L'armée française est toujours présente dans la région du Sahel sous le nom, désormais, d'opération Barkhane. Une opération militaire qui se fait en coopération avec cinq pays de la région parmi lesquels le Niger. Il y a quelques jours, les forces françaises ont détruit un convoi d'Al Qaida au Maghreb islamique qui transportait des armes de la Libye vers le Mali. Explications.
Des hélicoptères des forces françaises au Niger. Capture d'écran.
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De Serval à Barkhane
19.10.2014Florencia Valdés Andino
Ce raid s’inscrit dans une stratégie bien plus globale de lutte contre Aqmi, Ansar e-dine et al-Mourabitoun (des djihadistes du nord-Mali). Trois groupes terroristes extrêmement mobiles et dangereux, qui menacent le fragile équilibre trouvé avec l’opération Serval. Lancée en janvier 2013, c’est ainsi que l’intervention française au Mali avait été baptisée. Il y a deux ans, les soldats français empêchaient la prise imminente de Bamako par un groupe armé djihadiste. Cette opération s’est achevée officiellement en août 2014. Mais les troupes hexagonales ne sont pas rentrées, au contraire. L’opération Serval est devenue l’opération Barkhane avec un renfort de la présence de ces troupes. Celles-ci se sont déployées dans la bande sahélo-saharienne. Un déploiement qui devrait être bientôt revu. "Cette bandeprend en compte une menace qui vient du nord. Or il y en a une autre, sensiblement identique, qui est Boko Haram. Est-ce qu'on peut avoir un dispositif exclusivement tourné vers le nord en ignorant la menace qui est immédiatement à nos côtés ?", s’est demandé le général Jean-Pierre Bosser dans La Voix du Nord.
Quel est l’objectif ?
De la Mauritanie au Tchad, les militaires français entendent éviter la réimplantation des djihadistes dans le nord du Mali et freiner l’expansion des groupes terroristes profitant du chaos, qui s’est installé à la frontière de l’Algérie, le Niger, le Tchad et le Soudan. Cet immense territoire où circulent également délinquants et trafiquants de tous poils. C’est que le besoin d’agir commence à être pressant. A Kidal, dans le nord du Mali, un camp de la mission des nations unies au Mali (la Minusma) avait été attaqué début octobre. Quelques jours auparavant un attentat avait tué neuf soldats nigérians de la même mission cette fois-ci plus au sud à Gao. "Signe de la dégradation sécuritaire au Mali", raconte l’envoyée spéciale du Monde Nathalie Guibert à N’Djamena, au Tchad. Et de poursuivre : "Les forces armées présentes à Kidal, onusiennes et françaises, avaient été accusées impuissance par les Maliens."Il s’agit donc de sécuriser la zone et de retrouver la confiance de la population. D’ailleurs ce samedi 18 octobre l’armée française a annoncé avoir arrêté, au cours d'une vaste opération, le groupe commanditaire, responsable de l’attaque contre la Minusma de Kidal. "Au cours des fouilles dans des maisons un stock très important d’armement et des munitions par milliers, jusque du calibre lourd, ont été découverts, ainsi que du matériel électronique et des composants", a déclaré au Monde le général Jean-Pierre Palasser, commandant de l’opération Barkhane au Sahel.C’est exactement ce réarmement qui inquiète les militaires français et locaux. Même chose dans le nord du Niger. Le raid français mené, vendredi 10 octobre, a permis d’intercepter un convoi d’armes venant de Libye et destinées au chef d’Ansar e-dine. Des armes tout à fait opérationnelles, trouvées dans les stocks libyens du feu Mouammar Kadhafi.
La poudrière libyenne
Ces stocks sont visiblement bien fournis. Car déjà à la mort du leader libyen, des missiles anti-aériens de courte portée SA-7 -de conception russe- se sont retrouvés aux mains de groupes djihadistes, après le pillage des arsenaux de ce dernier. Cette circulation d’armes, mais aussi d’hommes et de marchandise est facilitée par l’instabilité chronique du pays. Une fois Kadhafi parti, le pouvoir en place a été incapable de garantir l’ordre et d’assurer l’étanchéité de ses frontières. A cela s’ajoute un affrontement constant entre différentes milices. Un facteur aggravant aurait été l’intervention voulue par Nicolas Sarkozy. Celle-ci a été déterminante dans la chute du "guide suprême". C’est en tout cas l’analyse de nombreux observateurs. Parmi eux, Ana Gomes, eurodéputée socialiste portugaise et membre de la sous-commission "sécurité et défense". "Cette intervention a été faite n’importe comment et l’Union européenne ne se donne pas les moyens d’assurer le service après-vente. C’est la sécurité de l’Europe qui est en jeu !", s’insurge-t-elle.
Comment financer Barkhane ?
Une Malienne salue un soldat français déployé au Mali. la scène se déroule cet été alors que l'opération Serval arrive à sa fin. Crédit photo : AFP.
Au delà des considérations politiques, la priorité des militaires sur le terrain reste le succès de leur mission. Mais avec quels moyens ? Il y a quelques jours le ministère de la Défense annonçait une fois de plus des coupes budgétaires drastiques dans un contexte économique plus que morose. La fermeture de sites dans l’Hexagone a fait la une de tous les journaux. Mais ces coupes budgétaires touchent aussi les opérations à l’extérieur, notamment dans le domaine de l’équipement. On se souvient des soldats français, qui sous couvert d’anonymat, se peignaient de ne pas avoir les chaussures adaptées au sol malien. Alors que le pays est également engagé dans la coalition contre le groupe État islamique en Irak et en Centrafrique avec l’opération Sangaris,la rigueur est-elle compatible avec les ambitions militaires de la France ? Cette question se posait déjà l’année dernière, et l’année d’avant. La réponse tarde à venir.