Mali : les autorités ordonnent la suspension de la diffusion de France 24 et RFI

Les autorités maliennes ont ordonné la suspension de la diffusion de RFI et France 24 dans le pays. Elles dénoncent de "fausses allégations" d'exactions commises par les Fama, les forces armées maliennes. Plusieurs médias et organisations ont récemment décrit des violences commises par l'armée malienne et les paramilitaires de la société privée russe Wagner contre des civils, dans le cadre des affrontements avec les groupes djihadistes. 
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La France a dénoncé jeudi 17 mars des "atteintes graves à la liberté de la presse" au Mali après la suspension de la diffusion des médias français RFI et France 24. Paris pointe du doigt de "graves allégations d'exactions" dans le centre du pays qui ont été documentées "de manière indépendante, et qui ne sauraient être passées sous silence", souligne la porte-parole du ministère français des Affaires étrangères. 

Emmanuel Macron a également réagit, en marge de la présentation de son programme pour la présidentielle. Pour le président-candidat, cette suspension est le "signe d'une course en avant vers le pire".

Dans la nuit de mercredi 16 mars à jeudi 17, la junte malienne a ordonné la suspension de la diffusion de RFI et France 24 au Mali. Les autorités évoquent de "fausses allégations" d'exactions commises par l'armée malienne et rapportées par les deux médias français.  Dans un communiqué, le gouvernement malien précise qu'il"rejette catégoriquement ces fausses allégations contre les vaillantes Fama" (Forces armées maliennes) et "engage une procédure (...) pour suspendre jusqu'à nouvel ordre la diffusion de RFI (...) et France 24".
 

"Stratégie savamment préméditée"

Le communiqué signé du colonel Abdoulaye Maiga, porte-parole du gouvernement, "interdit à toutes les radios et télévisions nationales, ainsi qu'aux sites d'information et journaux maliens, la rediffusion et/ou la publication des émissions et articles de presse de RFI et de France 24".
Le gouvernement malien estime que "ces fausses allégations" ont été rapportées notamment dans un reportage des 14 et 15 mars. RFI y a donné la parole à des victimes présumées d'exactions, qui auraient été commises par l'armée malienne et le groupe privé russe Wagner.

Le quotidien français Le Monde a également publié une enquête visant à illustrer ces violences. 

Mali : une enquête du Monde accuse Bamako et Wagner d'exactions
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D'après le communiqué, ce "matraquage médiatique" représente une "stratégie savamment préméditée, visant à déstabiliser la Transition, démoraliser le Peuple malien et discréditer les vaillantes FAMa."

Le colonel Maiga estime en outre que "les agissements de RFI et France 24 ressemblent, dans un passé récent, aux pratiques et au rôle tristement célèbre de la radio "Mille Collines"", qui avait encouragé le génocide au Rwanda en 1994.

Dénonciation d'un rapport de Human Rights Watch

Le communiqué du gouvernement malien dénonce aussi "une déclaration de Mme Michelle Bachelet, Haute-commissaire des Nations Unies aux Droits de l'homme, le 8 mars 2022" et "un rapport de Human Rights Watch, le 15 mars 2022". Le rapport faisait état d'une "vague d'exécutions de civils" et des pillages opérés par l'armée malienne et les djihadistes, faisant "au moins 107 morts civils" depuis le mois de décembre.

(Re)lire : Au Mali, "nouvelle vague d’exécutions de civils", selon Human Rights Watch

D'après l'AFP, les émissions des deux médias se poursuivaient encore jeudi matin. À la mi-journée, RFI avait cessé ses émissions, mais France 24 continuait d'émettre. 
 

Décision "inacceptable" d'après l'UE

Une telle suspension de deux grands médias d'information étrangers n'a pas de précédent récent au Mali. RFI et France 24 qui couvrent de près l'actualité africaine, sont très suivies au Mali. Le 8 février, Bamako avait toutefois expulsé un envoyé spécial du média français "Jeune Afrique" quelques heures après son arrivée à Bamako.

L'Union Européenne a jugé "inacceptable" cette décision, sur la base d'"accusations infondées", selon une porte-parole de la diplomatie européenne. Lors d'un point presse, Nabila Massrali a déploré une "fuite en avant" de la junte. Paris a dénoncé des "atteintes graves à la liberté de la presse". La France pointe aussi des "allégations d'exactions", qui ne doivent pas être "passées sous silence".

Dans un communiqué, France Medias Monde, la maison mère de RFI et France 24,
"déplore cette décision et proteste vivement contre les accusations infondées mettant gravement en cause le professionalisme de ses antennes." Le groupe "étudiera toutes les voies de recours pour qu'une telle décision ne soit pas mise en oeuvre".

De son côté, l'ONG Reporters sans frontières a condamné "fermement" la suspension, qui, selon elle, ne fera que "renforcer l'ostracisation du pays".