Hamé Coulibaly, membre de l’association Gambana
Réfugié dans son propre pays, il reçoit le soutien d’organisations de défense des droits humains. L’association Temedt lutte depuis 2006 contre l’esclavage par ascendance au Mali :
Abdoulaye Mako, Président d’honneur de Temedt
Moussokoura Hona, déplacée à Mambry
« La première fois que je suis venu, l’endroit était vide, il n’y avait rien. Mais aujourd’hui je vois que des maisons ont été construites. Je suis joyeux, je suis content. C’est la raison pour laquelle je prends des photos. A mon retour, je les montrerai aux membres l’association Gambana. Ils verront que l’endroit est en train d’avancer. Les gens qui sont ici ne souhaitent plus rentrer dans leur localité. C’est pour ça que les maisons ont été construites. Depuis qu’ils sont arrivés, le chef de village les a bien accueillis, ils disposent de tout ce dont ils ont besoin ici », explique Lassim Konaté, membre de l’association Gambana.
Maitre Modibo Sylla est lui avocat à la Cour du Mali, il défend les droits de ces personnes : « Toutes les Autorités de ce pays ont été saisies. Du Président de la République, au dernier citoyen. Tout le monde est informé aujourd’hui au Mali de ce problème. Nous avons saisi le Ministère de la Justice, le Ministère de l’Administration territoriale, de la Sécurité, malgré tout, on a l’impression que ça ne bouge pas ! »
Hamé Coulibaly explique à son avocat : " L’esclavage est aboli au Mali, et même si cela était toujours dans la Constitution, nous n’en voudrions plus. Nous avons besoin de notre liberté et cela en dérange certains, que la justice tranche ! »
Au Palais de Justice de Diema, Hamé Coulibaly sort d’une audience avec son avocat. Accusé d’injure non publique, il est également plaignant dans une autre affaire pour avoir été menacé de mort. « Pour décourager ces esclaves dans leur lutte, et c’est une lutte pacifique, on le dit, ce n’est pas avec violence, à travers la sensibilisation, donc on essaie de les décourager dans cette lutte, à travers des procédures qui ne tiennent pas comme vous l’avez vu ce matin, comme injure non publique. Hamé a dit qu’il n’a insulté personne. Si les audios existent, qu’on les fasse sortir, ça n’existe pas», raconte Maitre Modibo Sylla.
« Ma situation est très fâcheuse, les gens qui sont en train d’attendre dans les voitures, sont venus pour m’agresser car je suis là aujourd’hui. Ils ont fait des appels pour venir en nombre. Ces gens ne sont pas venus pour suivre l’audience, mais bien parce que je suis là. S’ils peuvent faire quoi que ce soit, ils le feront », répond Hamé Coulibaly. Il a finalement été exfiltré de la ville de Diema par la garde personnelle du président du tribunal. Remonté, il pourfend tout un système.
Hamé Coulibaly, membre de l’association Gambana
Soumaguel Ouyahi, secrétaire général de l’association Temedt
L’esclavage est officiellement aboli en 1905 par l’administration coloniale. Les traditions empêchent l’application de ce principe. L’association Temedt milite pour l’adoption d’un projet de loi portant répression de l’esclavage. Une grande conférence se tient au gouvernorat de Kayes.
Qu’ils soient esclavagistes ou esclaves, ils sont tous des victimes, maintenant la sensibilisation va à l’endroit de toutes les deux catégories. Chacun a des compétences, mais seules les compétences de l’esclave sont exploitées. Du coup, ce qui va venir, c’est la disette, c’est le déplacement massif de population, c’est le déplacement des Autorités, et les maîtres qui restent là-bas, ils ne savent ni cultiver, ni faire du thé, ce sont les esclaves qui le font.
Soumaguel Ouyahi, Secrétaire général de l’association Temedt
Waly traoré, élu communal
C’est tout un héritage qu’il souhaite transmettre. Originaires du nord de la Côte d’Ivoire, des régions de Sikasso et de Ségou, les habitants de Bouillagui sont les descendants des captifs fait prisonniers lors des conquêtes de Samory Touré au 19e siècle.
Hamé Coulibaly poursuit sont combat. Il diffuse chaque vendredi des messages sur une multitude de groupes Whatsapp de son association. C’est sa seule arme pour continuer à sensibiliser contre l’esclavage.
« Nous menons nos campagnes de sensibilisation par téléphone pour que les gens comprennent ce qui se passe. Ils nous refusent le fait d’avoir des délégations qui puissent se rendre dans les villages, rencontrer les maires pour travailler ensemble afin qu’il n’y ait pas de violences. Mais comme ça avec le téléphone, toute personne peut entendre le message sans que l’on se déplace. Je vais continuer parce que si je ne le fais pas, cela montrera que notre lutte a été vaine. Je vais continuer jusqu’au bout. Je ne sais pas si l’esclavage se terminera de mon vivant. Cela peut prendre beaucoup de temps si le gouvernement ne prend pas les mesures adéquates » raconte Hamé Coulibaly, Membre de l’association Gambana.
De Bamako à Kayes et de Kayes à Kidal, plus de 800 000 maliens vivent toujours dans une forme d’asservissement.
La société malienne est castée. Il exist trois principaux groupes :
- Les « horons », les nobles majoritairement issus des familles de chefferie, ou de cultivateurs.
- Les « nyamakalas », qui regroupent les familles de griots, de forgerons, c’est leur nom de famille ou leur fonction sociale qui les définit.
- Les « djons », les esclaves, ils sont encore aujourd’hui dans certains villages au service du premier groupe social. Ils sont réduits au rang de citoyens inférieurs.
Malgré la signature par le Mali de tous les accords internationaux condamnant l’esclavage où les violations des droits de l’homme. Malgré aussi la constitution du pays qui déclare que « tous les maliens naissent libre et égaux en droit et en devoir », le pays est à la peine dans ces applications.
L’esclavage est tabou. Mais c’est une histoire ancienne. Durant tout le 20ème siècle, certaines populations ont réussi à se libérer du joug de l'esclavage mais la classe dominante a tout fait pour isoler les populations émancipées pour être sure que les autres ne suivent pas leur pas. Au Mali et selon les associations anti-esclavagistes, plus de 800 000 maliens vivent dans l’asservissement.