soutenir. Être une famille d’otage au quotidien n’est pas simple mais la plus grande difficulté c’est Olivier Dubois qui la subit. On ne l’oublie pas.