Au moins 13 civils maliens ont été tués le 23 février dans une attaque imputée à des djihadistes contre leur village dans le centre du pays, indiquent des élus locaux ce soir.
"Les djihadistes ont tué plus de 13 civils jeudi à Kani-Bonzon. Ils ont brûlé des cases et des greniers et ils sont partis avec trois civils", a déclaré à l'AFP un élu local s'exprimant sous le couvert de l'anonymat pour des raisons de sécurité.
"Les terroristes ont tué 13 civils. Ils ont brûlé des maisons. Des habitants qui n'étaient pas sur place ont peur de rentrer. Aujourd'hui on parle même de 20 morts", a dit un autre élu, également sous couvert d'anonymat.
Un responsable du gouvernorat de Bandiagara, la ville proche en pays dogon, a rapporté que les assaillants avaient aussi volé du bétail. Des habitants ont manifesté ce 24 février à Bandiagara pour réclamer plus de sécurité, a-t-il dit.
Un crise sécuritaire profonde
Le Mali est plongé dans une crise sécuritaire et politique profonde depuis le déclenchement d'insurrections indépendantiste et djihadiste dans le nord en 2012.
Si les indépendantistes ont signé un fragile accord de paix en 2015, les agissements des groupes djihadistes affiliés à Al-Qaïda ou à l'organisation Etat islamique se sont propagés au centre, puis au Burkina Faso et au Niger voisins. Les violences ont fait dans la région des milliers de morts, civils et combattants, et des centaines de milliers de déplacés.
Au moins 70 soldats et une douzaine de volontaires ont été tués en moins d'une semaine au cours de différentes attaques dans le nord du Burkina Faso, de l'autre côté de la frontière avec le Mali. Le groupe État islamique (EI) a revendiqué une de ces attaques qui a tué au moins 51 soldats.
Voir : Burkina Faso : 70 militaires tués en trois jours
Le centre du Mali est l'un des principaux foyers des violences sahéliennes depuis 2015 et l'installation de la Katiba Macina, affiliée à Al-Qaïda.
Trois Casques bleus sénégalais y ont été tués le 21 février par l'explosion d'un engin explosif improvisé, une arme de prédilection des djihadistes.
"Désinformation"
L'émergence de la Katiba Macina a ranimé ou avivé les vieux antagonismes entre groupes humains autour de l'accès aux ressources. Le centre est en proie aux exactions djihadistes mais aussi aux représailles entre communautés, aux agissements de groupes proclamés d'autodéfense et au banditisme.
(RE)lire : Au Mali les attaques se multiplient, Al-Qaïda fait monter la pressionLes groupes affiliés à Al-Qaïda imposent aux populations des pactes aux termes desquels ils les laissent relativement vaquer à leurs occupations contre le paiement d'un impôt, l'acceptation des règles islamiques et la non-collaboration avec l'armée malienne ou d'autres groupes armés.
La junte au pouvoir depuis 2020 à Bamako a lancé fin 2021 une vaste opération dans le centre, en même temps qu'elle prenait ses distances avec l'allié historique français et se rapprochait de la Russie. L'offensive au centre engage des éléments qui sont des instructeurs de l'armée russe selon la junte et, selon ses contradicteurs, des mercenaires de la société privée russe Wagner, aux agissements décriés ailleurs en Afrique et dans le monde.
Le bilan sécuritaire de cette rupture stratégique est controversé. L'accès à une information indépendante et fiable est ardu dans un secteur reculé et dangereux.
La junte assure acculer les jihadistes à une position défensive.
(RE)voir : Sahel : les tensions s'accentuent dans la région
Un rapport de l'ONU publié en janvier indiquait que les groupes extrémistes continuaient à
"étendre leur influence et attirer de nouvelles recrues" dans le centre.
Il disait aussi qu'à plusieurs reprises
"des membres des forces de sécurité étrangères" s'étaient livrés à des exactions, référence apparente aux nouveaux alliés de la junte.
Le nord-est du Mali est, lui, le théâtre depuis des mois d'une poussée de l'État islamique au grand Sahara (EIGS). Elle génère d'intenses batailles avec les groupes armés locaux et avec les rivaux affiliés à Al-Qaïda. Elle donne lieu au massacre de civils et à des déplacements massifs de population.
La situation a fait dire au président du Conseil européen Charles Michel que l'État malien était
"en train de s'effondrer". Un haut responsable occidental disait cette semaine sous couvert de l'anonymat à des journalistes qu'il n'y avait
"plus d'État malien".
(RE)voir : Mali : expulsion du chef de la division des droits de l'Homme à l'ONU
Les Affaires étrangères maliennes se sont inscrites en faux contre les propos de Charles Michel, qui relèvent selon elles d'une
"campagne de désinformation" contre le Mali.