Fil d'Ariane
Lancée en 2013, la mission de l’ONU au Mali (Minusma) va s’arrêter à la fin de l’année, conformément aux exigences des autorités maliennes. Malgré les critiques grandissantes de la part d'une partie de la population, la mission de stabilisation onusienne jouait un rôle crucial dans la sécurisation du pays. Bamako se tourne désormais vers ses voisins ou encore la Russie pour assurer la sécurité du pays. Mais sur place, la progression de groupes djihadistes persiste.
Photo d’illustration d’éléments de la force de réaction rapide (QRF) jordanienne de la MINUSMA.
Ces dernières semaines, les villes maliennes de Ogossagou, Ber et Goundam ont dit au revoir aux camps de la Minusma. La force militaire onusienne avait été créée en 2013, avec pour objectif la stabilisation d'un État menacé d’effondrement sous la poussée de groupes djihadistes, ainsi que la protection des civils.
Le gouvernement malien dit être en capacité d'affronter les menaces qui pèsent sur le pays. Bamako s’appuie notamment sur ses forces de défense et de sécurité maliennes (Fama).
Une réorganisation qui selon le chercheur, devra tenter de combler les effectifs des casques bleus partis. Les forces onusiennes de la Minusma représentaient environ 13 289 militaires et policiers, répartis sur l'ensemble du territoire malien. “Cela va demander beaucoup d'efforts, de stratégie et de réorganisation pour que l'armée malienne arrive à combler tous les vides et à assurer la sécurité de la population”, assure Mady Ibrahim Kanté.
L’armée malienne, toute seule, ne peut pas mener le combat face aux menaces sécuritaires dans différentes régions du pays.
Mady Ibrahim Kanté, docteur en sciences politiques à l’Université de Bamako
Pour tenter de pallier le vide sécuritaire qui sera laissé par la Minusma à la fin de la mission fixée au 31 décembre 2023, l'armée malienne peut compter sur ses alliés. Comme le rappelle Mady Ibrahim Kanté, “l’armée malienne, toute seule, ne peut pas mener le combat face aux menaces sécuritaires dans différentes régions du pays.”
Peu de temps après le démantèlement de certains camps de la Minusma, les groupes terroristes présents dans les zones ont progressé. Des affrontements avec les forces de défense maliennes ont déjà eu lieu. “Mais l’armée malienne essaie, avec ses alliés, de trouver un moyen de lutter efficacement”, souligne encore l'universitaire.
Les alliés du Mali peuvent être les pays voisins et les pays de la région sous régionale. Comme l’indique un chercheur de l'institut d’études de sécurité pour l’Afrique (ISS Africa est une organisation africaine à but non lucratif experte en criminalité et dans le maintien et la consolidation de la paix) ayant requis l'anonymat, “il faut envisager le soutien régional au Mali comme un des éléments de la stabilisation du pays après le départ de la Minusma”. La fin de la mission onusienne pourrait même “favoriser la reprise de la collaboration sécuritaire trilatérale entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, qui était jusqu'ici au point mort”, analyse encore le groupe de réflexion.
Depuis l'arrivée au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré au Burkina Faso en 2022, force est de constater que les deux voisins se sont rapprochés. “Le Burkina Faso a compris que le problème qui existe au Mali n’est pas seulement un problème malien. C'est une crise sahélienne, un problème ouest-africain”, constate de son côté Mady Ibrahim Kanté, docteur en sciences politiques à l’Université de Bamako.
L'autorité malienne peut compter sur le Burkina Faso et le Niger pour lutter contre le djihadisme. lls peuvent mener la lutte ensemble dans la zone.
Mady Ibrahim Kanté, docteur en sciences politiques à l’Université de Bamako
Selon le chercheur, “on remarque que le Burkina Faso a essayé de collaborer et de coopérer étroitement avec le Mali. Les deux armées en place essaient de collaborer ensemble pour trouver des solutions au sujet des difficultés sécuritaires dans la zone des trois frontières”.
Et si le coup d’État au Niger le 26 juillet changeait la donne ? Le nouvel homme fort du pays, le général Abdourahmane Tiani, a d’ores et déjà rencontré les dirigeants des deux pays voisins.
“La situation du Niger donne une autre lecture à la situation actuelle. Le président Bazoum avait une relation plus ou moins tendue avec les autorités maliennes. Mais là, actuellement, avec la situation que l’on connait, ça donne une lecture complètement différente au sujet de la collaboration avec le Mali”, commente Mady Ibrahim Kanté.
"Le rapprochement entre le Mali et le Niger a bien lieu”, confirme de son côté l'analyste de l’ISS. Mais il reste prudent. “L'essentiel de la collaboration régionale, si elle a lieu, se focalisera prioritairement sur la possible intervention armée de la Cédéao au Niger”.
Le rapprochement entre le Mali et le Niger a bien lieu.
L'Institut d'études de sécurité pour l'Afrique (ISS)
S’il un tel scénario venait à se produire, le Burkina Faso et le Mali ont fait savoir qu'ils se mettront du coté du Niger. C’est précisément sur ce point que l’incertitude demeure. “Les autorités maliennes sont solidaires des putschistes au Niger. Je ne pense pas que la Cédéao puisse intervenir au Niger alors que le Mali a fait part de son désaccord”, soulève Mady Ibrahim Kanté.
Au-delà de ses alliés sur le contient, le Mali compte aussi sur un allié de taille : la Russie. Ces dernières années, Bamako et Moscou ont renforcé leurs relations bilatérales. Scellé en 2021, le partenariat entre les deux pays s’appuie sur l’aide militaire que la Russie fournit en Afrique. En octobre dernier, les forces armées maliennes avaient salué "la coopération entre le Mali et la Fédération de Russie ne datant pas d’aujourd’hui". Soulignant qu'"elle a franchi un nouveau pas et rapprochera d’avantage les deux pays à travers des résultats satisfaisants".
En janvier 2023, des avions d'attaque Sukhoï Su-25 et Albatros L-39 ainsi que des hélicoptères polyvalents Mi-8 étaient livrés par la Russie aux autorités maliennes. Des livraisons similaires avaient également eu lieu en mars et en août 2022.
En 2021, des mercenaires du groupe paramilitaire russe Wagner sont également arrivés au Mali selon plusieurs sources occidentales, à l'appel des autorités de transition. Une présence catégoriquement niée par les autorités maliennes qui parlent de simples instructeurs russes, dans le cadre d'une coopération d'"État à État" entre le Mali et la Russie.
"Au début, on se demandait : est-ce que le groupe Wagner c’est l’État russe ? Est-ce que la Russie est partie prenante de cette affaire ? Les Maliens par exemple ont dit qu’ils avaient passé des contrats avec l’État russe. Après le groupe Wagner a dit non, c’était avec nous. C’était confus", expliquait à ce propos dans un précèdent entretien à TV5MONDE Francis Kpatindé, enseignant à Sciences Po Paris et spécialiste du continent africain.
Après la rebellion de Wagner initiée le 24 juin dernier, le ministre des Affaires étrangères russe Sergueï Lavrov affirmait que le groupe paramilitaire continuerait ses opérations au Mali. À ce jour, la Russie semble donc être le partenaire privilégié sur lequel le Mali a envie de compter. Et il compte sur les mercenaires pour endiguer le terrorisme djihadiste, notamment depuis le départ de l'armée française, en 2022.
Mais ce partenariat suffira-t-il pour sécuriser le territoire ? Selon une enquête du journal Le Monde notamment basée sur les données recueillies par l'ONG Acled, le groupe paramilitaire ne parviendrait pas à "atteindre son objectif affiché de lutte contre le terrorisme, qui était déjà celui de la force « Barkhane » ". Les attaques djihadistes seraient même en augmentation depuis le début de l'année 2022, avec plus de 3000 civils tués et des exactions régulières de la part des paramilitaires russes envers les populations.