Fil d'Ariane
"Tidermène est tombée aux mains de Daech". C’est l’annonce d’un élu de la localité de quelques milliers d’habitants, replié lundi 10 avril après-midi à Ménaka, la capitale régionale de cette région du nord-est du Mali, à quelques dizaines de kilomètres. "Ce jour, ils distribuent des corans aux populations. Ils circulent en ville avec des armes", a-t-il rapporté.
“Les témoins ont vu l’Etat islamique parader dans la localité de Tidermène avec le drapeau, en distribuant des tracts, en demandant la zakat, l’impôt (n.d.l.r. prélevé au nom de l'islam)”, confirme quant à lui le journaliste à Bamako, Serge Daniel. Selon plusieurs interlocuteurs de l’AFP joints à distance sous couvert d’anonymat, ils leur auraient demandé “de continuer à circuler librement, en vaquant à leurs occupations.”
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Mais pour les civils, c’est la fuite. “Les gens sont inquiets, les populations quittent la localité en direction de Ménaka, à 90 km de Tidermène. C’est plutôt la panique”, détaille Serge Daniel. Toutes les principales localités de la région sont à présent sous emprise de l'Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS).
C’est le nouvel épisode d’une vaste offensive de l’EIGS dans les régions de Ménaka et Gao, plus à l’ouest. Elle a commencé au début de l'année 2022. Un vaste champ de bataille, à l’origine de centaines de morts civils, en plein milieu du désert, entre les différentes forces armées et djihadistes rivaux de l'EIGS.
Parmi eux, le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda, mais aussi les anciens indépendantistes touareg qui ont signé la paix en 2015 et les loyalistes pro-gouvernementaux. Tous se battent pour le contrôle de la région.
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Tidermène était jusqu'à ce lundi 10 avril un fief du GSMI. Ces derniers n'ont pas tenté de s'opposer à la nouvelle offensive de l’Etat islamique. Quant à la localité de Ménaka, elle est sécurisée par la mission de stabilisation de l'ONU (Minusma), ainsi que l'armée malienne. Cette dernière assure qu'elle "contrôle Ménaka et assure la protection des civils" suite à la capture de Tidermène.
En nouveau maître de la ville, l’EIGS assure d’ailleurs que leurs ennemis sont l’armée malienne, le GSIM ou les autres groupes armés, et non pas les civils. Pour ce faire, ils recherchent les personnes qui possèdent des armes ou des talkies-walkies, a indiqué un habitant réfugié à Ménaka. Mais les organisations non-gouvernementales rapportent des attaques répétées et des opérations punitives contre des communautés accusées d'aider l'ennemi ou de refuser de rejoindre les rangs djihadistes. Alors, "des civils qui avaient peur ont quitté Tidermène", rapporte cet habitant.
Est-ce que l'EIGS va tenter de descendre plus au sud, dans la localité de Gao, ou est-ce qu’il va partir plutôt vers le Niger voisin ?
Serge Daniel, journaliste et correspondant à Bamako
Les populations civiles se dirigent pour la plupart vers Ménaka, et ce ne sont pas les premiers. Entre les mois de mars et d'août 2022, la ville a connu plusieurs urgences humanitaires, qui ont quasiment triplé sa population, la faisant passer de 11 000 à 30 928 personnes selon l'ONU. D'autant que Ménaka de plus en plus isolé. Par cette offensive, ils coupent Ménaka du nord du pays. "L'État islamique peut empêcher tout ravitaillement qui n'est pas sous escorte" constatent plusieurs sources locales auprès de rfi.
D'autres civils décident de rejoindre des camps et des villes vers la frontière avec le Niger. Reste à savoir ce que préparer l'Etat islamique ensuite. “Est-ce qu’ils vont tenter de descendre plus au sud, dans la localité de Gao, ou est-ce qu’ils vont partir plutôt vers le Niger voisin ?”, s’interroge le journaliste Serge Daniel. Difficile encore de le déterminer avec certitude.