Mali : la junte accuse le président et le Premier ministre de "sabotage" de la transition

L'homme fort du pouvoir malien, le colonel Assimi Goïta, annonce avoir déchargé de leurs prérogatives le président et le Premier ministre de transition, coupables selon lui de tentative de "sabotage", dans ce qui s'apparente à un deuxième putsch en neuf mois.
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col. Assimi Goïta
Le colonel Assimi Goïta, qui s'est déclaré chef du Comité national pour le salut du peuple, rencontre une délégation de la CEDEAO, au ministère de la Défense à Bamako, au Mali, le 22 août 2020. 
(Photo AP)
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Dans une déclaration de reprise en main, le colonel Goïta a reproché au président Bah Ndaw et au Premier ministre Moctar Ouane d'avoir formé un nouveau gouvernement sans le consulter. 

Une telle démarche témoigne de leur part "d'une intention avérée de sabotage de la transition", a-t-il dit dans un message lu à la télévision publique nationale par un collaborateur en uniforme. L'homme fort du Mali, est en charge de la défense et de la sécurité, des domaine cruciaux dans ce pays sahélien en pleine tourmente. 

Le colonel Goïta dit s'être vu "dans l'obligation d'agir" et de "placer hors de leurs prérogatives le président et le Premier ministre ainsi que toutes les personnes impliquées dans la situation".

(Re)voir : Mali, les dirigeants de transition toujours retenus par les militaires

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Les autorités de transition avaient annoncé l'organisation en février-mars 2022 d'élections présidentielle et législatives. Le colonel Goïta, plus vague, affirme que la transition suivra "son cours normal et que les élections prévues se tiendront courant 2022".

Le colonel Goïta avait conduit le 18 août 2020 le putsch contre le président Ibrahim Boubacar Keïta après des mois de contestation populaire. La junte avait ensuite installé des autorités de transition, dont Bah Ndaw, militaire à la retraite, et Moctar Ouane, diplomate.

À lire : Mali, le président et le Premier ministre emmenés au camp militaire de Kati

Ils s'étaient engagés, sous pressions internationales, à rendre le pouvoir à des civils élus au bout de 18 mois, et non pas trois ans comme ils l'estimaient nécessaire. Ils conservaient cependant la main sur les leviers du pouvoir, avec le colonel Goïta dans le rôle taillé sur mesure de vice-président en charge de la sécurité.

Lundi 24 mai les militaires ont fait arrêter le président, le Premier ministre, le nouveau ministre de la Défense et de hauts collaborateurs, quelques heures à peine après la présentation d'un nouveau gouvernement.

Ils les ont fait conduire de force au camp de Kati, haut lieu de l'appareil de Défense à quelques kilomètres de Bamako, où l'ancien président Keïta avait dû annoncer sa démission.

Ils sont "sains et saufs. Ils ont passé la nuit dans de bonnes conditions. Le président a vu son médecin", a indiqué un haut responsable militaire s'exprimant sous le couvert de l'anonymat en raison de la volatilité de la situation.

(Re)voir : Mali, situation confuse autour du nouveau gouvernement de transition

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"Un goût de déjà-vu" 

 

Bien que prévisible, cet énième soubresaut a un goût de déjà-vu. Les militaires, accueillis  favorablement par une population exaspérée par l'insécurité et la corruption, sont accusés d'avoir pris goût au pouvoir.

"Les militaires ne sont pas faits pour s'enrichir", disait Aliou Keïta, 60 ans, ancien soldat. "Nous, à l'époque on combattait et nos poches étaient vides, aujourd'hui c'est le contraire et leurs poches sont pleines". Au contraire, Mamadou Coulibaly, un habitant de Bamako, explique ne pas être "contre ces arrestations. C'est à la population de les laisser faire leur travail".

À lire : Au Mali, les militaires aux postes-clés dans le nouveau gouvernement

Le médiateur de la Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), Goodluck Jonathan, s'est rendu à Bamako dans l'après-midi. La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma),  l'Union africaine (UA), la France, les États-Unis, le Royaume-Uni l'Allemagne et l'Union européenne ont condamné "fermement la tentative de coup de force".

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé "au calme" et à la "libération inconditionnelle" de M. Ndaw et M. Ouane. Selon des diplomates, le Conseil de sécurité pourrait tenir une réunion d'urgence dans les prochains jours. 

À lire : Mali, les réactions internationales après le nouveau coup de force des militaires