Fil d'Ariane
Quand on aligne cette inefficacité tactique avec l’image dégradée et l’ambigüité entre les autorités, on comprend qu'il faut changer. Mais il faut faire évoluer notre engagement sans y renoncer car il est réclamé par les autorités des pays du Sahel. Par ailleurs nous ne sommes pas seuls. Il y a d’autres forces, locales et internationales comme la Minusma ou la force Takuba, qui interviennent sur le terrain. Nous ne pouvons pas partir comme ça, sinon il y aurait des conséquences graves.
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Le gouvernement français a réfléchi, sur le plan militaire ainsi qu’au plan tactique, à la nécessité de reconfigurer l’engagement français au Mali.
On s’est rendu compte de la difficulté que représente le fait d’avoir de gros effectifs, déployés partout au Sahel. Ces effectifs imposent une logistique très lourde, de tout moment, et ils sont très vulnérables, car ils peuvent être victimes d’I.E.D (n.d.l.r. des mines ou autres engins explosifs) car nous avons beaucoup de convois. Plus vous mettez de convois, plus vous risquez ce genre d’accidents.
Les djihadistes sont beaucoup plus rapides, plus souples et plus manœuvriers. C’est une des raisons de notre inefficacité tactique.
Bruno Clément-Bollée, ancien général français et consultant en matière de sécurité en Afrique
Plutôt que d’avoir un engagement numériquement extrêmement lourd, réparti partout dans le pays, émietté sur une grande quantité de bases, ce qui est très difficile à soutenir sur le plan logistique et accroit sa vulnérabilité, l’armée française a décidé de changer de tactique.
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Dans le dispositif Barkhane, cette logistique était très lourde. Agir sur renseignement, en montant de grandes opérations coordonnées avec plusieurs acteurs, sur la longueur, et qui ne sont pas discrèts, s’est révélé finalement être en complet décalage avec la tactique employée par les djihadistes. Eux sont beaucoup plus rapides, plus souples et plus manœuvriers. C’est une des raisons de notre inefficacité tactique.
TV5MONDE : Quelle forme va prendre cet engagement au Mali alors ?
Bruno Clément-Bollée : L’idée est d’avoir beaucoup moins de bases et de regrouper nos éléments sur quelques bases plus importantes sur l’ensemble du Sahel. Ensuite l’autre idée serait d’avoir un système de renseignement très sophistiqué, à base de drones, d’avions de surveillance, de renseignement humain.
Mettre en place un dispositif fondé sur le renseignement et qui permette, à partir de ces bases, d’avoir des équipements et des matériels extrêmement rapides et performants, qui agissent sur renseignement, par coup de poing. Cela vient en accompagnement de ce que font les troupes locales et en accord avec les autorités.
Ce regroupement permet de la rapidité, de la réactivité et de la souplesse. Moins de convois logistiques à déployer sur le terrain puisqu’il y a moins de bases, donc moins de vulnérabilité. Et surtout ça nous permet de passer en deuxième ligne. Nous (les Français) avons pêché par orgueil en nous mettant en première ligne, en étant très visibles. Nous en payons le prix aujourd’hui auprès de la population car nous n’avons pas résolu la question. Nous passons un peu pour les responsables.
Ce regroupement permet de la rapidité, de la réactivité et de la souplesse. Moins de convois logistiques à déployer sur le terrain puisqu’il y a moins de bases, donc moins de vulnérabilité.
Bruno Clément-Bollée, ancien général français et consultant en matière de sécurité en Afrique
TV5MONDE : Qu’appelez-vous "se mettre devant" ?
Bruno Clément-Bollée : C’est claironner notre action sur le terrain. C’est convoquer les chefs d’États à Pau pour leur donner la leçon par exemple. Je pense qu’on ne peut pas sortir de la maxime "Le Sahel aux Sahéliens".
La situation sahélienne ne sera réglée que par les Sahéliens. Ce qui ne veut pas dire que la France doit les laisser seuls. Il faut leur donner la première part, la première place. Ils doivent être en première ligne et nous les Français, il faut que nous soyons non pas en posture d’imposition mais en posture d’accompagnement.