Les 46 soldats ivoiriens détenus au Mali depuis juillet 2022 sont condamnés à vingt ans de prison pour “atteinte à la sûreté de l’État”. Au lendemain du jugement, la présidence ivoirienne espère toujours qu’ils seront libérés dans les plus brefs délais. Des pressions sont exercées par la communauté internationale pour obtenir leur libération.
Le procès a duré deux jours. À l’issue des audiences devant la cour d’assises de Bamako, les 46 soldats ivoirens ont été reconnus coupables d'"attentat et complot contre le gouvernement", "atteinte à la sûreté extérieure de l'État", "détention, port et transport d'armes et de munitions de guerre (...) ayant pour but de troubler l'ordre public par l'intimidation ou la terreur".
Le jugement a suscité beaucoup d’émotion et une profonde stupeur à Abdijan. “C’est une condamnation injuste. Les Maliens ne disent pas la vérité. Ils ont menti au peuple en disant que ce sont des mercenaires”, s'exclame un habitant de la capitale ivoirienne au micro de TV5MONDE.
Les soldats “bientôt” de retour à Abidjan, selon Alassane Ouattara
Si la présidence ivoirienne a indiqué ne pas souhaiter s’exprimer à la suite du jugement, le dirigeant Alassane Ouattara a fait savoir que les soldats seraient “
bientôt” de retour à Abidjan. Dans son discours de vœux pour la nouvelle année 2023, le président ivoirien a indiqué que ses “
pensées vont particulièrement à l'endroit de nos soldats détenus au Mali depuis le 10 juillet".
Les 46 soldats regagneront bientôt le sol ivoirien.
Alassane Outarra, président de la Côte d'Ivoire
"
Grâce aux actions diplomatiques entreprises avec l'appui de dirigeants de plusieurs pays amis, notamment le président de la République togolaise" Faure Gnassingbé,
"trois soldats femmes ont été libérés en septembre dernier", a expliqué le président ivoirien. Selon lui, "
les 46 autres soldats regagneront bientôt le sol ivoirien".
“Il en va de la crédibilité du pouvoir malien”
Ces déclarations font écho à une possible grâce présidentielle décidée par l’État malien. Selon certaines sources proches des autorités ivoiriennes, Bamako pourrait décider de libérer les soldats dans les prochains jours. “
Il en va de la crédibilité du pouvoir malien face aux critiques”, analyse une source auprès de TV5MONDE, ajoutant que “
les deux parties ont reconnu qu’il y a des malentendus”.
Un mémorandum a été signé entre la Côte d’Ivoire et le Mali le 22 décembre. L’accord a été trouvé à l’issue d’une visite à Bamako d'une délégation officielle ivoirienne qui s'est déroulée dans un esprit "fraternel". Le ministre ivoirien de la Défense, Téné Birahima Ouattara, frère du chef de l'Etat, soulignait alors que l'affaire était "
en voie de résolution".
Les choses vont peut-être se dénouer. Ce qui est dommage, c’est d’avoir utilisé autant de forces judiciaires pour valoir un résultat et que les choses se décantent.Mamadou Ismaïla Konaté, avocat et ancien ministre de la Justice du Mali
L'accord trouvé entre le Mali et la Côte d'Ivoire laisse ouverte la possibilité d'une grâce présidentielle du chef de la junte militaire malienne, Assimi Goïta. Ce dernier qui n'a pas mentionné les soldats ivoiriens dans son discours de fin d'année diffusé samedi 31 décembre.
Selon Mamadou Ismaïla Konaté, avocat et ancien ministre de la Justice du Mali, “
les choses vont peut-être se dénouer. Ce qui est dommage, c’est d’avoir utilisé autant de forces judiciaires pour valoir un résultat et que les choses se décantent”.
Un risque de sanctions de la Cédéao plane sur Bamako
Début décembre à Abuja, les dirigeants ouest-africains réunis en sommet sans le Mali. Ils avaient
exigé que les 46 soldats ivoiriens soient libérés avant le 1er janvier. Passé ce délai, la Cédéao a indiqué être prête à prendre de nouvelles sanctions contre Bamako.
L’institution avait déjà organisé un sommet extraordinaire en septembre dernier. À cette occasion, elle avait dépêché au Mali une délégation de haut niveau pour tenter de dénouer la crise. Mais aucun progrès n'a été rapporté après cette mission. Les dirigeants ouest-africains se sont aussi penchés sur la situation au Mali, au Burkina Faso et en Guinée, trois pays dans lesquels les militaires ont pris le pouvoir par la force depuis 2020.
La Cédéao, inquiète de l'instabilité et d’un risque de contagion, fait pression depuis des mois pour un retour aussi rapide que possible des civils à la tête de ces pays. Par ailleurs, le Mali et le Burkina sont gravement ébranlés par la propagation djihadiste. Les deux voisins sahéliens ont été le théâtre de deux putsch en l'espace de moins d'un an. Les trois pays sont suspendus des organes décisionnels de la Cédéao.