Mali : les autorités annoncent la "fin avec effet immédiat" de l'accord d'Alger

Bamako a annoncé jeudi soir la "fin, avec effet immédiat", de l'important accord d'Alger signé en 2015 avec les groupes indépendantistes du nord du pays, longtemps considéré comme essentiel pour stabiliser le pays. En réaction, Alger déplore le choix de l'"option militaire" fait par le Mali.

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Assimi Goïta

Le colonel Assimi Goïta rencontre une délégation de la CEDEAO, au ministère de la Défense à Bamako, au Mali, le 22 août 2020.

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La junte malienne au pouvoir a invoqué "le changement de posture de certains groupes signataires", mais aussi "les actes d'hostilité et d'instrumentalisation de l'accord de la part des autorités algériennes dont le pays est le chef de file de la médiation", indique un communiqué lu à la télévision d’État par le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement installé par les militaires.

Qu'est-ce que l'accord d'Alger ?
En 2012, les groupes à dominante touareg reprennent les armes pour l'indépendance ou l'autonomie du nord. L'insurrection ouvre la voie à des groupes islamistes radicaux qui finissent par supplanter les indépendantistes des  Mouvements de l'Azawad et par conquérir l’essentiel du nord, déclenchant une intervention militaire de la France et plongeant le Sahel dans la guerre.

Après un cessez-le-feu en 2014, les groupes armés à dominante touareg signent, en 2015, avec le gouvernement et des groupes loyalistes qui combattaient à ses côtés, l'accord de paix dit d'Alger, qui prévoyait plus d'autonomie locale et l'intégration des combattants dans une armée dite "reconstituée", sous l'autorité de l’État.

Un accord "inapplicable"

L'accord était déjà considéré comme moribond depuis la reprise en 2O23 des hostilités contre l’État central et l'armée malienne par les groupes indépendantistes à dominante touareg du Nord, dans le sillage du retrait de la mission des Nations unies (Minusma), poussée vers la sortie par la junte après dix années de présence.

L'accord avait reçu un rude coup supplémentaire le 31 décembre quand le chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, avait annoncé lors de ses vœux de Nouvel An la mise en place d'un "dialogue direct inter-malien", donc sans médiation internationale contrairement à l'accord d'Alger.

Le gouvernement "constate l'inapplicabilité absolue" de l'Accord d'Alger, "et, par conséquent, annonce sa fin, avec effet immédiat", dit le communiqué.

Une série de ruptures

"Tous les canaux de négociations sont désormais fermés", a confié à nos confrères de l'AFP Mohamed El Maouloud Ramadane, porte-parole du Cadre stratégique permanent, alliance de groupes armés qui avaient signé l'accord de 2015 avant de reprendre les armes l'an dernier.

"Nous n'avons pas d'autre choix que de livrer cette guerre qui nous est imposée par cette junte illégitime avec qui le dialogue est impossible", a-t-il ajouté.

L'officialisation de la fin de l'accord s'inscrit dans le prolongement d'une série de ruptures auxquelles ont procédé les militaires qui ont pris le pouvoir par la force en 2020. Ils ont rompu l'alliance ancienne avec la France et ses partenaires européens pour se tourner vers la Russie et ont fait partir la Minusma.

Elle intervient dans un climat de profonde dégradation des relations entre le Mali et le grand voisin algérien, avec lequel le Mali partage des centaines de kilomètres de frontière.

L'Algérie déplore le choix de Bamako de l'"option militaire"

L'Algérie a réagi par la voix de son Ministère des Affaires étrangères. Dans un communiqué, l’Algérie dit avoir "pris connaissance, avec beaucoup de regrets et une profonde préoccupation, de la dénonciation par les autorités maliennes de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger". S'adressant nommément au "peuple malien frère", le message souligne que "l’option militaire est la première menace à l’unité et à l’intégrité territoriale du Mali, qu’elle porte en elle les germes d’une guerre civile au Mali, qu’elle diffère la réconciliation nationale au lieu de la rapprocher et qu’elle constitue enfin une source de menace réelle pour la paix et la stabilité régionales.

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"Ingérence et hostilité"

Le colonel Maïga a lu jeudi soir un autre communiqué vigoureux, spécifiquement contre l'Algérie. Le gouvernement "constate avec une vive préoccupation une multiplication d’actes inamicaux, de cas d’hostilité et d’ingérence dans les affaires intérieures du Mali par les autorités" algériennes, dit-il.

Le colonel Abdoulaye Maïga lit à la télévision malienne les communiqués traitant des relations avec l'Algérie et annonçant la fin de l'accord d'Alger, Bamako, 25 janvier 2024.

Il dénonce "une perception erronée des autorités algériennes qui considèrent le Mali comme leur arrière-cour ou un Etat paillasson, sur fond de mépris et de condescendance".

Parmi différents griefs, la junte reproche à l'Algérie d'héberger des bureaux de représentation de certains groupes signataires de l'Accord de 2015 et devenus "des acteurs terroristes". Le régime malien "exige des autorités algériennes de cesser immédiatement leur hostilité".

 

La violence qui a fait des milliers de morts combattants et civils et des millions de déplacés s'est propagée au centre du Mali et au Burkina Faso et au Niger voisins, à leur tour théâtres de coups d’État militaires en 2022 et 2023.