Fil d'Ariane
Plus de 130 civils ont été tués dans le centre du Mali lors d'attaques attribuées à des djihadistes affiliés à Al-Qaïda. C’est l’un des pires massacres qu’ait connu le pays.
Des élus locaux rapportent des scènes macabres. Des massacres systématiques perpétrés il y a quelques jours par des hommes en armes à Diallassagou et dans deux localités environnantes du cercle de Bankass dans le centre du pays. C’est l'un des principaux foyers de la violence qui ensanglante le Sahel depuis des années.
"On a perdu des proches, des grands frères, des tontons, du matériel (a été) détruit, des animaux emportés, des habits, tout", témoigne un élu local s'exprimant à Bamako sous le couvert de l'anonymat pour des raisons de sécurité.
"Il ne reste rien de Diallassagou. Diallassagou, la commune la plus riche du cercle de Bankass...", a-t-il renchérit.
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Le gouvernement a fait état de 132 morts qu'il a imputés à la Katiba Macina du prédicateur peul Amadou Kouffa, affiliée à Al-Qaïda. Sorti lundi 20 juin après-midi du silence alors que les informations alarmantes proliféraient depuis le week-end sur les réseaux sociaux, le gouvernement date les événements de la nuit de samedi à dimanche. D'autres les font remonter à vendredi.
Le chef de la junte au pouvoir depuis août 2020, le colonel Assimi Goïta, a décrété trois jours de deuil national.
Différents interlocuteurs indiquent qu'on continue à compter les morts sur place. Nouhoum Togo, président d'un parti ayant son assise à Bankass, principale localité du secteur, parle d'un nombre de victimes encore plus élevé.
Il affirme que la zone a été le théâtre il y a deux semaines d'opérations de l'armée qui avaient donné lieu à des accrochages avec les jihadistes. Ces derniers seraient revenus à plusieurs dizaines à motos pour se venger contre les populations, a-t-il dit.
« Ils sont arrivés et ont dit aux gens : « vous n'êtes pas des musulmans » en langue peul. Alors ils ont emmené les hommes, une centaine de personnes sont parties avec eux. À deux kilomètres de là, ils ont abattu les gens systématiquement », a-t-il affirmé.
« Aujourd'hui encore, on a continué à ramasser les corps dans les communes environnantes de Diallassagou », a-t-il ajouté.
Depuis l'apparition en 2015 de la Katiba Macina dans le centre du Mali, la région est livrée aux exactions jihadistes, aux agissements des milices proclamées d'autodéfense et aux représailles intercommunautaires. Une grande partie de la zone échappe au contrôle de l'Etat central.Le 23 mars 2019, plus de 160 civils peuls avaient été massacrés dans le village d’Ogossagou.
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Mais c'est tout le Mali qui est plongé dans une profonde crise sécuritaire, politique et humanitaire depuis le déclenchement d'insurrections indépendantiste et jihadiste en 2012 dans le nord. La propagation jihadiste a gagné le centre et les pays voisins, Burkina Faso et Niger.
Les militaires qui ont pris le pouvoir par la force en août 2020 ont fait de la restauration de la sécurité leur priorité. Ils se sont détournés des anciens alliés militaires du Mali, à commencer par les Français, et tournés vers les Russes.
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres écrivait dans un récent rapport qu'avec l'intensification des opérations des soldats maliens soutenus par des éléments étrangers "les civils ont été exposés à de violentes attaques et à des violations croissantes des droits de l'homme, qui ont fait le plus grand nombre de victimes civiles enregistré à ce jour au Mali".
Les civils sont soumis aux représailles de jihadistes qui les accusent de pactiser avec l'ennemi. Dans certaines zones, de plus en plus étendues dans le centre, passées sous l'emprise des jihadistes, ces derniers appliquent avec vigueur leur vision sociale.
Les civils se retrouvent aussi souvent pris entre deux feux dans les affrontements entre groupes armés rivaux, y compris entre ceux affiliés à Al- Qaïda et à l'organisation État islamique, qui sévit également au Mali et au Sahel.
L'élu qui déplorait qu'il ne restait rien de Diallassagou s'est plaint que les alertes données par les populations aient été entendues trop tard.
"On a tout dit mais les dispositions n'ont pas été prises. Les autorités étaient prévenues à 15H00, 16H00, 17H00, mais ils sont arrivés le lendemain matin à 10H00", a-t-il dit sans préciser le jour.
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Le nombre de civils tués dans des attaques attribuées à des groupes extrémistes a quasiment doublé depuis 2020 au Sahel central affirme une coalition d'ONG ouest-africaines.
Un document de l'ONU publié en mars 2022 indiquait que près de 600 civils avaient été tués au Mali en 2021 dans des violences imputées principalement aux groupes jihadistes, mais aussi aux milices d'autodéfense et aux forces armées.